Vous zieutez les plages de la côte est américaine pour vos vacances estivales ? Walt Disney ? Le Grand Canyon ? Les vignobles de la Californie ? Peu importe la destination, il serait peut-être sage de réserver tout de suite, parce que les meilleurs hôtels risquent de s'envoler, évidemment, mais aussi parce que l'envolée du huard pourrait être de courte durée.

Le dollar canadien a brièvement touché 80 cents US au début de la semaine avant d'attraper un trou d'air. Hier, le huard a clôturé sous les 78 cents US à cause de la baisse des taux en Australie et des mauvaises données économiques de la Chine qui ont ressassé les inquiétudes sur l'économie mondiale.

Bon, d'accord, on est loin de la parité comme en 2013. Mais les voyageurs canadiens peuvent quand même se réjouir de la remontée de 15 % de leur devise depuis son creux d'un peu plus de 68 cents US à la mi-janvier.

Jamais on n'a vu un rebond si rapide, si ce n'est après la crise du crédit.

La reprise du dollar canadien est un peu moins spectaculaire face à l'euro (+ 8 %) et à la livre (+ 12 %). Mais tout de même, ça fait du bien au portefeuille.

VIEUX COUPLE MARIÉ

La remontée du huard est étroitement liée à la reprise des matières premières. Le pétrole et le dollar « sont comme un vieux couple marié, car ils se suivent partout », disait récemment au Sénat Hendrik Brakel, directeur principal de la Chambre de commerce du Canada.

Un mouvement de 10 $US du prix du pétrole fait généralement bouger le huard de 3 à 5 cents. Ainsi, le rebond de 26 $US à 44 $US du pétrole expliquerait à lui seul plus de la moitié de la remontée du huard.

Mais il faut aussi réaliser que le Canada est passé de « zéro » à « héros » en peu de temps. Alors que la vigueur de l'économie américaine a incité la Fed à hausser son taux pour la première fois en 10 ans, la Banque du Canada, elle, a réduit son taux directeur à deux reprises en 2015 pour contrer la morosité économique. Elle avait même évoqué l'idée d'un taux négatif, c'est vous dire.

Tout le monde voyait le Canada à la traîne pour 2016. Mais coup de théâtre ! Le PIB devrait augmenter de 3 % au premier trimestre, mieux qu'aux États-Unis (0,5 %), au Royaume-Uni (1,5 %) et dans la zone euro (2,2 %), rapporte Douglas Porter, économiste en chef du Groupe financier BMO.

Avec le raffermissement des matières premières et le plan d'investissement du gouvernement Trudeau, l'économie canadienne pourrait croître de 1,8 % cette année, autant qu'aux États-Unis... alors qu'on s'attendait à une croissance américaine deux fois plus forte. Tout un revirement de situation.

CONSOMMATEURS, INVESTISSEURS

Pour les ménages canadiens, la remontée du pétrole et du dollar a du bon et du moins bon.

Les consommateurs auront un répit, eux qui avaient subi une augmentation de 30 à 40 % des prix des biens fabriqués aux États-Unis à cause de la chute du huard, selon le Centre canadien de politiques alternatives. L'augmentation du prix des fruits et légumes avait particulièrement marqué les esprits l'hiver dernier. Vous vous souvenez des choux-fleurs à 8 $ à l'épicerie ?

Mais les ménages ne peuvent pas se réjouir trop vite, car ils devront encaisser la hausse des prix de l'énergie. L'an dernier, la chute du pétrole avait permis aux Canadiens d'économiser 6,7 milliards, soit 470 $ par famille, uniquement au cours des trois premiers trimestres, selon le Mouvement Desjardins.

Quant aux investisseurs canadiens, ils ont déjà vu l'effet du spectaculaire revirement du dollar et du pétrole dans leur portefeuille. Après une année de misère en 2015, la Bourse canadienne se classe parmi les championnes depuis le début de 2016.

Poussés par les ressources naturelles, les fonds communs d'actions canadiennes ont grimpé de 8 % depuis trois mois, selon Morningstar. Par contre, les fonds d'actions étrangères sont dans le rouge à cause du jeu des devises. Exactement l'inverse de l'an dernier.

ET LES VACANCES ?

Pour les vacanciers, la question est de savoir si la vigueur du huard tiendra jusqu'à l'été.

Si on se fie à la saisonnalité, ce sera difficile. Le passé n'est pas garant de l'avenir, mais avril est généralement un mois béni pour le huard. Par la suite, la devise stagne et perd des plumes durant la deuxième moitié de l'année, mentionne M. Porter.

Pour en avoir le coeur net, il faudra suivre les fluctuations du pétrole et la réunion de la Réserve fédérale en juin. Si la Fed semble vouloir poursuivre son resserrement monétaire comme prévu, signalant que l'économie américaine se maintient malgré les mauvais signaux des derniers mois, il ne faudra pas s'étonner que le huard redescende autour de 75 cents US, indiquent plusieurs économistes.

Donc, si vous avez besoin de billets verts pour cet été, pourquoi ne pas en acheter dès maintenant ? Au moins une partie, car il n'est pas impossible non plus que le huard s'apprécie encore si le pétrole poursuit sur sa lancée.

Pour l'euro, il n'y a pas d'urgence. Le taux de change sera plus stable face à l'euro, le dollar canadien pourrait même s'apprécier encore un peu, indique Hendrix Vachon, économiste senior chez Desjardins.

Et la livre sterling ? Tout dépend du Brexit ! Sortira, sortira pas de l'Union européenne ? On le saura lors du référendum, le 23 juin.