Il y a de l'argent qui pend au bout du nez des Québécois. Des crédits, des bons, des allocations qui passent carrément dans le beurre parce que les contribuables connaissent mal les rouages de la fiscalité, fort complexes je vous l'accorde.

Faute de connaissances, des milliers de citoyens ne déballent pas les cadeaux qui leur sont destinés. Vous voulez des exemples ? Voici une série de mesures fiscales qui ratent leur cible parce qu'elles sont méconnues, mal ciblées, trop compliquées...

MÉCONNU

Je vous ai souvent parlé du Bon d'études canadien (BEC) qui reste méconnu et sous-utilisé plus d'une décennie après sa création.

Pourtant, le BEC permet aux familles qui ne roulent pas sur l'or d'obtenir un cadeau allant jusqu'à 2000 $ par enfant. Il suffit d'ouvrir un Régime enregistré d'épargne-études (REEE) et Ottawa y versera 500 $ la première année, puis 100 $ pour les 15 années suivantes, si la famille est encore admissible.

Pas besoin de cotiser au REER. C'est carrément de l'argent qui tombe du ciel pour les familles qui gagnent moins que 45 000 $ environ.

Malheureusement, les deux tiers de ces familles à faibles revenus - plus de 300 000 enfants au Québec - ne vont pas chercher leur dû. Voilà des dizaines de millions qui restent sur la table. Quel dommage ! Québec devrait trouver une formule d'adhésion automatique pour s'assurer que chaque petit Québécois touche son dû.

DANS LE CHAMP !

L'Allocation-logement donne un fameux coup de main aux ménages à faible revenu qui consacrent une part trop importante de leur budget à se loger.

Le cadeau peut atteindre 80 $ par mois. « Pour des ménages à faibles revenus, ça paie une épicerie. Malheureusement, il y en a un certain nombre qui passe à côté parce qu'il faut en faire la demande », dit Sylvie de Bellefeuille, d'Option consommateurs.

Comme cette demande n'est pas intégrée à la déclaration de revenus, le programme est un peu dans le champ. Pourquoi le gouvernement ne verserait-il pas l'argent automatiquement aux contribuables qui en feraient la demande en même temps que leur déclaration, un peu comme pour le crédit à la solidarité ?

« Les études canadiennes ont montré qu'on échappe moins d'individus avec des mesures fiscalisées [qui passent par la déclaration de revenus] », précise Luc Godbout, professeur de fiscalité à l'Université de Sherbrooke.

PEU PAYANT

Tant Ottawa que Québec ont lancé des crédits pour favoriser l'activité physique et culturelle des enfants. Noble cause. Mais les cadeaux ne sont pas énormes. Au fédéral, l'économie atteint 125 $ si vous dépensez 1000 $. Au provincial, le maximum est de 60 $. Minuscule !

« À cette ampleur-là, c'est sûr que ça n'influence pas le comportement des gens », dit Antoine Genest-Grégoire, professionnel de recherche à la Chaire de recherche en fiscalité et en finances publiques.

Trop de parents ne se donnent pas la peine de ramasser les reçus tout au long de l'année, surtout que plusieurs familles ne sont pas au courant de la mesure qui est surtout connue et utilisée par les plus riches, comme l'a démontré une étude.

TROP COMPLIQUÉ

En 2013, Ottawa a ajouté un « super crédit » pour encourager les gens à faire un premier don. Du beau marketing politique ! En théorie, le crédit de 21 % permet d'obtenir une économie d'impôt maximale de 210 $.

Mais en pratique, c'est plus compliqué. Pour être admissibles, le contribuable et son conjoint ne doivent pas avoir réclamé de crédit pour don au cours des cinq années précédentes... même s'ils n'étaient pas ensemble au moment du don.

Et pour toucher le crédit maximal, il faut donner 1000 $ en une seule année. Si votre premier don s'élève à 50 $ cette année, le super crédit ne vous vaudra que 10,50 $. Et vous n'y aurez plus droit ensuite... à moins d'accumuler vos reçus.

Tout ça est trop complexe : ça finit par coûter plus cher de comptable que la somme que ça rapporte.

TROP ÉPARPILLÉ

Une multitude de mesures fiscales s'adressent aux personnes âgées : fractionnement des revenus de retraite, crédit en raison de l'âge, montant pour revenus de retraite... Bonne chance pour faire leurs impôts sans rien oublier !

Or, certaines mesures ne rapportent que des grenailles, comme le crédit pour les activités des aînés. On souhaite tous que les aînés restent actifs. Mais fallait-il vraiment ajouter ce crédit d'impôt à tous ceux qui existent déjà ? En s'éparpillant, on complexifie la fiscalité. Vaudrait mieux miser sur les mesures centrales destinées aux aînés, quitte à les rendre plus généreuses.

« Le coeur, ça demeure le crédit pour le maintien à domicile. Ça devrait être ça la priorité », estime Luc Godbout.

TROP RESTRICTIF

Le crédit pour les activités des aînés est aussi un bel exemple de mesure très restrictive. Pour y avoir droit, vous devez avoir 70 ans ou plus, gagnez moins de 40 425 $, être inscrit à un programme d'au moins huit semaines ou cinq jours consécutifs qui est reconnu aux fins du crédit d'impôt...

Tout ça pour obtenir une économie d'impôt maximale de 40 $. Une bagatelle !

À DEUX VITESSES

Plusieurs mesures fiscales, comme le crédit pour frais médicaux, ont des paramètres différents au fédéral et au provincial. Ce décalage peut faire en sorte que les familles non admissibles au provincial ne réclament pas au fédéral, croyant à tort ne pas y avoir droit non plus, comme c'est le cas avec le crédit pour frais médicaux.

Autre exemple de la confusion créé par notre système fiscal à deux vitesses : Ottawa permet de tenir compte du fractionnement de revenus pour établir les acomptes provisionnels, mais pas Québec. Absurde ! Gare à ceux qui se trompent : les pénalités sont salées.