N'ajustez pas votre appareil. Mardi, le monde de la télévision a amorcé une grande mutation tarifaire. À partir du 1er mars, les câblodistributeurs sont obligés de fournir un forfait de base à prix abordable, soit un maximum de 25 $ par mois.

Ce changement est un prélude au branle-bas de combat qui aura lieu le 1er décembre, date à laquelle les fournisseurs devront aussi offrir toutes les chaînes additionnelles à la carte et en petit bouquet de canaux (maximum 10) à prix raisonnable. Tel en a décidé le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC), qui souhaitait ainsi donner plus de latitude aux consommateurs excédés par les forfaits trop lourds et trop coûteux. 

Mais les changements ne plaisent pas à l'industrie des télécoms. Bell Canada, qui tarde à dévoiler son offre, a d'ailleurs ordonné à ses employés de ne pas faire la promotion des nouveaux forfaits auprès de la clientèle, selon un document interne obtenu par CBC. 

Le CRTC a l'intention de les surveiller de près, comme le disait récemment son président dans un discours mordant où il déplorait le manque de collaboration des « dirigeants d'entreprises qui possèdent des yachts luxueux et des hélicoptères privés ». 

Dans ce contexte à couteaux tirés, il est loin d'être sûr que les nouveaux forfaits concoctés par les fournisseurs récalcitrants attireront beaucoup de téléspectateurs. 

Vrai, les Québécois qui regardent très peu la télévision (ou qui pigent leur contenu directement sur l'internet) réaliseront des économies. En effet, la plupart des forfaits de base présentement annoncés par les fournisseurs coûtent plus de 25 $. 

Chez Bell, par exemple, on demande 41,95 $ par mois pour un service de télévision par satellite de base. Du côté de Vidéotron, le service le moins coûteux se détaillait à 41 $ jusqu'à tout récemment.

***

Mais pour plusieurs abonnés, la mesure ne changera pas grand-chose.

En profitant des promos, bien des consommateurs aguerris paient déjà moins que 25 $ pour un service plus généreux que le futur service de base exigé par le CRTC. C'est ce que j'ai pu constater en jetant un coup d'oeil à la facture de quelques abonnés à un forfait de base.

Voyons voir la facture d'un client qui cumule trois services chez Bell (télé, internet, téléphone). Pour la télévision seulement, il verse 36,95 $, plus des frais de service numérique de 3 $. Mais en soustrayant différentes promotions (rabais de 7 $ pour les services jumelés, rabais temporaire de 9,99 $ pour 24 mois) le prix chute à 22,96 $ par mois.

Pour un tarif inférieur à celui du nouveau forfait « abordable » du CRTC, ce client a donc droit à un éventail de chaînes beaucoup plus large incluant ICI RDI, MusiquePlus, RDS ou LCN et j'en passe.

Bien sûr, le client paiera plus cher lorsque les rabais temporaires de 24 mois arriveront à échéance. Mais il est bien déterminé à déménager ses pénates ailleurs si son fournisseur ne lui fait pas une offre aussi alléchante. Excellent réflexe !

Regardons maintenant la facture d'une cliente de Vidéotron abonnée au même trio. Son service de télédistribution de base numérique lui donne accès à un nombre de chaînes plus limité qui comprend tout de même ICI RDI, CBC News Networks, TV5, ainsi que plusieurs stations de radio.

La cliente paie 20,99 $ par mois. En ajoutant les « frais de réseau télédistribution » et les « frais de réseau HD », sa facture s'élève à 26,97 $. Mais comme la cliente a droit à un rabais de 3 $ pour les services jumelés, son service ne lui coûte finalement que 23,96 $.

Ici encore, c'est moins cher que le nouveau forfait de « Base HD » à 25 $ de Vidéotron répondant aux critères du CRTC qui comptera cependant moins de chaînes.

***

Bell et Cogeco n'ont pas encore dévoilé les détails de leurs forfaits abordables approuvés par le CRTC. Mais si je me fie à l'offre de Telus et de Vidéotron, les nouveaux forfaits de base seront vraiment limités au strict minimum.

Pour obtenir des chaînes comme ICI RDI qui étaient comprises dans les anciens forfaits de base, les clients devront payer plus cher que 25 $.

Pour ajouter des chaînes additionnelles, les clients de Vidéotron devront payer 41 $ pour le « Sur mesure 5 ». C'est exactement le même prix que l'ancien forfait le moins coûteux offert par l'entreprise. Mais les nouveaux clients auront moins de chaînes qu'auparavant et ils n'auront plus droit au rabais pour services jumelés. Pas une grande avancée !

Telus, qui se targue d'être le fournisseur le plus flexible sur le marché, offre un forfait « base limitée » à 23,95 $ par mois. Mais comme chez Vidéotron, le service inclut seulement une poignée de chaînes, comme ICI Radio-Canada, TVA, V, Télé-Québec ou encore TV5.

Au final, les nouveaux forfaits à prix modique plairont seulement aux téléspectateurs très frugaux. Mais rendu là, pourquoi ne pas migrer vers les oreilles de lapin numériques ? C'est l'approche la plus économique. Et de loin.

En 2014, un Canadien sur cinq envisageait possiblement (13 %) ou sérieusement (7 %) de mettre fin à son abonnement. Ce phénomène connu sous le nom de « cord cutter » est déjà enclenché, puisque les entreprises de distribution et de radiodiffusion ont perdu 1 % d'abonnés en 2014, selon le rapport de surveillance du CRTC.

Ne craignez rien, l'image n'est pas enneigée comme au temps des vieilles antennes analogiques. Désormais, les grandes chaînes de télévision gratuites diffusent en numérique, l'image est claire dans les régions où le signal entre.

Comme la plupart des téléviseurs récents sont dotés d'un syntoniseur numérique intégré, il ne reste qu'à vous procurer une bonne antenne (environ 50 $). Avec un peu de chance, vous capterez aussi des chaînes américaines grâce à la magie des ondes.

Tout ça sans câble ni satellite. Adieu l'abonnement ! Bonjour les économies mensuelles !

PHOTO Thinkstock