On dit que nul n'est censé ignorer la loi. Mais pour le commun des mortels, elle est souvent incompréhensible et inaccessible.

Je vous mets au défi de saisir la portée de cet article du Code civil : 

« Les biens peuvent, suivant leurs rapports entre eux, se diviser en capitaux et en fruits et revenus. »

Vous avez compris ? Pas moi. Voici un autre exemple : 

« Les droits réels qui portent sur des immeubles, les actions qui tendent à les faire valoir et celles qui visent à obtenir la possession d'un immeuble sont immeubles. »

Ouf... déroutant.

Dire que le Code civil est reconnu pour sa clarté, contrairement à la Loi de l'impôt ou au Code criminel, dont la lecture peut faire sortir les yeux de la tête même aux juristes les plus aguerris.

Heureusement, l'entrée en vigueur en janvier de la réforme du Code de procédure civile amène un vent de renouveau dans l'univers de la justice, qui a trop longtemps été la chasse gardée de la magistrature et des avocats.

« Le nouveau Code de procédure est un outil de simplification et d'accès », assure Élizabeth Corte, juge en chef de la Cour du Québec.

« Le législateur a fait un effort pour rendre le langage plus convivial, pour que les mots ressemblent à ceux qui sont utilisés dans le langage courant, assure-t-elle. Ça s'inscrit dans une volonté de regarder l'offre de service de la justice à travers les yeux et les besoins du citoyen. »

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Déjà, beaucoup d'efforts ont été faits pour permettre aux citoyens de mieux comprendre leurs droits. Je pense, par exemple, à Éducaloi, qui accomplit un travail remarquable depuis 15 ans.

Son site internet est une mine d'or d'information fiable et facile à comprendre pour le grand public. Voiture d'occasion, vice caché, perte d'emploi... tous les sujets y passent, à commencer par le droit de la famille.

Pour se rapprocher encore plus du public, Éducaloi vient d'ailleurs de préparer une série de capsules liées au contenu de l'émission Ruptures, qu'on peut voir sur le site web de la télésérie.

Éducaloi propose aussi ses services aux entreprises qui souhaitent clarifier leur contrat. Ce n'est pas le travail qui manque !

Il y a tant de contrats qui sont composés de phrases lourdes et tordues, de paragraphes interminables, où l'on noie l'information essentielle à travers des termes inutilement ampoulés comme « tel que stipulé », « nonobstant » ou encore « sans limiter la généralité de ce qui précède ».

Un vrai charabia !

« Les contrats sont écrits par des juristes en pensant au fait qu'ils seront interprétés par le tribunal. De notre point de vue, il faut regarder les contrats comme un instrument de communication entre les parties où on dit : voici quelles sont les règles du jeu », explique Nathalie Roy, directrice générale d'Éducaloi.

Pour les entreprises, le jeu en vaut la chandelle. Des contrats plus clairs permettent de réduire les litiges avec la clientèle, d'abaisser les coûts en réduisant le temps de formation des employés, et même de hausser les revenus.

Par exemple, la compagnie d'assurances Royal du Canada a réussi à gonfler ses ventes de 38 % dans l'année qui a suivi la réécriture de ses polices d'assurance habitation.

Voilà qui devrait inspirer de nombreuses entreprises.

Est-il normal qu'on demande aux internautes de lire un contrat interminable pour acheter une simple chanson sur l'internet ? Est-il convenable que les actes de prêts hypothécaires égrainent sur 60 pages des clauses parfaitement incompréhensibles ?

Non ! Il faut que ça change.

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Mais il faut aller beaucoup plus loin, car c'est l'ensemble du système judiciaire qui est trop complexe, long et coûteux.

Le nouveau Code de procédure promet un changement de culture. Son premier article oblige les justiciables à envisager d'autres modes de règlement (médiation, conciliation, etc.) avant d'aboutir devant le tribunal.

C'est ce qu'on appelle la justice participative. Le Barreau a d'ailleurs saisi l'occasion pour lancer une campagne de publicité avec Jean-Luc Mongrain qui présente les avocats comme des « maîtres en solution ». Ils ont bien besoin de redorer leur image après la saga de leur bâtonnière qui a conforté le public dans son impression que les avocats sont des champions pour se chicaner à grands frais.

La justice participative est effectivement une piste qui permet de régler les litiges plus vite et à moindres frais.

Un projet de médiation offerte le matin de l'audience à Montréal a donné des résultats très encourageants. Grosso modo, la médiation a été acceptée dans la moitié des dossiers où les deux parties étaient présentes, et les trois quarts de ces dossiers ont été réglés sans passer devant le juge.

Avec l'arrivée du nouveau Code, les juges disposent de pouvoirs accrus pour analyser le dossier dès le départ et déterminer la meilleure façon de résoudre le problème. Mais les justiciables doivent embarquer.

« Dans le système de la santé, on dit aux gens : n'allez pas prendre une place à l'urgence quand vous avez le rhume. Allez au CLSC, appelez votre médecin, allez chercher la solution la plus appropriée. C'est le même exercice qu'on doit faire pour vendre la nouvelle culture judiciaire aux gens », dit Mme Corte.

J'espère que les commerçants vont comprendre le message, eux qui sont si nombreux à refuser la médiation quand un client les poursuit, sachant fort bien que le consommateur risque d'abandonner en cours de route.