Bon an, mal an, les étudiants canadiens puisent 3 milliards de dollars dans leur régime enregistré épargne-études (REEE). Une belle manne pour quelque 380 000 jeunes qui reçoivent ainsi 8000$ par année.

Mais les familles doivent faire de savants calculs pour tirer tout le jus de ces retraits, en respectant les critères du gouvernement et en évitant de payer trop d'impôt.

Étudions tout cela de plus près avec l'aide de Sylvie Poitras, conseillère principale en fiscalité au Mouvement Desjardins.

Première étape. Lorsque votre enfant arrive aux études postsecondaires, commencez par présenter une demande à votre institution financière qui s'assurera que les critères sont respectés.

On vous demandera notamment de fournir une preuve démontrant que le bénéficiaire du REEE est réellement inscrit au cégep, à l'université ou dans un autre programme admissible.

Ça peut être n'importe où sur la planète. Si l'enfant doit absolument résider au Canada pour que les cotisations REEE donnent droit aux subventions (20% Ottawa, 10% Québec, et même davantage pour les familles à plus faibles revenus), il peut utiliser l'argent amassé dans son REEE pour aller étudier dans un autre pays.

Maintenant, combien pouvez-vous retirer?

Il faut savoir que les sommes accumulées dans le REEE peuvent être de trois natures: 1- les cotisations du souscripteur (généralement les parents); 2- les subventions de l'État; 3- les rendements générés sur ces sommes.

Les cotisations

«Le souscripteur peut récupérer ses cotisations en tout temps. Mais si le bénéficiaire n'est pas aux études postsecondaires, il devra rendre les subventions aux gouvernements», prévient Mme Poitras.

Toutefois, vous pouvez retirer vos cotisations d'un coup sec, dès que votre enfant est inscrit dans un programme admissible. Il n'y a aucune restriction. Aucun impôt. Ça vous appartient.

D'ailleurs, rien ne vous empêche de sortir vos cotisations du régime de votre premier enfant, lorsqu'il arrive aux études postsecondaires, pour cotiser dans le régime de vos plus jeunes. Un excellent truc pour aller chercher les subventions deux fois avec le même capital.

Les rendements

À l'inverse, vous pouvez décider de laisser votre capital fructifier plus longtemps dans le REEE à l'abri de l'impôt. Mais ne passez pas tout droit. Si votre enfant abandonne l'école, vous disposez de six mois pour demander un paiement d'aide aux études (PAE).

Sinon, c'est plus compliqué. En respectant certains critères, il est quand même possible de récupérer vos revenus de placement.

Toutefois, vous devrez payer l'impôt, à votre taux d'imposition habituel, et verser une pénalité de 20%. Mais pour éviter cet impact fiscal, vous pouvez glisser les rendements dans votre REER, dans la mesure où vous avez des droits de cotisation inutilisés.

Les subventions

Parlons maintenant des subventions.

Quand votre enfant arrive aux études postsecondaires, il peut demander un paiement d'aide aux études (PAE) qui sera composé des subventions et des rendements obtenus dans son REEE. Contrairement au capital, le PAE est imposable entre les mains de l'étudiant.

Prenez donc bien soin de préciser à votre institution financière la nature de votre retrait.

Le PAE est limité à 5000$ pour le premier trimestre. Par la suite, il y a une limite théorique d'environ 22 000$ par année, indique Mme Poitras. Mais ça prendrait de fameux rendements pour dépasser ce seuil!

Si votre rejeton n'est pas très porté sur les études, vous serez bien avisé de retirer l'argent assez rapidement pour éviter de perdre les subventions.

Remarquez que vous avez du temps devant vous, car le REEE peut être liquidé jusqu'à la fin de l'année du 35e anniversaire du régime.

Et il est toujours possible de transférer le REEE aux frères et soeurs, sans perdre les subventions ni les rendements. Peu importe s'il s'agit d'un REEE familial ou individuel, pourvu que le nouveau bénéficiaire ait moins de 21 ans, précise Mme Poitras.

L'impôt

Comme le PAE s'ajoute aux revenus de l'étudiant, celui-ci peut avoir des impôts à payer si ses revenus s'élèvent au-dessus de 11 000$ en incluant le retrait. Et si l'étudiant a déjà des revenus d'emploi de plus de 15 000$, son retrait lui coûtera 28,5% d'impôt.

De leur côté, les parents peuvent aussi subir un impact fiscal par la bande. Si leur enfant a peu de revenus, le PAE leur fera perdre certains crédits qui fondent lorsque les revenus de l'enfant augmentent et disparaissent au-delà d'un certain seuil.

Pour optimiser le retrait, il faut donc essayer de laisser les revenus de l'étudiant entre 8000$ et 11 000$ en incluant le PAE, comme le démontrent les différents scénarios préparés par Mme Poitras.

Les familles monoparentales

Mais en fiscalité, il est difficile de donner des règles clé en main. «Parfois, il y a des impacts un peu insoupçonnés», dit Mme Poitras.

Voici un bel exemple. Le chef d'une famille monoparentale peut désigner son enfant mineur comme équivalent de conjoint de fait pour obtenir un crédit d'impôt.

Or, si un enfant demande un gros PAE (ex: 5000$) en arrivant au cégep, cela haussera ses revenus, ce qui fera perdre à son parent une partie du crédit (625$ dans ce cas-ci). Dommage!

Si vous êtes dans une telle situation, il vaudrait mieux attendre que votre enfant soit majeur pour sortir le PAE, car le crédit n'est plus disponible à partir de 18 ans. Autre solution: si vous avez des enfants plus jeunes, désignez-en un autre pour le crédit. Vous aurez 625$ de plus dans vos poches.