Je connais un bon nombre de contribuables qui seraient absolument ravis que Revenu Québec passe à la trappe.

Des particuliers ébranlés par les pratiques agressives du fisc. Des entreprises qui se sont vu réclamer des sommes 10 fois plus élevées que ce qu'elles devaient réellement. Des entrepreneurs forcés d'acquitter la dette fiscale d'un de leurs fournisseurs. Des contribuables acculés à la faillite par ce Goliath aux moyens quasi illimités.

Ce ne sont pas eux qui pleureront sur le sort de Revenu Québec que la commission Robillard proposait d'abolir, hier, pour transférer ses activités à l'Agence du revenu du Canada (ARC), question d'éviter les dédoublements.

Au contraire, si Revenu Québec disparaissait, je crois bien qu'ils déboucheraient une bouteille de champagne!

Mais mon petit doigt me dit que ce n'est pas demain la veille que les Québécois feront une seule déclaration de revenus, comme dans toutes les autres provinces sauf l'Alberta. Dois-je vous rappeler que l'autonomie fiscale, mise en place en 1954 par Maurice Duplessis, est un sujet politiquement très délicat?

Et puis, le ministère des Finances du Québec et Revenu Québec ont toutes sortes de bonnes raisons de vouloir continuer de marcher main dans la main: plus de facilité à élaborer des politiques fiscales, plus de marge de manoeuvre dans la lutte contre l'évasion fiscale, etc.

De plus, notre régime fiscal comporte de nombreuses particularités (crédits et déductions différents du fédéral) qui feraient en sorte qu'Ottawa nous facturerait plus cher pour administrer le tout. Remarquez qu'un grand ménage dans ce micmac ferait le plus grand bien!

Mais pour l'instant, les économies potentielles qui découleraient de l'abolition de Revenu Québec restent plutôt nébuleuses. C'est pourtant la clé de l'opération.

Selon les chiffres de Revenu Québec, le transfert des activités à l'ARC procurerait des économies de 392 millions à Québec. Mais par ailleurs, cela priverait la province de 696 millions, en supposant qu'Ottawa en fasse moins pour lutter contre l'évasion fiscale. Au net, on se retrouverait avec un manque à gagner de 304 millions.

Il n'y a que du côté des entreprises qu'on aurait un véritable gain (40 millions), raison pour laquelle le transfert de l'impôt des sociétés devrait être étudié en priorité.

Mais Revenu Québec prêche peut-être pour sa paroisse... C'est ce que l'on comprend à la lecture du rapport de la Commission de révision permanente des programmes, qui note de façon très diplomate qu'il est «peu probable que la perte de revenus supposée par Revenu Québec soit totale».

Qui dit vrai? Il faudrait des études plus approfondies pour démêler tout cela.

Les économies que les contribuables pourraient réaliser grâce à une déclaration unique ne sont pas claires non plus.

L'Ordre des comptables professionnels agréés, le Conseil du patronat du Québec et la Fédération des chambres de commerce du Québec estiment tous qu'une fusion des agences fiscales simplifierait les procédures pour les contribuables.

Une étude de la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante réalisée en 2007 a déjà conclu que la fusion permettrait aux contribuables québécois d'économiser 500 millions par année.

Mais le chiffre serait exagéré. Les économies risquent d'être beaucoup moins importantes que le milieu des affaires ne l'espère, croit la commission Robillard, qui se fonde sur une étude de Statistique Canada et sur l'exemple de l'Ontario, qui a harmonisé l'impôt des sociétés avec le fédéral en 2009. Les économies n'ont été que de 137 millions.

Ici encore, des études plus poussées sont nécessaires.

Mais pour la commission Robillard, une chose est claire: Revenu Québec doit être plus efficient, car sa performance s'est dégradée depuis quelques années... ce que le fisc s'est empressé de réfuter, hier, au grand dam du président du Conseil du trésor Martin Coiteux, qui a l'intention de mettre Revenu Québec au régime.

De fait, les dépenses de Revenu Québec ont beaucoup augmenté ces dernières années. Et elles vont continuer de grimper de 5,1% cette année et de 3,2% l'an prochain. C'est trois fois plus que la hausse des dépenses du gouvernement, qui sont sous forte pression.

Peut-être que Revenu Québec ne voit pas ses dépenses comme un centre de coûts, mais plutôt comme un centre de profits. Le fisc ne cesse de répéter que chaque dollar investi dans la lutte contre l'évasion fiscale permet de récupérer 9$ d'impôt.

Il est vrai que Revenu Québec récupère deux fois plus d'argent qu'il y a huit ans, répondant ainsi aux objectifs de Québec, qui cherchait un moyen de retrouver l'équilibre budgétaire.

Or, la hausse de la récupération fiscale a aussi fait bondir le nombre de litiges avec les contribuables. Le Protecteur du citoyen a déjà dénoncé les méthodes de Revenu Québec, qui entraînent «une judiciarisation inutile - et coûteuse pour tous - de différends qui, dès le départ, n'ont pas leur raison d'être».

Il y a des limites à ce qu'on peut venir rechercher de manière juste et équitable dans les poches des contribuables. D'ailleurs, Québec a choisi de laisser inchangée à 3,6 milliards la cible de récupération d'ici deux ans.

Alors je ne vois pas pourquoi les dépenses de Revenu Québec resteraient en forte hausse.