L'automne dernier, Ottawa et Québec ont annoncé une flopée de mesures fiscales visant les familles avec des enfants mineurs. Mais l'impact sera extrêmement différent d'un ménage à l'autre. Certains gagneront plus de 2000 $. D'autres perdront plus de 5000 $ par année.

« Quand on isole les mesures fédérales, aucune famille n'est perdante », constate Stéphane Leblanc, fiscaliste associé chez EY. Dans le pire des scénarios, les mesures fédérales apportent 78 $. Mais pour certaines familles plus aisées, les bonbons d'Ottawa sont bien plus sucrés.

Ottawa a fait preuve de générosité en permettant aux parents d'enfants mineurs de fractionner leurs revenus pour 2014. Vous en verrez donc les bénéfices dans vos impôts dès ce printemps. Mais la mesure rebaptisée « Baisse d'impôt pour les familles » profitera surtout aux familles biparentales aisées dont les conjoints ont un écart de revenu significatif.

Le gouvernement fédéral a aussi bonifié la Prestation universelle pour la garde d'enfants (PUGE). Tous les parents d'enfants mineurs recevront 60 $ par mois, par enfant. Ce montant s'ajoutera aux 100 $ par mois qu'Ottawa verse déjà pour les enfants de moins de 6 ans. Notez que la mesure est en vigueur depuis le 1er janvier 2015, mais les parents toucheront l'argent à partir du 1er juillet, incluant un versement rétroactif pour les six premiers mois.

À l'inverse, Québec est plutôt venu piger dans les poches des familles pour boucler son budget. À partir d'avril, le tarif des services de garde en milieu scolaire passera de 7,30 $ à 8,00 $ par jour. Celui des garderies subventionnées grimpera jusqu'à 20 $ par jour, selon le revenu familial.

Voilà pour les mesures. Maintenant, voyons voir qui s'en tire le mieux...

La famille traditionnelle

La famille traditionnelle sort grande gagnante, car elle profitera du fractionnement des revenus, de la PUGE, mais ne sera pas affectée par la hausse salée des frais des garderies subventionnées si les enfants restent à la maison. Ces familles s'enrichiront de plus de 2000 $ par année.

Il en va de même pour les familles dont les enfants fréquentent une garderie non subventionnée. Elles auront même un petit bonbon en prime, car le plafond des frais admissibles pour la déduction d'impôt fédérale est passé de 7000 $ à 8000 $ en 2015. Une bonne chose parce qu'à 35-40 $ par jour, la facture grimpe drôlement vite!

Mais revenons à la famille traditionnelle.

Prenons l'exemple fictif de Jean-François qui gagne 150 000 $ par année, tandis que sa conjointe reste à la maison pour s'occuper des deux enfants. En fractionnant ses revenus, Jean-François économisera 1670 $ d'impôt, le cadeau maximal en considérant l'abattement fiscal pour le Québec.

La famille touchera aussi 1440 $ additionnels de PUGE, soit 720 $ par enfant. Comme les versements sont imposables entre les mains du conjoint qui a les revenus les moins élevés, la famille n'aura pas d'impôt à verser puisque la conjointe de Jean-François ne travaille pas.

Toutefois, le couple perdra l'ancien crédit pour enfant d'une valeur de 282 $ qu'Ottawa a discrètement éliminé l'automne dernier.

Au final, la famille de Jean-François aura 2134 $ de plus dans ses poches. Ça se prend bien!

Revenus égaux

Mais pour les voisins de Jean-François, les changements auront l'effet d'une gifle. André et Florence gagnent tous les deux 75 000 $. Le fractionnement de revenus ne leur apporte donc absolument rien.

Ils recevront la PUGE, mais devront en remettre une bonne partie en impôt à la fin de l'année. Et comme leurs deux jeunes enfants fréquentent la garderie subventionnée, ils devront payer 6000 $ additionnels (moins la déduction fiscale fédérale).

Mais globalement, les mesures leur feront perdre 4607 $ cette année. Un coup dur même si la famille est « riche » avec des revenus de 150 000 $.

Familles monoparentales

L'impact sera moins brutal pour les familles monoparentales, car la modulation du tarif à la garderie est établie en fonction du revenu familial.

À moins d'avoir un salaire supérieur à 75 000 $, le parent n'aura pas d'extra à payer. Ce n'est qu'après ce seuil que le tarif grimpe graduellement pour atteindre 20 $ par jour lorsque la famille gagne 150 000 $ et plus.

Par contre, les familles monoparentales ne gagneront pas un cent avec le fractionnement de revenus, ce qui est plutôt injuste.

Au total, les mesures auront un effet relativement neutre sur les familles monoparentales. Prenons Marianne qui gagne 50 000 $ et envoie sa petite à la garderie subventionnée. Tout bien compté, elle aura 161 $ de plus dans son portefeuille à la fin de l'année.

De quoi acheter quatre ou cinq boîtes de couches!

Petits conseils

Mais attention aux mauvaises surprises de fin d'année.

Même les familles que les différentes mesures enrichissent risquent d'avoir un montant à payer sur leur déclaration de revenus. Soit qu'elles devront payer l'impôt sur la PUGE reçue tout au long de l'année, soit qu'elles auront un extra à verser à Québec pour la garderie, puisque le montant excédant le tarif de base de 7,30 $ sera payable au moment de la déclaration de revenus.

Pour ne pas être prises de court, les familles devraient mettre de côté une partie de la PUGE, suggère M. Leblanc. Elles pourraient aussi demander à leur employeur de prélever plus d'impôt sur leur paie.

Un dernier conseil en terminant. La PUGE est versée automatiquement pour les enfants de 17 ans et moins qui ont déjà fait une demande de prestation fiscale canadienne pour enfant. Si vous n'avez jamais soumis de demande, faites-le! Autrement, vous ne recevrez jamais le fameux chèque.