À première vue, le taux d'intérêt de 4,25% offert par les parts de capital Desjardins semble très alléchant. La Fédération des Caisses populaires a annoncé cette semaine qu'elle émettra pour 1 milliard de dollars de ces parts dont elle a déjà vendu pour 2,5 milliards depuis deux ans et demi.

Mais attendez un peu avant de vous ruer à votre caisse pop! Ces fameuses parts n'ont strictement rien à voir avec un dépôt à terme. Ni le rendement ni le capital ne sont garantis. D'ailleurs, les titres ne sont pas couverts par l'assurance dépôt. En fait, les parts de capital ressemblent davantage à des actions des banques, avec moins de soubresauts et moins de flexibilité.

Alors, est-ce un bon placement pour vous? Pour bien répondre à la question, je vous raconte d'abord la petite histoire des parts de Desjardins.

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Depuis la fin des années 80, Desjardins émet des parts permanentes auprès de ses membres, question de se capitaliser. Mais depuis la crise financière, les règles ont changé. Pour solidifier leurs assises, les banques du monde entier ont dû relever leur ratio de capitaux propres, une mesure cruciale qui témoigne de la capacité des institutions financières à encaisser les chocs.

Comme les membres pouvaient se faire rembourser leurs parts permanentes à certaines conditions, ces parts ne correspondaient plus aux nouvelles normes de capitaux propres édictées par les accords de Bâle III.

Il a donc fallu créer de nouvelles parts... encore plus permanentes. C'est ainsi que sont nées des parts de capital en 2012.

Parallèlement, le Mouvement Desjardins a annoncé, en octobre dernier, qu'il cesserait de vendre des parts permanentes. Les 150 000 membres qui en détiennent pour environ 2 milliards peuvent les conserver. Mais le taux d'intérêt glissera de 4,25% à 3,5% à partir du 1er juillet prochain. Si vous en possédez, il serait peut-être avantageux de les échanger pour des parts de capital.

Desjardins m'a confirmé qu'il reprendra vos parts permanentes si vous voulez récupérer votre argent ou investir dans un autre produit. Il n'y a plus aucune condition de remboursement. Jusqu'ici, les membres pouvaient demander le rachat seulement après cinq ans de détention dans la mesure où ils avaient atteint l'âge de la retraite.

En migrant vers des parts de capital, vous irez donc chercher 0,75% de plus... mais il faut être prêt à vivre avec un niveau de risque un peu plus élevé.

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Contrairement aux parts permanentes, les parts de capital ne seront jamais remboursables. Les détenteurs qui veulent ravoir leurs billes peuvent toutefois transférer leurs parts à un autre membre, par l'entremise d'un fonds fiduciaire, similaire à celui qui existe déjà pour les parts permanentes.

Le fonds agit un peu comme une Bourse, à l'intérieur de Desjardins. Pratico-pratique, si vous voulez vous débarrasser de vos parts, Desjardins vous remboursera et les parts seront placées dans le fonds jusqu'à ce qu'un autre acheteur en réclame.

Pour l'instant, les détenteurs n'ont pas de mal à revendre leurs parts, car le taux de 4,25% est nettement plus élevé que celui des obligations et des placements garantis. Chez Desjardins, on affiche présentement un taux de 1,75% pour cinq ans, ou encore 2,10% en passant par AccèsD. Même en allant dans une banque virtuelle, vous ne trouverez pas de taux supérieur à 3% pour cinq ans.

Mais si les taux d'intérêt remontaient, les parts de capital deviendraient moins appétissantes. La demande pourrait fléchir, et il pourrait être plus difficile de récupérer votre argent. À moins que Desjardins ne relève le taux d'intérêt... ce qui n'est pas impossible.

En fait, le taux d'intérêt peut fluctuer, à la hausse comme à la baisse, comme cela s'est déjà produit dans le passé avec les parts permanentes, car Desjardins peut modifier sa politique à sa guise.

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Par ailleurs, les parts de capital comportent deux inconvénients majeurs par rapport aux actions des banques.

Leur valeur ne varie pas. Elles s'échangent toujours au pair, soit à 10$ pièce. Donc, oubliez le gain en capital. Je vous rappelle que les actions des banques se sont appréciées de 9,5% l'an dernier, sans compter le rendement du dividende, qui est autour de 4%.

Bien sûr, les actions peuvent piquer du nez. Mais à long terme, elles suivent une tendance haussière dont vous serez privés avec les parts de Desjardins.

Autre désavantage: les parts de capital versent des intérêts qui sont imposables au maximum, tandis que les actions des banques versent des dividendes qui bénéficient d'un traitement fiscal plus avantageux. Grosso modo, un taux d'intérêt avant impôt de 4% équivaut à un dividende d'environ 3% après impôt.

Donc, si vous placez les parts de Desjardins dans un compte ordinaire, ce n'est pas l'idéal. Mais ces considérations fiscales n'ont pas d'importance si vous placez les parts dans un REER ou ses dérivés (FERR, CRI, etc.). Par contre, les parts ne peuvent pas être placées dans un CELI, un REEE ou un REEI.

En somme, les parts de capital de Desjardins sont moins liquides et ont moins de potentiel de rendement que les actions des banques. Mais elles demeurent une manière simple et sans frais d'investir dans l'avenir du mouvement coopératif en profitant d'un taux tout de même savoureux.