En un an et demi, le couple est retourné au moins 20 fois chez son concessionnaire. Sa BMW X Drive sport flambant neuve a eu une panoplie de problèmes: les haut-parleurs, le système de refroidissement, les pneus, le moteur... La voiture est même tombée en panne au beau milieu de l'autoroute Décarie.

De guerre lasse, le couple a accepté d'échanger son véhicule pour un neuf. Mais le nouveau contrat de location lui coûtera 107$ de plus par mois. Sur 48 mois, cela représente un surplus d'environ 5000$. Sans compter que le couple a dû verser près de 2000$ en frais de toutes sortes pour l'échange.

Il est vrai que la nouvelle location inclut 20 000 kilomètres par année, tandis que le premier contrat n'en comptait que 16 000, comme le souligne le concessionnaire qui assure avoir fait du mieux qu'il pouvait pour accommoder son client.

«J'ai obtenu de l'aide financière de BMW et j'ai mis de l'argent sur la table», jure le directeur général de BMW Canbec, Charles Dubé. Selon lui, le couple n'a fait que 10 visites documentées au garage, dont cinq pour des changements de pneus et vidanges d'huile de routine, ce que le couple réfute.

«BMW ne cesse de nous dire qu'ils ont réussi à nous faire un deal en nous offrant cet échange. La réalité est que nous avons acheté la paix pour nous débarrasser d'un citron que nous avions peur de conduire», dit Luiza Staniec.

Ce cas illustre bien les difficultés qu'éprouvent les automobilistes aux prises avec un citron. La garantie du manufacturier est généralement très efficace pour payer le coût des réparations.

Mais lorsque les réparations ne tiennent pas la route, le client perd confiance. Des réparations, il n'en veut plus! Après tout, il a payé pour une voiture neuve, pas pour un vieux tacot rafistolé. Il souhaite donc annuler le contrat et obtenir un remboursement.

En théorie, il y a droit. La garantie légale enchâssée dans la Loi sur la protection du consommateur (LPC) prévoit qu'un bien doit pouvoir servir à un usage raisonnable pour une durée raisonnable.

Cette garantie s'applique à tous les produits vendus au Québec, y compris les véhicules. Et quand le produit fait défaut, les consommateurs peuvent notamment demander la résiliation ou l'annulation de leur contrat.

Mais dans la pratique, les constructeurs automobiles (et bien d'autres commerçants) refusent d'appliquer ces solutions, constate George Iny, président de l'Association pour la protection des automobilistes (APA). Pour faire appliquer la loi, il faut passer devant un juge.

Pour les produits qui coûtent moins de 7000$, les consommateurs peuvent aller aux petites créances. Mais pour un véhicule qui coûte souvent plusieurs dizaines de milliers de dollars, c'est impossible. Des démarches devant les tribunaux risquent alors de coûter très cher en frais d'avocat.

Les automobilistes sont donc coincés.

Mais il y a une autre avenue: le PAVAC.

Pour éviter que le gouvernement leur impose une loi anti-citron, comme dans la quasi-totalité des États américains, l'industrie automobile s'est dépêchée de mettre en place le Programme d'arbitrage pour les véhicules automobiles du Canada(PAVAC), il y a près de 20 ans.

Le PAVAC se présente comme un programme juste, rapide, gratuit et amical.

Il est effectivement rapide. Bon an, mal an, les dossiers sont réglés dans les trois mois.

Par contre, le PAVAC n'est pas amical, prévient M. Iny. Au contraire, la côte est dure à monter pour le consommateur. L'arbitre accorde souvent beaucoup de crédibilité au représentant du constructeur, un expert qui s'est très bien préparé.

Pour avoir le haut du pavé, le consommateur doit se lever de bonne heure. Idéalement, il doit engager son propre expert, ce qui fait que le processus n'est pas entièrement gratuit.

À première vue, les statistiques du PAVAC montrent que les consommateurs s'en tirent bien, avec un taux de succès qui oscille entre 60 et 70%, selon les années.

Mais une fois sur quatre, le consommateur a droit... à une nouvelle réparation! Rendu là, ce n'est probablement pas ce qu'il souhaite.

Environ le quart des consommateurs obtient un remboursement. Mais dans la plupart des cas, le remboursement est réduit pour tenir compte de l'usure du véhicule, ce qui laisse un goût amer au client qui a perdu un temps fou à cause du fameux citron.

Aux États-Unis, la loi anti-citron évite bien des détours aux consommateurs. Après quatre tentatives de réparation infructueuses durant la première année ou 30 jours sans pouvoir se servir de l'auto, par exemple, on peut décréter qu'il s'agit d'un citron, ce qui pave la voie à un rachat.

La beauté de l'affaire, c'est que le client n'a pas besoin d'engager un expert pour faire la preuve que son auto est un citron, ce qui est très difficile à établir. Quand le concessionnaire n'arrive pas à mettre le doigt sur le bobo, un expert aura aussi du mal à cerner le problème.

Pourquoi ne pas couper court à toutes ces démarches fastidieuses et coûteuses? Pourquoi ne pas tracer des balises claires établissant à partir de quel moment on peut retourner un véhicule au constructeur? À quand une loi anti-citron?

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LE PAVAC: DES RÉSULTATS MITIGÉS

Seulement 4 à 5% des automobilistes obtiennent un rachat sans réduction

En 2012 / Nombre %

Rachat avec réduction pour usure 52 / 22%

Rachat sans réduction pour usure 9 / 4%

Remboursement des réparations 7 / 3%

Exécution des réparations 41 / 17%

Menues dépenses 6 / 2%

Autre sentence par consentement 21 / 9%

Aucune responsabilité du constructeur 11 / 4%

L'arbitre n'a pas compétence 94 / 39%

TOTAL 241

En 2013 / Nombre %

Rachat avec réduction pour usure 70 / 25%

Rachat sans réduction pour usure 14 / 5%

Remboursement des réparations 13 / 5%

Exécution des réparations 52 / 19%

Menues dépenses 19 / 7%

Autre sentence par consentement 5 / 2%

Aucune responsabilité du constructeur 85 / 31%

L'arbitre n'a pas compétence 20 / 7%

TOTAL 278

Source : PAVAC