Cela fait au moins 10 ans que les propriétaires aux prises avec une hausse substantielle de leur impôt foncier réclament une réforme majeure de la fiscalité municipale.

Je ne nie pas que certains propriétaires aient subi des augmentations beaucoup plus fortes que la moyenne parce que leur maison a pris énormément de valeur, à cause de l'embourgeoisement, des lacs ou des quartiers centraux comme le Plateau Mont-Royal.

Je comprends la détresse de certains d'entre eux, souvent des personnes âgées, qui sont obligées de réduire leurs dépenses ou de vendre leur maison parce qu'ils n'ont plus les moyens de payer leur impôt foncier. Des mesures ciblées seraient les bienvenues pour leur permettre de vieillir dans le patelin où ils ont toujours vécu.

Mais avant de virer à l'envers la fiscalité municipale, comme le réclament certains propriétaires, il faudrait s'attaquer à la racine du problème: l'ascension des dépenses des municipalités.

Ce n'est pas sorcier: si votre impôt foncier augmente, c'est d'abord parce que votre municipalité dépense de plus en plus, comme le démontre une étude publiée mercredi par la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante (FCEI).

Les chiffres sont frappants. Depuis 12 ans, les grandes villes canadiennes ont laissé leurs dépenses grimper beaucoup plus vite que l'inflation et que la croissance démographique, ce qui a entraîné des dépenses excédentaires cumulées de 100 milliards de dollars. On parle d'une facture de 7800$ par ménage.

Montréal ne fait pas bonne figure. Même en retranchant l'inflation, ses dépenses ont augmenté de 23% depuis 2007. Ce taux de croissance est presque six fois plus élevé que la croissance démographique, qui n'a été que de 4% durant cette période.

En dollars sonnants et trébuchants, cela correspond à des dépenses excédentaires de 1,6 milliard. Et l'étude de la FCEI ne s'attarde qu'aux dépenses de fonctionnement, pas aux dépenses en infrastructures.

Si la métropole avait limité la hausse de ses dépenses à celle de sa population, chaque ménage aurait pu économiser 2153$ en cinq ans. C'est loin d'être banal.

Mais la Ville de Montréal était et demeure la championne canadienne de la dépense. Les dépenses de fonctionnement de la Ville s'élèvent à 2843$ par habitant (en dollars constants de 2001). C'est deux fois plus que la majorité des grandes villes canadiennes, hormis Toronto qui dépense presque autant que Montréal.

Remarquez, les gens de Québec ne sont guère plus chanceux. Dans la capitale, les dépenses réelles ont grimpé de 22%, comparativement à 6% pour la population, ce qui a entraîné une facture excédentaire de 497 millions, soit 2035$ par ménage.

L'escalade des dépenses des villes est attribuable en grande partie à la rémunération des fonctionnaires, qui représente plus de la moitié des dépenses de fonctionnement de Montréal (58%) et de Québec (52%).

La rémunération totale des employés municipaux est supérieure de plus de 40% à celle des employés du secteur privé, dénonce la FCEI. L'écart s'explique surtout par la générosité des régimes de retraite des fonctionnaires, lesquels coûtent de plus en plus cher en raison de la baisse du rendement des placements et de la hausse de l'espérance de vie.

Ainsi, les coûts des régimes de retraite des municipalités du Québec ont bondi de 9% de la masse salariale en 2007 à plus de 20% aujourd'hui, indique l'Union des municipalités du Québec qui réclame des outils pour restructurer les régimes de retraite. Le gouvernement libéral doit déposer un nouveau projet de loi d'ici le congé d'été. À suivre.

Mais attention, les régimes de retraite ne sont pas les seuls responsables de la hausse des dépenses des municipalités.

«Est-ce que les villes achètent bien? Est-ce qu'elles dépensent de la façon la plus efficace possible? La réponse est non», dit Martine Hébert, vice-présidente de la FCEI.

Les PME et les citoyens sont du même avis. Seule une minorité considère que les services représentent un bon rapport qualité-prix, démontrent des sondages menés en 2013. Rien de bien surprenant avec le parfum de corruption qui flotte dans l'air.

Néanmoins, les municipalités se plaignent d'avoir les poches vides. Elles réclament davantage de revenus dans le cadre des négociations avec Québec pour le renouvellement du pacte fiscal.

Or, le problème n'est pas dans la colonne des revenus, mais plutôt dans celle des dépenses, réplique la FCEI.

Les municipalités peuvent négocier tant qu'elles veulent avec Québec pour savoir qui va payer quoi. Mais d'une manière ou de l'autre, ce sont les contribuables qui vont payer la note.

Au bout du compte, il n'y a qu'une seule vraie façon de réduire le fardeau des contribuables: il faut freiner les dépenses.