Avec un taux d'endettement dans le tapis, il ne faut vraiment pas grand-chose pour que les finances des Québécois prennent le champ. À preuve, la légère remontée du taux de chômage, l'an dernier, a entraîné une augmentation significative de l'insolvabilité des consommateurs.

Près de 40 000 Québécois sont devenus insolvables en 2013, soit une hausse de 11 % par rapport à l'année précédente, la plus importante de toutes les provinces canadiennes, selon les statistiques dévoilées récemment par le Bureau du surintendant des faillites du Canada.

Au Québec, environ 25 000 consommateurs ont déclaré faillite, ce qui représente une progression de 3 %. Mais ce sont surtout les propositions de consommateurs qui ont explosé (+ 28 %). Près de 15 000 Québécois se sont ainsi entendus avec leurs créanciers, une formule de plus en plus répandue.

Si cela peut vous rassurer, le taux d'insolvabilité (6 personnes par 1000 habitants en 2013) reste légèrement inférieur à 2008, au moment de la crise du crédit. Mais depuis 25 ans, il est inexorablement à la hausse, comme le démontre notre graphique.

Avec l'ascension du prix des maisons, les ménages se retrouvent avec une lourde hypothèque. Mais ce n'est pas cela qui pose problème. Au contraire, le pourcentage des hypothèques en souffrance reste faible.

Ce sont plutôt les prêts à la consommation et les dettes sur les cartes de crédit qui entraînent des difficultés de paiement, constate Hélène Bégin, économiste principale au Mouvement Desjardins.

La remontée des faillites n'est pas nécessairement une tendance lourde, nuance Mme Bégin. Mais cela démontre à quel point les ménages sont vulnérables au moindre soubresaut économique (vague de mises à pied, hausse des taux d'intérêt, baisse du prix des maisons, etc.) ou personnel (divorce, maladie grave, etc.).

Quand on paie 20 % d'intérêt sur ses cartes de crédit, qu'on n'épargne pratiquement rien, qu'on vit sans coussin financier, il n'est pas facile de maintenir ses paiements si on perd son emploi durant une période prolongée.

Tout de même, il y a des façons d'éviter la faillite.

Surmontez vos dettes

Vos dettes vous empêchent de dormir ? Vous collectionnez les cartes de crédit ? Vous avez du mal à faire vos paiements minimums à la fin du mois ?

Rassurez-vous, la faillite n'est pas la seule avenue. Plus vous agissez rapidement, plus vous aurez d'options.

Ne sautez pas les étapes. Commencez par consulter un conseiller budgétaire dans une association coopérative d'économie familiale (ACEF). Spécialistes du budget, ces conseillers pourront vous aider à rééquilibrer votre budget en réduisant vos dépenses ou en vendant certains actifs. Parfois, un coup de barre financier suffira à remettre vos finances sur les rails.

Si votre dossier de crédit est encore potable, une consolidation de dettes peut vous servir de bouée de sauvetage. Une institution financière regroupera toutes vos dettes dans un seul prêt. Les intérêts (ex. : de 8 à 13 %) seront inférieurs à ceux des cartes de crédit (20-30 %), ce qui réduira considérablement vos paiements.

De cette façon, on s'acquitte de toutes ses dettes et on sauve son dossier de crédit, fait valoir Lisanne Blanchette, avocate et conseillère budgétaire chez Option consommateurs.

Mais après avoir remboursé vos cartes de crédit, il est crucial que vous les annuliez, pour ne pas vous endetter de plus belle.

Rien ne va plus ?

Vos dettes sont insurmontables, peu importe le taux d'intérêt ? Un syndic de faillite pourrait vous conseiller une proposition de consommateur.

Cette solution permet de conserver la maison, l'auto et l'honneur. « Certains consommateurs veulent éviter la faillite coûte que coûte, pour des raisons religieuses, morales ou professionnelles », rapporte Mme Blanchette.

Le consommateur doit s'entendre avec ses créanciers pour leur rembourser une portion des dettes (30-40 %) sans intérêt sur une durée maximale de 5 ans.

Les paiements durent donc plus longtemps qu'avec une faillite. Mais les conséquences sur le dossier de crédit sont moins lourdes, surtout pour des gens qui font face à une deuxième faillite, ce qui entacherait leur dossier durant 14 ans.

Le dépôt volontaire est une autre option qui permet d'éviter la faillite. Le consommateur rembourse alors ses dettes, en fonction de son salaire et de ses obligations familiales, à un taux d'intérêt raisonnable (5 %). Cette procédure permet d'éviter une saisie de salaire qui alerterait l'employeur, un avantage important pour bien des travailleurs.

Reste que pour certains consommateurs, la faillite est inévitable. Maladie grave, divorce, perte d'emploi prolongée. Les dettes s'accumulent sur les cartes de crédit.

La faillite est une solution radicale qui permet d'effacer les dettes rapidement. Non, ce n'est pas glorieux, mais pour des travailleurs qui ont peu de biens, peu de revenus, cela vaut mieux que de se tuer à payer des intérêts faramineux sur des cartes de crédit, sans espoir de venir à bout de ces dettes avant la fin de leurs jours.

La faillite et ses options de rechange

1- Faillite

*Le consommateur peut effacer ses dettes rapidement : après 9 ou 21 mois pour une 1re faillite (selon le niveau des revenus excédentaires) et après 24 ou 36 mois pour une 2e faillite.

*Ses biens sont saisis (maison, auto, etc.), sauf exception (ex : REER, FERR, jusqu'à 6000 $ de meubles, vêtements, outils de travail, etc.)

*Le consommateur peut avoir à faire des paiements à ses créanciers, durant le processus de faillite, s'il a des revenus excédentaires.

*Le dossier de crédit est entaché durant six (Equifax) à sept ans (TransUnion). Pour une 2e faillite, la tache reste 14 ans.

*NB : impossible d'être libéré de ses dettes d'études, dans les sept ans suivant la fin des études

2- Proposition de consommateur

*Dans le cadre d'une entente avec les créanciers, le consommateur rembourse une partie des dettes (généralement de 30 à 40 % des dettes) sur un maximum de 5 ans.

*Les intérêts disparaissent

*Le consommateur évite la saisie de ses biens et de son salaire.

*Il fait un seul paiement au syndic, donc plus simple à gérer.

*Le dossier de crédit sera entaché durant toute la période de remboursement, plus trois ans après la fin de la proposition, donc jusqu'à huit ans maximum. Mais la cote R7 est un peu moins toxique que celle de R9 en cas de faillite

*Il faut être discipliné, car la proposition tombe après un 3e paiement raté, consécutif ou non.

3- Dépôt volontaire

*Le consommateur se rend au comptoir du greffe civil de son palais de justice.

*Il s'engage à déposer régulièrement une partie de sa paie pour rembourser ses créanciers.

*On rembourse ses dettes au complet, en fonction de ses revenus et de sa situation (enfants à charge).

*Le taux d'intérêt baisse à 5 %.

*Les agences de recouvrement cessent de le talonner.

*Le dépôt volontaire évite une saisie de salaire qui alerterait l'employeur, mais il ne protège pas contre une saisie de la maison ou de la voiture.

*N. B. Certains revenus sont insaisissables : bien-être social, assurance-emploi, CSST, pension de la vieillesse

4- Consolidation de dettes

*Le consommateur contracte un prêt auprès d'une seule institution financière qui lui permet de regrouper toutes ses dettes au même endroit, simplifiant ainsi les paiements.

*Les intérêts (ex. : 8 à 13 %) seront inférieurs à ceux des cartes de crédit (20-30 %)

*Le dossier de crédit doit être encore potable. Si les banques sentent la soupe chaude, elles exigeront un cautionnement. Un de vos proches devra s'engager à rembourser vos dettes à votre place si vous n'êtes plus capable de le faire.

*Les propriétaires peuvent aussi refinancer leur maison, ce qui réduira les intérêts. Mais Ottawa a limité la somme maximale du refinancement à 80 % de la valeur de la maison, pour éviter que les ménages utilisent leur maison comme un guichet automatique.

5- Coup de barre financier

*Parfois, un sérieux coup de barre financier peut suffire.

*De son propre chef, ou avec l'aide d'un conseiller budgétaire, le consommateur rééquilibre son budget en réduisant des dépenses.

*Pour réduire ses dettes, le consommateur peut vendre des biens : maison, auto, etc.

*Ceux qui ont des épargnes dans leur REER peuvent retirer des sommes, tout en étant conscients qu'ils hypothèquent leur retraite.

*À éviter : emprunter de l'argent aux amis et à la famille