Après le choc brutal de la séparation, il lui a fallu à peine six mois pour retomber sur ses pattes: régler la garde des enfants, racheter la moitié de la maison appartenant à son ex-conjoint, réorganiser sa vie au grand complet, quoi.

Parlez-en à n'importe quel notaire ou médiateur, six mois pour tout régler, c'est très rapide. Mais ce n'est pas assez vite au goût de la Ville de Montréal. La mère de trois enfants vient de recevoir une mauvaise nouvelle: elle devra payer plus de 2000$ en «taxe de bienvenue». Rien pour l'aider à se refaire une santé financière après ce coup dur.

La taxe de bienvenue tient son nom du ministre Jean Bienvenue qui en avait recommandé l'implantation en 1976. Mais pour les couples qui se séparent, on pourrait la rebaptiser la taxe d'adieu!

Une taxe qui peut coûter très cher, surtout avec l'explosion du marché immobilier depuis 15 ans. Il faut savoir que le taux de la taxe grimpe avec la valeur de la maison, passant de 0,5% sur la première tranche de 50 000$ à 1,0% entre 50 000 et 250 000$, puis à 1,5% sur l'excédent. À Montréal, le taux atteint même 2,5% au-delà de 1 million.

Sur une maison de 1,2 million, par exemple, l'acheteur paiera 20 000$ de taxe. Et sur une maison de 560 000$, ce qui n'est pas rare à Montréal, la taxe est de 7200$. Voilà une belle vache à lait pour la Ville de Montréal qui récolte annuellement 120 millions de dollars en droits de mutation sur quelque 30 000 transferts d'immeuble.

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Normalement, les droits de mutation ne s'appliquent pas sur les transferts entre époux ou conjoints de fait. Dans le pire des cas, il y aura des droits supplétifs de 200$ pour la gestion du dossier.

Pourtant, beaucoup de couples qui divorcent ou se séparent se font jouer de vilains tours.

C'est que l'exonération prend fin dès le jour du divorce, quoique certaines villes tolèrent un délai de 30 jours après le jugement.

Ainsi, le conjoint qui rachète la moitié de la maison de son époux n'aura pas à payer de droits de mutation immobilière si la transaction est conclue avant la date officielle du divorce, peu importe si le couple est séparé depuis plusieurs mois, explique Me Suzanne Hotte, notaire et médiatrice.

Tant qu'on est marié, pas de problème. Mais si le couple attend après le divorce pour passer chez le notaire, il sera trop tard.

Toutefois, lorsque le jugement de divorce prévoit le transfert de l'immeuble d'un conjoint à l'autre, le couple n'a aucun délai à respecter pour bénéficier de l'exonération, un peu comme si le jugement constituait un titre de propriété, explique la Ville de Montréal.

Mais il s'agit d'une forme de tolérance, car le libellé de la loi est clair: dès que le couple n'est plus marié, il n'est plus exonéré. Celui qui garde la maison doit payer les droits de mutation sur la moitié qu'il rachète.

Pour prévenir les ennuis, les couples doivent être très vigilants et vérifier les règles de leur municipalité.

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Pour les conjoints de fait, la taxe de bienvenue est encore plus traître.

Ceux-ci disposent d'un délai de 90 jours après la fin de leur vie commune pour éviter les droits de mutation. Mais en réalité, ils ont moins de marge de manoeuvre que les couples mariés.

C'est que la date «officielle» de leur séparation survient plus vite. Et parfois à leur insu. Un exemple? Votre conjoint fait sa valise et vous laisse avec les enfants? Vous vous empressez d'avertir la Régie des rentes du Québec de votre statut monoparental, sachant que cela augmentera considérablement vos prestations de Soutien aux enfants.

Bon réflexe. Sauf que vous êtes en train de fixer une date officielle de séparation... et il sera bien difficile de faire marche arrière.

La Ville de Montréal jure qu'elle ne fait pas de croisement de données avec d'autres organismes gouvernementaux pour tenter d'établir la date de la séparation des couples de propriétaires.

«Nous leur envoyons un formulaire dans lequel nous leur demandons, entre autres, la date de leur séparation», m'a indiqué le porte-parole Gonzalo Nunez.

Mais des couples fraîchement séparés ont une autre version des faits. La mère de trois enfants dont je vous parlais au début de cette chronique a tout simplement reçu un appel téléphonique de la Ville l'avertissant qu'une facture de plus de 2000$ lui pendait au bout du nez. À elle de prouver qu'elle était séparée officiellement depuis moins de 90 jours pour bénéficier de l'exonération, lui a-t-on dit au bout du fil.

Le problème, c'est qu'un délai de trois mois est nettement trop court.

Combien de couples parviennent à tout ficeler en 90 jours? «Non seulement il n'y en a pas beaucoup, mais encore ce n'est pas ce qu'on leur recommande», répond Me Hotte.

Quand elle reçoit des couples en médiation, il n'est pas question de la maison une semaine après la séparation. Sur le plan émotif, les couples ne sont pas prêts. «Ils ont d'autres choses à vivre avant de décider qui prend quoi, dit la notaire. Ce n'est pas raisonnable de faire un partage trop vite après la séparation.»

Les municipalités devraient donc leur accorder un délai de 6 à 12 mois. Et surtout, elles devraient mieux informer les propriétaires de ces «détails» sur leur site web.

Au moins, si les couples sont au courant de la facture qui les guette, ils pourront l'inclure dans les négociations entourant la séparation.

Pour calculer les droits de mutation sur l'achat d'une maison: https://www.ratehub.ca/taxe-de-bienvenue

Droits de mutation à Montréal :

Taux par tranche de la base d'imposition

> 0 à 50 000$: 0,5%

> 50 000 à 250 000$: 1,0%

> 250 000 à 50 0000$: 1,5%

> 50 0000 à 1 million: 2,0%

> 1 million et plus: 2,5%

Droits de mutation hors-Montréal :

Taux par tranche de la base d'imposition

> 0 à 50 000$: 0,5%

> 50 000 à 250 000$: 1,0%

> 250 000$ et plus: 1,5%