Jean-Yves Archambault était un entrepreneur prospère. Mais après sept ans de combat contre Revenu Québec, il est un homme ruiné, malade, à court de moyens pour poursuivre sa lutte contre le fisc.

Il mène un combat à armes inégales contre l'État. Le combat d'une vie, comme celui de Claude Robinson qui a passé 18 ans à se battre contre Cinar qui lui a volé le concept de sa série télévisée pour enfants.

Jean-Yves Archambault est le Robinson de Revenu Québec. Et depuis cette semaine, il doit se battre non seulement contre le fisc, mais aussi contre ses anciens avocats.

À coups de cotisations abusives, de bourdes incroyables et d'erreurs graves, le fisc a anéanti sa PME, le Groupe Enico, une entreprise en forte croissance dans un secteur de pointe qui employait une quarantaine de personnes et réalisait un chiffre d'affaires de près de 6 millions de dollars. Le genre de PME dont le Québec a besoin.

M. Archambault a fait ce que peu de contribuables osent faire: il a poursuivi le fisc en dommages et intérêts. Le procès a duré 16 jours et nécessité des milliers d'heures de travail. Les documents présentés en cour faisaient six pieds de haut!

Mais l'automne dernier, M. Archambault a remporté une victoire éclatante. Dans un jugement de 197 pages qui se lit comme un vrai polar, la Cour supérieure a condamné Revenu Québec à lui verser près de 4 millions.

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Sauf que le chemin de croix de M. Archambault est loin d'être terminé. Revenu Québec, qui ne veut pas lâcher le morceau, a porté l'affaire en appel. Or, M. Archambault a déjà flambé plus de deux millions dans cette guérilla judiciaire. Financièrement, il vit sur le respirateur artificiel.

En se représentant seul devant la Cour d'appel, M. Archambault a réussi au début de janvier à forcer Revenu Québec à lui remettre 450 000$ immédiatement, afin qu'il puisse assurer les prochaines étapes de sa défense.

M. Archambault compte chaque minute qui le sépare du 29 janvier, date à laquelle il doit recevoir ses 450 000$. Malheureusement, l'argent risque de lui échapper, car ses anciens avocats veulent mettre la main sur le montant.

Ils étaient en cour, hier, pour obtenir une ordonnance à cette fin. Le cabinet Dupuis Paquin craint peut-être de ne jamais être payé, car Revenu Québec a fait invalider un aspect de son entente de rémunération avec M. Archambault, dans une affaire parallèle qui s'est rendue jusqu'en Cour d'appel.

Une vraie saga! M. Archambault devra-t-il se rendre jusqu'en Cour suprême comme Claude Robinson? Et même s'il gagne, ses frais risquent de dépasser le montant qu'il remportera, ce qui démontre clairement que le contribuable ordinaire ne peut pas se défendre contre le fisc qui a des moyens quasi illimités.

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Jean-Yves Archambault se bat tout seul, mais sa lutte est celle de tous les contribuables qui doivent se défendre contre Revenu Québec.

Un peu comme l'affaire Robinson a permis de démasquer le scandale des prête-noms que cachait Cinar, l'affaire Archambault a fait ressortir certaines pratiques troublantes du fisc.

Durant le procès, on a appris que les agents de Revenu Québec doivent atteindre des quotas de cotisation. Selon leurs résultats, ils peuvent aussi obtenir un boni représentant 3,5% de leur revenu. Tout cela peut les inciter à peser fort sur le crayon, surtout que les objectifs ne cessent d'augmenter.

Depuis 2009, Québec mise énormément sur la lutte contre l'évasion fiscale pour revenir à l'équilibre budgétaire. Plus de 1000 vérificateurs ont été embauchés, ce qui a permis au fisc de récupérer 3,5 milliards de dollars l'an dernier, presque deux fois plus qu'il y a six ans.

Certains contribuables méritent la visite du fisc. Mais d'autres n'ont rien à se reprocher. Et ils n'ont pas les moyens de se défendre. Ceux qui décident de se tenir debout, par principe, ressortent brisés de leur procès contre le fisc. Leur carrière est finie, leur famille déchirée, leurs finances en lambeaux.

Prenez la famille Picotte qui a aussi remporté une victoire contre le fisc, l'automne dernier. Comme Revenu Québec fait appel, elle est obligée de passer le chapeau pour assurer sa subsistance. Les avocats qui la représentent gratuitement organisent une collecte de fonds sur le site web de sociofinancement Haricot. Ils ont amassé plus de 2000$.

Est-ce normal que les contribuables soient forcés de quêter pour se défendre contre l'État?

M. Archambault, qui ne manque pas de créativité, a bien tenté d'utiliser le nouvel article 54.1 du Code de procédure civile qui prévoit qu'un justiciable peut demander le paiement de ses frais d'avocat lorsqu'il fait l'objet d'une poursuite abusive.

Introduite en 2009, cette disposition a surtout servi dans le cadre de poursuites-bâillons. Mais rien n'empêche de l'utiliser à d'autres sauces. M. Archambault a ainsi remporté 350 000$ en 2011. Pas de chance, la décision a été cassée en appel.