Sylvie St-Amand est exactement le genre de résidante que Montréal cherche à attirer. Avec son conjoint, elle vient d'acheter un duplex dans Ahuntsic. Trois chambres à coucher. Une cour où ses deux jeunes enfants pourront jouer. Pas trop loin du métro, ce qui permet d'utiliser les transports en commun.

L'immeuble aura une vocation intergénérationnelle, puisque les grands-parents s'installeront dans le logement du haut. À 485 000$, ce n'est pas donné. Mais quand la famille aura remis le plex au goût du jour, elle pourra louer le studio au sous-sol. Oui, mais les travaux coûtent cher...

Mme St-Amand aura-t-elle droit à un coup de pouce financier? Niet!

C'est étonnant, car la Ville de Montréal offre une panoplie de programmes pour retenir les familles dans l'île. Par exemple, la Ville rembourse les droits de mutation aux premiers acheteurs d'un plex. Les ménages ont ensuite accès à une aide financière pour rénover l'immeuble. Le pactole, quoi!

«Quand j'ai su que ça existait, j'étais super excitée», raconte Mme St-Amand. Mais après avoir décortiqué les critères du programme, elle a réalisé qu'elle n'était pas admissible, car la valeur d'un duplex ne doit pas excéder 450 000$. Zut!

Ce plafond a été établi de manière à couvrir la moitié des transactions de duplex et triplex à Montréal, explique la Ville. Mais dénicher un duplex à ce prix dans un quartier assez central est pratiquement mission impossible.

Parlez-en à Mme St-Amand qui a arpenté Villeray, Petit-Patrie, Côte-des-Neiges, Saint-Laurent... «À moins de 450 000$, soit qu'il y a énormément de travaux à faire, soit que le duplex est trop petit pour une famille», assure-t-elle.

Pour la subvention, il faudra repasser. Les paramètres sont trop restrictifs et les plafonds trop bas, même s'ils viennent d'être ajustés pour tenir compte de la hausse des valeurs foncières. Ils ne collent pas à la réalité du marché et suscitent plus de fausses joies qu'autre chose.

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Un autre exemple. Pour encourager les promoteurs à bâtir des copropriétés qui correspondent aux besoins des familles, la Ville offre aussi une subvention qui peut atteindre 12 500$ pour les familles qui achètent une maison neuve. De quoi faire saliver.

Mais voilà, le logement doit avoir au moins trois chambres et coûter moins que 360 000$. Une équation difficile à résoudre.

À Montréal, un condo neuf de 1200 pieds carrés, avec trois chambres à coucher et un espace de stationnement vaut 450 000$ au bas mot, indique Mathieu Collette, directeur de l'étude de marché du condo au Groupe Altus.

Pour construire des unités de trois chambres à moins de 360 000$, les promoteurs doivent se rabattre sur un terrain jouxtant une voie ferrée ou un parc industriel... pas vraiment le cadre idéal pour élever une famille.

Alors, ne vous demandez pas pourquoi peu de promoteurs bâtissent des copropriétés pour les familles en ville.

Depuis qu'ils ont été redessinés en 2010, les programmes d'accès à la propriété de la Ville de Montréal ont tout de même aidé quelque 6600 ménages à acheter une maison. Mais plusieurs autres restent sur leur faim et partent en banlieue.

Dans le cadre de son Plan de fidélisation des familles, Montréal veut appuyer 6200 familles de plus d'ici 2014-2017, avec une série de mesures qui s'élèvent à 135 millions de dollars sur quatre ans. Il est question de relever les plafonds, d'assouplir les règles et d'élargir les clientèles visées par les programmes actuels. Ce ne sera pas du luxe!

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Montréal doit aussi retaper ses programmes d'aide à la rénovation. Pour être admissible aux programmes actuels, l'évaluation foncière d'une maison unifamiliale ne doit pas excéder 350 000$. Or, la valeur moyenne des maisons dépasse cette limite dans la plupart des arrondissements.

Mais de toute façon, ces programmes sont limités à des zones très précises... et souvent peu attrayantes pour les familles. Remarquez que cela fait partie des critères de Rénovation Québec qui finance des programmes semblables aux quatre coins de la province.

Bien sûr, la capacité financière de l'État est limitée. Pour avoir un impact, on comprend que les programmes ciblent des secteurs à revitaliser et des familles à plus faibles revenus.

Mais des milliers de propriétaires qui rénovent leur maison et revitalisent leur quartier sont laissés pour compte. Il y a bien certains programmes spécifiques pour améliorer l'efficacité énergétique, favoriser le maintien à domicile, etc. Je ferai le tour du jardin dans ma chronique de demain dans La Presse+.

Mais il n'en reste pas moins que la majorité des propriétaires n'ont aucune aide pour financer leurs rénovations. Ils ont plutôt l'impression que les municipalités les attendent avec une brique et un fanal.

C'est le cas d'un couple de Québec qui a investi 150 000$ pour refaire de A à Z un condo près des plaines d'Abraham. Surprise! Un inspecteur de la ville est passé et l'évaluation municipale a doublé. Avec cette hausse de taxes d'environ 2300$ par année, c'est comme si les rénovations avaient coûté près de 60 000$ de plus sur 25 ans.

«Pourtant j'ai fait rouler l'économie, j'ai payé la TPS/TVQ sur mes achats», fait observer l'homme.

Les gens qui achètent une maison neuve ont droit à un remboursement partiel des taxes. Pourquoi ceux qui rénovent n'auraient-ils pas droit à un coup de main eux aussi?