Depuis le temps qu'on réclame un code de la consommation au Québec, il est ironique de voir Ottawa reprendre l'idée à son compte.

Comme promis dans son discours du Trône, le gouvernement conservateur a lancé des consultations, hier, afin de mettre en place un nouveau code des consommateurs dans les services financiers.

Comment faire pour dompter les banques? Ottawa veut avoir votre avis. Les Canadiens ont 12 semaines pour envoyer leurs suggestions. Leurs commentaires serviront de fondement à une série de tables rondes qui se dérouleront partout au Canada en 2014.

Quant à moi, Ottawa pourrait reprendre plusieurs bonnes idées du défunt projet de loi 24 qui devait resserrer les règles entourant le crédit. Le projet est mort au feuilleton avec le changement de gouvernement à Québec.

Mais il faut dire que les conservateurs avaient mis des bâtons dans les roues de Québec en avançant que le fédéral a les compétences «exclusives» dans le domaine bancaire. Une belle façon de niveler par le bas, car les lois provinciales protègent souvent les consommateurs davantage que les règles fédérales.

N'empêche, Ottawa a maintenant une belle occasion de se racheter en prouvant qu'il peut être audacieux et avant-gardiste.

Alors, comment améliorer la protection des consommateurs? La liste est longue...

- Responsabiliser les prêteurs: alors que le taux d'endettement des Canadiens atteint 165%, Ottawa devrait demander aux prêteurs de vérifier la capacité de remboursement des clients avant de leur allonger d'autre crédit. Issu d'Europe, le principe du «prêteur responsable» était une mesure-phare du projet de loi 24. Ce serait un moyen de remettre au pas les prêteurs de dernier recours qui ne se gênent pas pour donner aux consommateurs de la corde pour se pendre.

- Refermer les hypothèques parapluie: Ottawa pourrait aussi encadrer, voire interdire, les hypothèques «parapluie», très à la mode. De plus en plus, les banques hypothèquent les maisons au complet ou même à 125%. L'hypothèque «parapluie» couvre ainsi tous les besoins actuels et même futurs du client qui pourra ensuite obtenir une marge de crédit, un prêt-auto, une carte de crédit, etc.

Voilà une incitation à utiliser sa maison comme un guichet automatique. Et aussi une façon de menotter le client à la banque. Mais il y a pire: souvent, le client prend connaissance des caractéristiques de son prêt dans le bureau du notaire. Trop tard pour faire marche arrière: le camion de déménagement est à la porte.

- Limiter le taux des cartes de crédit: pendant que le taux directeur est tombé à un plancher de 1%, le taux d'intérêt sur les cartes de crédit est grimpé à 20%. «Scandaleux», dit Caroline Arel, directrice générale par intérim d'Option consommateurs. Ottawa doit s'en mêler. L'avocate croit aussi que le gouvernement devrait abaisser le taux usuraire, actuellement à 60%. En effet, il s'agit d'un véritable anachronisme.

- Le crédit, ce n'est pas un cadeau: les émetteurs de cartes de crédit offrent des points et des récompenses pour encourager les détenteurs à payer le maximum d'achats avec leur carte. Les grands magasins offrent un cadeau ou un rabais aux clients qui demandent leur carte de crédit. Pourtant, le crédit est loin d'être un cadeau.

Les clients paient un taux d'intérêt exorbitant. Et les commerçants qui acceptent les cartes versent une fortune en frais à Visa et MasterCard... qu'ils refilent aux consommateurs. Il faut briser cet engrenage malsain. Les cadeaux et autres moyens d'encourager les gens à payer à crédit sont à proscrire.

- Relever le paiement minimum: tant qu'à y être, pourquoi ne pas relever le paiement minimum obligatoire sur les cartes de crédit qui a fondu jusqu'à 2% au fil des ans. À ce compte, on ne fait que payer des intérêts. Malheureusement, de 15 à 20% des Québécois ne font que le paiement mensuel minimum. Ils traînent des dettes d'environ 10 000$. À un taux d'intérêt de 20%, il leur faudra plus de 83 ans pour s'en débarrasser. Et ils auront payé 48 000$ d'intérêts dans l'intervalle. Fou raide! Ottawa devrait relever le paiement minimum à 5%, comme Québec a l'intention de le faire.

- Achetez maintenant, payez sur-le-champ: les concessionnaires financent des voitures sur 84 mois. Les commerçants vous offrent de payer seulement à partir de 2015. «La personne qui n'a pas d'argent pour acheter aujourd'hui n'aura pas plus d'argent dans 15 mois», dit le spécialiste du droit de la consommation Pierre-Claude Lafond, professeur à l'Université de Montréal. En France, les congés de paiement sont limités à trois mois. Pourquoi pas ici? Il est temps de se questionner sur les effets pervers de ces programmes qui sont entrés dans les moeurs.

- Des frais bancaires raisonnables: les frais bancaires sont une source constante de frustration. Le gouvernement s'est déjà engagé à bannir les frais pour obtenir un relevé papier. Une petite mesure sympathique.

Mais le vrai scandale est ailleurs. Si Ottawa avait le courage d'affronter le lobby des institutions financières, il s'attaquerait aux frais de gestion des fonds communs, qui grugent une large part du rendement des investisseurs.

Plus de 12 millions de Canadiens détiennent 900 milliards de dollars de fonds communs, rappelle la Fondation canadienne pour l'avancement des droits des investisseurs (FAIR). Ces frais, parmi les plus élevés au monde, mettent en péril les efforts des Canadiens qui épargnent pour leur retraite.