Vous souvenez-vous lors du débat des chefs en 2007? André Boisclair avait désarçonné le chef de l'ADQ, Mario Dumont, en lui répétant une question toute simple: quelle est la marge de manoeuvre financière du gouvernement?

Voilà que la Coalition avenir Québec (CAQ) ramène dans l'actualité cette notion financière un peu floue. La CAQ clamait cette semaine que la classe moyenne est étouffée. Calculs à l'appui, François Legault avançait que la famille québécoise type dispose d'une marge de manoeuvre financière de seulement 1,9%.

Ah bon. Mais de quoi parle-t-il au juste? Savez-vous qu'elle est votre marge de manoeuvre? Ne cherchez pas trop loin. C'est tout simplement l'argent qu'il vous reste dans vos poches après avoir payé tous vos impôts, taxes et dépenses de consommation.

Les chiffres présentés par la CAQ ne sont pas scientifiques. Mais l'analyse donne quand même un aperçu d'où va l'argent des Québécois.

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Regardons la situation d'une famille québécoise avec deux enfants dont les deux parents gagnent le salaire moyen de 42 250$ par année. Pour déterminer combien cette famille paie en taxes et impôts, la CAQ s'est inspirée d'une étude de l'Institut Fraser.

D'abord, on additionne l'impôt sur le revenu, la fameuse cotisation santé, les cotisations sociales (assurance-emploi, parentale, RRQ). Puis, on soustrait les prestations que les familles reçoivent de l'État (Prestation fiscale pour enfant, Soutien aux enfants).

On arrive ainsi à la charge fiscale nette, un concept bien documenté. Le Québec est l'endroit au monde où les familles de la classe moyenne inférieure ont la charge la plus légère, selon une récente étude de la Chaire de recherche en fiscalité et en finances publiques.

Toutefois, la situation s'inverse dès que le salaire grimpe: les familles québécoises mieux nanties ont le fardeau le plus lourd au pays.

Pour savoir où votre famille se situe, vous pouvez consulter les courbes Laferrière-Montreuil qui détaillent le taux d'imposition réel, selon la situation familiale et le niveau de revenus.

Or, la CAQ a voulu aller plus loin en considérant toutes les autres taxes que les familles doivent payer: taxes de vente, impôt foncier et taxe scolaire, taxes sur l'essence, immatriculation, et j'en passe.

Résultat? Notre famille moyenne laisse pratiquement 40 000$ aux différents ordres de gouvernements, soit presque la moitié de son salaire brut (47%).

Ce chiffre semble bien terrible, mais il faut le prendre avec des pincettes, car il repose sur des moyennes qui ne reflètent pas nécessairement la réalité d'une famille type.

Selon l'Institut Fraser, les Québécois paient en moyenne 3000$ d'impôts sur les bénéfices, ce qui paraît déconnecté de la réalité d'une petite famille qui a probablement peu d'actifs hors REER justifiant ce genre d'impôts.

De plus, on considère que la famille moyenne verse 2000$ en taxes sur l'alcool et le tabac. Peut-être. Mais ce n'est pas obligatoire! Rien ne force les familles à s'acheter du vin ou des cigarettes et à payer toutes ces taxes.

Juste en enlevant ces deux éléments, la famille gagnerait 6% de marge de manoeuvre.

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Mais ce n'est pas tout. Pour savoir combien il reste vraiment dans les poches des familles à la fin de l'année, la CAQ a évalué toutes les dépenses de consommation en s'alignant sur l'Enquête annuelle des dépenses des ménages de Statistique Canada.

Pour l'alimentation, on parle d'un budget de 11 300$, soit 217$ par semaine. Assez réaliste pour quatre personnes. Pour le logement? 14 150$ par année. Encore là, rien d'extravagant. Cela correspond aux mensualités que vous devrez verser si vous achetez une maison de 300 000$, tout près du prix médian d'une maison unifamiliale dans la région de Montréal, avec une mise de fonds d'environ 10%. Et on n'a pas ajouté l'électricité, le chauffage, l'entretien, les services de télécom...

Pour les transports? 7200$ par année. Pas tant que ça, puisque CAA-Québec estime qu'il en coûte 10 500$ par année pour rouler 18 000 kilomètres dans une berline comme la Toyota Camry, en incluant toutes les dépenses.

Cela dit, il y a bien des manières de réduire ce budget: garder sa voiture plus longtemps, acheter un véhicule d'occasion, choisir un modèle plus petit et moins gourmand, prendre les transports en commun ou le vélo... À chacun sa façon.

Vêtements, meubles, frais de garde, loisirs... en ajoutant tous les autres postes de dépenses, on réalise qu'il ne reste que 1563$ à la famille, soit une marge de manoeuvre de 1,9% par rapport à ses revenus bruts. C'est mince. Mais évidemment, tout cela est bien relatif, car le budget est un exercice très personnel.

Mais bien sûr, les familles aimeraient avoir une bouffée d'air frais. Cette semaine, le chef de la CAQ, François Legault, a justement promis d'abolir la taxe santé et même de rembourser les propriétaires qui viennent de subir une hausse importante de leur taxe scolaire.

Tout cela est très vendeur sur le plan politique, mais difficile à réaliser si on veut maintenir le déficit zéro. Déjà, le PQ a été forcé d'imposer des compressions importantes dans la santé et les écoles pour préserver le fragile équilibre budgétaire.

Je vois mal où Québec trouverait la marge de manoeuvre pour faire des cadeaux aux familles. Voilà une autre bonne question...