Ça chauffe pour les Canadiens en Floride. Armés d'un huard vigoureux, ils réalisent plus du tiers des achats conclus par des étrangers dans le Sunshine State.

Pour vous dire, Desjardins Bank a réalisé un record de 37 millions en prêts hypothécaires l'an dernier, par rapport à 10 ou 15 millions pour une année normale, m'a raconté Daniel Veilleux, président de cette filiale du Mouvement Desjardins qui compte trois succursales en Floride.

Parmi sa clientèle, beaucoup de retraités à la chasse aux aubaines. Mais aussi de nombreux investisseurs qui achètent plusieurs unités pour les louer.

La remontée récente des prix leur a donné raison. Après s'être écroulé de moitié, le prix médian d'une maison unifamiliale en Floride a rebondi de 22 % depuis le creux d'il y a deux ans, passant de 125 000 $ en 2011 à 153 000 $ au début de 2013.

Bravo ! Mais les 500 000 Canadiens qui possèdent une résidence en Floride doivent se poser quelques questions pour éviter que le fisc américain ne cogne à leur porte.

- Qu'arrive-t-il si on loue sa maison aux États-Unis?

Si vous louez votre condo à la semaine ou au mois, vous devrez percevoir une taxe de vente dans bien des États américains. Par exemple, la Floride prélève une taxe de 6 % sur les locations de moins de six mois. Plusieurs comtés exigent une surtaxe.

Info : https://dor.myflorida.com/dor/forms/2009/gt80 0034.pdf

- Comment sont imposés vos revenus de location?

Vos revenus de location nets sont imposables aux États-Unis et au Canada. Mais rassurez-vous, cela ne signifie pas que vous paierez l'impôt en double!

Disons que vous avez réalisé des revenus de location de 50 000 $. En soustrayant des dépenses de 20 000 $ par exemple, il restera des revenus nets 30 000 $. Tout d'abord, vous paierez l'impôt sur ce montant en faisant une déclaration de revenus aux États-Unis.

Et puis, comme vous êtes résident canadien, vous déclarerez vos revenus de location au Canada. Mais l'impôt que vous aurez déjà payé aux États-Unis réduira l'impôt que vous devrez verser au Canada, explique Jean-Francois Poulin, associé spécialisé en fiscalité américaine chez Raymond Chabot Grant Thornton.

- Comment est considéré le gain en capital sur votre résidence américaine?

Si vous faites un profit à la revente de votre maison aux États-Unis, le gain en capital sera d'abord imposable aux États-Unis, puis au Canada sur l'excédent.

Pour un particulier, le taux d'imposition maximal sur un gain est de 20 % aux États-Unis et de 25 % au Canada. Cela signifie qu'il restera 5 % d'impôt à payer au Canada, tout au plus.

Mais si l'immeuble est détenu par une corporation canadienne, ce sera beaucoup plus complexe et l'impôt américain pourrait atteindre 40 %. Aïe!

- Comment réduire son gain?

Certains propriétaires l'oublient, mais ils peuvent réduire leur facture d'impôt en soustrayant de leur gain en capital une série de dépenses: la commission du courtier, les honoraires d'avocats, toutes les rénovations qu'ils ont faites au fil des ans ainsi que les charges de copropriété extraordinaires.

À noter: les Canadiens peuvent utiliser leur exemption de résidence principale canadienne sur une résidence secondaire qu'ils habitaient aux États-Unis, mais uniquement pour effacer le gain imposable au Canada.

D'autre part, les propriétaires qui revendent un immeuble à revenus en Floride peuvent utiliser leur perte en capital pour effacer des gains réalisés au Canada. Mais s'ils habitaient la maison, leur perte tombe à l'eau.

- Et la perte de change?

Comme le dollar américain valait plus de 1,50 cent canadien au tournant du millénaire, les Canadiens qui revendent un condo en Floride aujourd'hui se retrouvent avec une perte de change majeure.

En 2001, le prix médian d'une maison en Floride était de 118 200 $US, soit 181 035 $CA. Aujourd'hui, le prix médian a grimpé à 153 000 $US, soit 158 000 $CA. Le propriétaire canadien qui revend cette maison a donc réalisé un gain en capital de 34 800 $... aux États-Unis. Mais en tenant compte de la dépréciation du dollar américain, il aura plutôt perdu 23 035 $ dans l'aventure.

Les gens qui ont acheté entre 1999 et 2007 sont probablement dans cette situation tordue : ils devront payer de l'impôt, même s'ils ont fait une perte. Doublement frustrant !

- En cas de décès, quels sont les droits successoraux?

Au Canada, cela n'existe pas. Mais aux États-Unis, il y a des droits successoraux lorsqu'un contribuable meurt. Pour un non-résident, les droits sont appliqués sur la valeur marchande des biens et le taux peut monter jusqu'à 40 %.

Mais ne partez pas en peur! Seuls les Canadiens dont la succession mondiale vaut plus que 5,25 millions de dollars sont visés. On parle ici de tous les biens (maisons, REER, assurance-vie, etc.) détenus partout dans le monde.

- Qu'en est-il des «probate fees»?

Il ne faut pas confondre les droits successoraux avec les «probate fees». Ces frais couvrent le processus légal du règlement de la succession aux États-Unis. En Floride, ces frais peuvent atteindre 3 % à 5 % de la succession et coûter plus de 10 000 $ pour une succession de plusieurs centaines de milliers de dollars.

Info: https://www.floridabar.org/tfb/TFBConsum.nsf/0a92a6dc28e76ae58 525700a005d0d53/92f75229 484 644c985 256b2f006c5a7a ?

https://www.nolo.com/legal-encyclopedia/florida-probatean-overview.html

- Comment éviter ces frais?

Plusieurs modes de détention de l'immeuble permettent d'éviter les «probate fees». Pour un couple marié, le plus simple est d'acheter en copropriété, ce qui permettra le transfert au conjoint survivant sans frais. Le hic: ça ne marche pas pour les conjoints de fait.

On peut alors se rabattre sur la formule du «right of survivorship» qui permet le transfert sans frais entre différents membres de la famille ; sur la fiducie pour ceux qui ont une propriété plus dispendieuse ; ou sur la société en commandite pour les investisseurs qui possèdent plusieurs immeubles.

Il existe une panoplie de stratégies pour éviter ou réduire l'impact fiscal d'un décès, explique Marcel Racicot, fiscaliste associé principal chez Racicot & Associés.

Info : https://www.icastpro.ca/events/desjardins2/2013/04/17/l-achat-d-une-residence-en-floride-et-la-fiscalite-americaine

- Et le testament?

Même si leur testament canadien est valide aux États-Unis, certains snowbirds font aussi un testament américain, en anglais, pour faciliter les procédures.

Par contre, un mandat canadien en cas d'inaptitude n'est pas valide au sud de la frontière. Pour le faire appliquer, les procédures sont longues et complexes. Alors, prenez le temps de rédiger un mandat en anglais, selon les formalités américaines, au cas où il vous arriverait un malheur aux États-Unis.