Autour de moi, beaucoup de jeunes s'imaginent qu'il ne restera que des poussières dans les régimes de retraite publics lorsqu'ils quitteront le travail dans 20 ou 30 ans. Ils ont tort... même si le système de retraite est injuste envers eux.

Je vous offre de démêler la question du déficit intergénérationnel de la retraite dans une série de deux chroniques.

À la retraite, les Québécois peuvent compter sur deux régimes publics complètement différents : la Régie des rentes du Québec (RRQ) et la Pension de la Sécurité de la vieillesse.

La RRQ est obligatoire pour tous les travailleurs du Québec qui cotisent une partie de leur salaire chaque année. À la retraite, ils reçoivent une rente qui remplace le quart de leurs revenus d'emploi, jusqu'à concurrence d'environ 50 000 $. La rente annuelle maximale s'élève à 12 150 $, indexée et garantie à vie. Une très bonne base. Pourtant, plusieurs jeunes lèvent le nez sur la RRQ. Complètement désabusés, ils sont convaincus qu'ils cotisent dans le beurre.

Les travailleurs autonomes qui sont incorporés pourraient cotiser à la RRQ en se versant au moins 51 000 $ par année sous forme de salaire. Mais plusieurs évitent de le faire en se payant plutôt en dividendes. Du coup, ils se privent du droit de cotiser au REER.

Il est vrai que la RRQ cache un déficit intergénérationnel colossal. Quand le régime a été mis en place en 1966, l'État voulait payer des rentes rapidement pour lutter contre la pauvreté chez les aînés.

On a donc créé un régime « pay-as-you-go » comme on dit dans le jargon, c'est-à-dire que ce sont les cotisations des travailleurs actuels qui servent à payer les rentes des retraités actuels. Un vrai Ponzi, s'écrient certains lecteurs. Mais non !

Quand les travailleurs arrivent à la retraite, c'est la génération suivante qui doit payer leurs rentes. Il s'agit d'un contrat social, d'un contrat intergénérationnel. C'est comme une roue qui tourne.

Il y a des avantages. Entre autres, ça évite d'avoir à accumuler des montants énormes pour la retraite, montants qui doivent être investis sur les marchés financiers et qui seront soumis aux aléas de la spéculation.

Mais bien sûr, la démographie peut jouer de vilains tours à ce type de régime de retraite. Comme les boomers sont très nombreux, la RRQ a constitué une réserve (39 milliards fin 2012) pour éviter de placer un poids démesuré sur les générations suivantes.

Le problème, c'est que la réserve est insuffisante à cause d'une série de facteurs : l'espérance de vie des Québécois a augmenté de 11 ans depuis 40 ans, les rendements ont été plus faibles que prévu, et Québec a toujours été trop lent à corriger le tir.

En 2011, Québec a ajusté le niveau de cotisation pour s'assurer que la RRQ reste à flot. Désormais, les cotisations vont grimper automatiquement dès que la réserve sera insuffisante.

Autrement dit, ce sera toujours aux travailleurs de payer pour les pots cassés. Jamais les retraités. Je m'étonne que les jeunes ne soient pas descendus dans la rue pour manifester leur désaccord !

Au moins, la RRQ aura l'argent requis pour payer les rentes futures. Les jeunes peuvent dormir en paix. Il restera des sous pour eux.

Le problème n'est pas là. Il se situe du côté des cotisations. Dans quatre ans, les jeunes vont verser 10,8 % de leur salaire à la RRQ, soit environ 5 500 $ par année (moitié-moitié avec leur employeur). C'est trois fois plus que la génération précédente qui a versé seulement 3,6 % de son salaire jusqu'en 1986.

Injuste ? C'est clair ! Mais il faut tenir compte de l'ensemble du portrait. Par exemple, les boomers paient pour le financement des garderies à 7 $ et les congés parentaux, même s'ils n'y ont pas eu droit.

Malgré tout, la RRQ n'est pas une mauvaise affaire pour les jeunes, selon Daniel Laverdière, actuaire et planificateur financier pour Banque Nationale Gestion privée 1859.

En tenant compte du taux de cotisation de 2017, un jeune obtiendra un rendement de 2,7 % sur ses cotisations à la RRQ s'il prend sa retraite à 65 ans et reste en vie jusqu'à 85 ans. S'il vit jusqu'à 100 ans, sa rente lui rapportera l'équivalent de 3,7 %. Ce n'est si mal dans un contexte de bas taux d'intérêt. Et surtout, ce n'est pas un rendement zéro, comme certains l'imaginent.

Bien sûr, le rendement reste largement inférieur à celui des générations précédentes. Une personne de 83 ans qui a pris sa retraite en 1990, à l'âge de 60 ans, a bénéficié d'un rendement de 14,5 % sur ses cotisations à la RRQ.

Mais il est inutile de regarder en arrière. La question est à savoir : cotiser ou ne pas cotiser à la RRQ ? Si vous avez le choix, la réponse est probablement oui.