Les libéraux prétendent ces jours-ci que le gouvernement Marois a trouvé le tour de diminuer en catimini le crédit d'impôt pour les droits de scolarité.

Vrai, Québec a décidé de réduire ce crédit de 20 à 8% lors de sa mise à jour budgétaire du 28 mars. La modification fera perdre environ 325$ par année pour un étudiant inscrit à l'université à temps plein.

On pourrait dire que ça équivaut à une hausse des droits de scolarité déguisée. Et pourtant, peu de médias en ont fait état le lendemain, en ce Vendredi saint. Et après le long congé de Pâques, la nouvelle était morte et enterrée. Pas de manif. Pas de casseroles. Rien.

Mais on ne peut pas dire que les péquistes en ont passé une p'tite vite aux carrés rouges.

En fait, la réduction du crédit d'impôt avait été clairement énoncée dans les documents préparatoires du Sommet sur l'enseignement supérieur qui s'était déroulé un mois plus tôt. En même temps que Québec présentait son projet d'indexation des droits de scolarité de 3% par année, le gouvernement proposait une «réduction du taux du crédit d'impôt non remboursable pour frais de scolarité de 20 à 8%».

À la fin du Sommet, sans surprise, Pauline Marois a annoncé qu'elle irait de l'avant avec les mesures proposées.

La mise à jour économique a confirmé que la réduction du crédit entrera en vigueur dès la prochaine session. Mais rassurez-vous, les crédits accumulés jusqu'à la session d'hiver 2013 continueront d'être calculés au taux de 20%.

Si les étudiants n'ont pas dit un mot, après la mise à jour économique, c'est que la réduction du crédit n'était pas une surprise pour eux. Et si les étudiants n'ont pas fait grand cas de la baisse du crédit lors du Sommet, c'est qu'eux-mêmes sont plutôt favorables à son abolition.

Il faut dire que le crédit a des défauts.

Le crédit permet aux étudiants de récupérer 20% de leurs droits de scolarité lorsqu'ils font leur déclaration de revenus. Il s'applique non seulement sur les droits de scolarité, mais aussi sur les frais d'admission, de bibliothèque, d'examen, etc.

Comme la facture peut facilement atteindre 2700$ pour deux sessions à l'université, le crédit donne présentement droit à une économie d'impôt de 540$. Mais puisque le crédit est «non remboursable», il est inutilisable si l'étudiant n'a pas d'impôt à payer. L'étudiant peut quand même transférer le cadeau à ses parents, si ce sont eux qui paient ses études. Sinon, il doit accumuler les économies qui lui permettront de réduire ses impôts lorsqu'il commencera à travailler.

Le crédit n'est jamais perdu. Mais l'argent n'est pas là quand l'étudiant en a le plus besoin, c'est-à-dire quand il fait ses études. Ça ne favorise pas l'accès aux études pour les étudiants les plus vulnérables, ceux qui ont peu de revenus et ceux qui n'ont pas d'aide financière de leurs parents.

Pour régler le problème, Québec aurait pu rendre le crédit remboursable (pour que les étudiants aient droit au remboursement même s'ils n'ont pas d'impôt à payer). Il aurait même pu le rendre payable par anticipation (pour que les étudiants n'aient pas à attendre de faire leur déclaration pour toucher l'argent).

Mais le gouvernement a plutôt choisi de rogner le crédit pour bonifier le Programme d'aide financière aux études. Notamment, Québec va rehausser de 28 000 à 45 000$ le seuil du revenu familial à partir duquel l'étudiant commence à voir sa bourse fondre. Cette mesure profitera à environ 49 000 étudiants qui toucheront 1350$ de plus par année, en moyenne.

Remarquez, les péquistes n'ont rien inventé: cela avait été annoncé le printemps dernier par les libéraux qui sont donc mal placés pour critiquer la mesure. Durant les négociations avec les étudiants, les libéraux avaient même accepté de ramener le crédit d'impôt à 13%. Même si ces pourparlers ont avorté, il est un peu surprenant d'entendre le Parti libéral dénoncer la baisse du crédit aujourd'hui.

Bien sûr, c'est la classe moyenne qui va écoper, encore une fois. Le crédit d'impôt donnait un fameux coup de main aux familles qui appuient les études de leurs enfants. Désormais, elles seront privées de cet argent. Mais il faut quand même dire qu'elles n'auront pas à subir d'augmentation marquée des droits de scolarité.

En fait, les véritables perdants de cette réforme seront les étudiants à temps partiel, comme le soulignait mon collègue Tommy Chouinard, à l'issue du Sommet. Ces étudiants, à 80% des femmes, âgées de 32 ans en moyenne, verront leur crédit fondre... mais n'auront toujours pas accès à une bourse.

Tout n'est cependant pas perdu. Sur les 61 millions que rapportera la réduction du crédit, 25 millions n'ont pas été réalloués. Un chantier de travail mis en place lors du Sommet doit se pencher sur la meilleure façon d'utiliser cette enveloppe. Dans son rapport, attendu en mai, on verra qui seront les chanceux.