Les téléphones publics sont en voie de disparition. Mais avec les pratiques commerciales cavalières adoptées ces dernières années, les consommateurs ne s'ennuieront pas de ces vestiges d'une autre époque.

Les cabines téléphoniques sont devenues de vrais pièges pour ceux qui n'ont pas de téléphone mobile et qui doivent faire un appel d'urgence.

Voici comment Louise Bourget Bertrand s'est fait pincer...

Ayant perdu son chemin près de Bromont, elle s'arrête pour passer un coup de fil aux gens chez qui elle se rend, par une froide soirée de janvier. À partir d'un téléphone public, elle appelle à plusieurs reprises avant d'obtenir la communication. Ouf! Sauvée!

Mais en recevant son relevé de carte de crédit, la dame est sidérée. Les deux premiers appels lui ont coûté 13,99$ chacun, le troisième 16,29$, tandis que le dernier appel - le seul qui a réellement fonctionné - lui a coûté 20,05$. Total: 64,32$ pour quelques minutes de conversation. Indécent!

Le coupable? WiMacTel, une société californienne qui a un bureau à Calgary. En 2011, Bell Canada lui a délégué la facturation de tous les appels à frais virés et de tous les appels payés avec une carte de crédit, à partir de ses cabines téléphoniques.

Depuis, les tarifs font rager les consommateurs, comme Mme Bourget Bertrand. «Ça n'a pas de bon sens, s'indigne-t-elle. Il faut toujours se méfier des services de Bell maintenant.»

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Depuis 15 ans, le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC) a déréglementé l'industrie des téléphones publics. Les appels locaux demeurent réglementés dans les cabines de Bell. En 2007, le tarif est passé de 25 à 50 cents (1$ pour un appel à frais virés).

Mais pour les interurbains, il n'y a pas de limite. C'est la loi du marché qui s'applique. Or, il y a très peu de concurrents dans les zones desservies par Bell. Cela fait en sorte que l'opérateur - qui avaient anciennement le monopole - peut exiger le prix qu'il veut.

Mais le plus frustrant, c'est que les tarifs ne sont pas affichés sur les téléphones publics, si bien que les consommateurs se font attraper les uns après les autres.

Comble de malheur, les consommateurs piégés ont peu de recours. Le CRTC leur répond qu'il ne réglemente plus le secteur. Et le Commissaire aux plaintes relatives aux services de télécommunication (CPRST) répond qu'il ne touche pas aux cabines téléphoniques, en vertu d'une exclusion dans son code de procédure, rapporte Sophy Lambert-Racine, analyste en télécommunications à l'Union des consommateurs.

Pour annuler ou réduire leur facture, les consommateurs doivent donc se battre avec WiMacTel.

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Rien ne va plus. En décembre dernier, le Centre pour la défense de l'intérêt public (PIAC) s'est plaint auprès du CRTC, dans un mémoire de près de 20 pages. Le CRTC a demandé des explications additionnelles au PIAC et à Bell qui ont jusqu'à cette semaine pour répliquer.

Bell dira que les revenus des téléphones publics ont fondu avec l'arrivée des téléphones cellulaires, et qu'il n'y a pas d'autres choix que d'augmenter les tarifs pour continuer à entretenir le réseau. Autrement, les cabines risquent de disparaître.

Cela ne serait pas une bonne nouvelle pour les Canadiens qui n'ont pas de téléphone mobile, par choix ou parce qu'ils n'en ont carrément pas les moyens. Pour eux, les téléphones publics demeurent un service de dépannage important.

Devrait-on réglementer à nouveau ce service de base pour la population? Cela permettrait d'éviter que des personnes vulnérables aient à payer un prix exorbitant pour un appel d'urgence. C'est à voir.

Chose certaine, le CRTC devrait minimalement s'assurer que les tarifs soient clairement indiqués sur tous les téléphones publics.

Au moins, les Canadiens peuvent espérer que le CRTC leur prêtera une oreille attentive, car le nouveau président Jean-Pierre Blais a démontré à plusieurs reprises, depuis sa nomination en 2012, qu'il avait à coeur l'intérêt des consommateurs.

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En attendant, voici quelques trucs pour ne pas vous faire pincer par une cabine téléphonique:

- Gardez de la monnaie dans vos poches et payez en argent. C'est le moyen le plus sûr d'éviter les mauvaises surprises.

- Si vous devez payer avec votre carte de crédit, vérifiez les frais avant de passer l'appel. Souvent, le seul moyen de connaître le tarif est d'écouter jusqu'à la fin le message vocal lorsque vous décrochez l'appareil.

- Idéalement, conservez une carte d'appels interurbains dans votre portefeuille. Sachez que depuis 2009, ces cartes ne peuvent plus comporter de date d'expiration ou de frais d'utilisation autres que le tarif normal, en vertu de la Loi sur la protection du consommateur.

- Méfiez-vous aussi à l'étranger. Pour éviter que vos appels ne vous coûtent un bras, apportez une carte d'appels d'une compagnie canadienne (Bell, Telus, etc.) que vous pourrez utiliser en composant le numéro de Canada Direct (https://infocanadadirect.com).

Pour joindre notre chroniqueuse: sgrammond@lapresse.ca