La poussière est retombée très vite sur l'affaire «Éric contre Lola». Mais le débat sur les conjoints de fait reste à faire. D'ici quelques semaines, le ministre de la Justice doit justement mettre sur pied un comité qui reverra de fond en comble les règles entourant le droit familial au Québec.

Inutile de se mettre la tête dans le sable, le cadre juridique qui date d'il y a 30 ans est désuet. Rapiécé au fil des ans, il ne reflète plus la réalité des familles québécoises. Aujourd'hui, 38% des couples vivent en union de fait. Et 60% des enfants naissent de parents qui ne sont pas mariés.

En cas de rupture ou de décès, ces familles ne sont pas protégées. Mais beaucoup n'en savent rien, comme le démontre un sondage dévoilé cette semaine par la Chambre des notaires.

Il est troublant de constater que le quart des répondants pensent qu'ils hériteront automatiquement des biens de leur conjoint de fait, même s'ils n'ont pas fait de testament. Grave erreur! En cas de décès, c'est comme si votre conjoint de fait n'avait jamais existé, même si vous étiez ensemble depuis de longues années, et même si vous avez plusieurs enfants.

Aussi, la majorité ignore qu'un conjoint de fait qui se retrouve sans le sou après une rupture n'a pas le droit de demander une pension alimentaire à son ex. C'est pourtant ce qu'est venue confirmer la Cour suprême, en janvier dernier.

Pire: les deux tiers des gens croient qu'en cas de rupture, tous les biens acquis durant la vie commune seront séparés à parts égales entre les conjoints de fait. C'est absolument faux! Lors d'une séparation, chacun s'en va avec ses propres biens. Si vous n'êtes pas propriétaire de la maison, votre conjoint peut vous mettre à la porte du jour au lendemain.

Avec autant de mauvaises réponses, il n'est pas étonnant que 40% des conjoints de fait avouent se sentir mal préparés pour faire face à une éventuelle séparation. D'ailleurs, seulement 20% ont un contrat de vie commune, soit la même proportion qu'en 2007, lors de la première édition du sondage.

Comment se fait-il qu'après l'affaire ultramédiatisée d'Éric et Lola, les conjoints de fait ne soient pas plus au courant? Le grand public s'est peut-être seulement intéressé au caractère jet-set du litige, sans vraiment comprendre la portée de l'affaire sur leur propre couple...

En tout cas, le sondage prouve qu'il reste énormément d'éducation à faire. C'est pourquoi la Chambre des notaires a lancé un nouveau site web (www.uniondefait.ca) pour déconstruire les mythes entourant les conjoints de fait et fournir des solutions pour mieux se protéger.

Mais les campagnes de sensibilisation ont leurs limites. Si l'affaire d'Éric et Lola n'a pas réussi à convaincre les Québécois de prendre leurs affaires en main, je me demande bien ce qu'il faudra pour les alerter!

Québec a toujours préféré laisser le libre choix aux conjoints de fait, plutôt que de leur imposer les mêmes règles qu'aux couples mariés. Mais si les conjoints de fait sont mal informés et se croient protégés à tort, peut-on vraiment parler de libre choix?

Ce n'est pas parce que la Cour suprême a préféré ne pas s'en mêler que Québec doit maintenir le statu quo. Au contraire, bien des questions se posent et c'est maintenant à l'Assemblée nationale d'y répondre.

En cas de séparation, les conjoints de fait devraient-ils avoir le droit de demander une pension alimentaire, comme c'est le cas dans toutes les autres provinces canadiennes? Il semble plutôt naturel qu'un conjoint plus fortuné ne laisse pas son ex dans la misère après une séparation.

Devrait-on rehausser la grille des pensions alimentaires pour les enfants? Au Québec, les montants sont moins élevés qu'ailleurs au Canada, ce qui fait que les conjoints qui ont la charge de leurs enfants ne vivent pas grassement si on se limite à ces montants.

Et le partage du patrimoine familial? Devrait-on l'imposer aux conjoints de fait comme la Colombie-Britannique vient de le faire cette semaine? Un tel cadre serait probablement trop rigide pour les couples formés sur le tard qui ont déjà leur famille et leur autonomie financière.

Mais peut-être serait-il plus simple de faire table rase et de revoir la notion de couple... Quand des conjoints de fait décident d'avoir des enfants ensemble, leur engagement est certainement aussi fort que lorsque deux personnes se marient.

Et c'est après la naissance des enfants qu'un conjoint risque de se retrouver dans une situation de vulnérabilité financière s'il décide de mettre sa carrière en veilleuse pour s'occuper de la famille.

On pourrait donc offrir les mêmes protections à tous les couples qui ont des enfants, qu'ils soient mariés ou non.

Les autres couples pourraient être soumis au même régime matrimonial, tout en ayant le droit de s'en retirer, comme cela se fait au Manitoba et en Saskatchewan. Ce serait une façon de ménager la chèvre et le chou, en protégeant les couples par défaut, mais en laissant aux conjoints de fait la liberté de s'exclure... en toute connaissance de cause.