Pour une fois que les banques se lancent dans une guerre de prix, il faut que le ministre des Finances vienne interrompre la fête!

Hier, Jim Flaherty a admis avoir fait des pressions sur Manuvie qui venait de réduire son taux à 2,89% pour une hypothèque fermée de cinq ans. Le plus important assureur au pays a vite compris le message: il a mis fin à sa campagne publicitaire et il a remonté son taux à 3,09%. Tant pis pour la clientèle.

Il y a quelques jours, M. Flaherty avait aussi froncé les sourcils en voyant le taux promotionnel de 2,99% pour cinq ans annoncé par la Banque de Montréal. Malgré les pressions politiques, la banque a maintenu son taux.

À quoi riment ces interventions du ministre dans les affaires des banques? Pourquoi cibler Manuvie et la Banque de Montréal? Plusieurs banques consentent des taux aussi bas depuis déjà quelques semaines, même si elles ne le disent pas trop fort. En général, leur taux affiché est au moins 2% plus élevé que le «vrai» taux que les clients sont capables d'obtenir. Une pratique assez frustrante merci.

Pas plus tard qu'hier, un bon client pouvait obtenir un prêt de cinq ans fermé à 2,90% en négociant ferme avec sa banque, même si le taux affiché est autour de 5,15%.

Même si on parle de taux hypothécaires historiquement bas, un taux de 2,89% ou de 2,99% n'a donc rien d'exceptionnel par les temps qui courent. Certains courtiers hypothécaires affichent même un taux hypothécaire encore plus fracassant: 2,84% pour cinq ans. Et sur 10 ans, vous aurez 3,69%.

Multi-Prêts n'en fait pas un mystère: il l'affiche très clairement sur son site web et même sur des panneaux réclames devant ses bureaux. En fournissant l'information sur les taux, les courtiers permettent d'ailleurs aux propriétaires d'avoir l'heure juste... et de mieux négocier leur prêt hypothécaire.

Ottawa préfère-t-il que les banques continuent d'afficher des taux gonflés qui donnent du fil à retordre aux consommateurs? J'espère que non. Si les banques peuvent accorder des rabais, autant que tout le monde le sache.

D'accord, Ottawa veut éviter que les ménages canadiens contractent trop de dettes, puis se retrouvent écrasés lorsque les taux d'intérêt remonteront. Avec un taux d'endettement de 166%, les Canadiens n'ont jamais été autant dans le rouge, même si la croissance du crédit a diminué dernièrement. Un bon signe.

Le ministre des Finances veut aussi éviter que des taux d'intérêt extrêmement faibles provoquent de la surchauffe sur le marché immobilier et qu'un jour, le Canada se retrouve avec une dangereuse bulle. Cela est très compréhensible.

Mais Ottawa a le pouvoir de réglementer l'industrie s'il juge nécessaire d'assainir les pratiques bancaires. Le gouvernement ne s'en est d'ailleurs pas privé. Il a resserré à quatre reprises les règles entourant les prêts hypothécaires, réduisant la période d'amortissement maximale d'un prêt de 40 ans à 25 ans, par exemple.

Sa dernière offensive, en juillet, semble avoir porté ses fruits. En février dernier, le prix des maisons a baissé pour le sixième mois de suite, selon l'indice Teranet Banque Nationale, publié hier.

Alors, pourquoi s'immiscer dans les règles du libre marché? Pourquoi saper le jeu de la concurrence entre les prêteurs hypothécaires? La plupart du temps, les grandes banques canadiennes qui sont presque un oligopole ont des grilles tarifaires quasi identiques. On dirait qu'elles font du copier-coller!

Quand certaines se lancent dans une guerre des prix, il faut les laisser se battre un peu. Aux dernières nouvelles, elles font encore beaucoup de profits.