Cette année, les étudiants auront le beurre et l'argent du beurre. D'une part, le gouvernement péquiste a annulé l'augmentation des droits de scolarité. Mais d'autre part, il a maintenu la bonification du programme de prêts et bourses, prévue pour aider les étudiants à encaisser la hausse des droits.

Par un curieux revirement de situation, Québec se retrouve donc à diminuer le coût des études postsecondaires, alors qu'il cherchait plutôt à les augmenter.

Mais cela ne va pas durer. On sait déjà que la bonification disparaîtra l'an prochain. Sauf qu'il y aurait une autre façon d'avoir le beurre et l'argent du beurre. Il suffirait de jouer avec les crédits d'impôt pour récupérer des millions dans les coffres d'Ottawa.

Mais d'abord et avant tout, récapitulons la saga...

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Dans son budget 2011, le gouvernement Charest annonce une hausse des droits de scolarité. À partir de l'automne 2012, les droits doivent grimper de 325$ par année, pendant cinq ans. Dès le départ, le tiers de la hausse des droits doit servir à bonifier le régime de prêts et bourses, pour ne pas trop nuire à l'accessibilité.

Mais en avril 2012, le printemps érable bat son plein. Pour calmer le concert de casseroles, les libéraux décident d'étaler sur sept ans la hausse des droits, ce qui adoucit l'augmentation à 254$ par année. En même temps, Québec annonce une nouvelle bonification des prêts et bourses. Mais ces largesses doivent être financées par les étudiants eux-mêmes, car Québec compte réduire de 20% à 16,5% son crédit d'impôt pour droits de scolarité.

Mais en septembre, les plans changent avec l'arrivée au pouvoir du Parti québécois. Fraîchement élue, Pauline Marois annule la hausse des droits qui devait s'appliquer à partir de la session d'automne. Cependant, elle maintient toutes les mesures de bonification de l'aide financière, pour 2012-2013 seulement.

De plus, les étudiants qui s'apprêtent à faire leur déclaration de revenus pour l'année d'imposition 2012 vont conserver le «gros» crédit d'impôt, à 20%.

Et de son côté, Ottawa a annoncé que son crédit d'impôt qui est établi en fonction du nombre de mois d'études ne sera pas réduit pour les étudiants québécois dont la session d'hiver 2012 a été écourtée à cause de la grève.

Bref, les étudiants sont gagnants sur toute la ligne cette année.

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En regardant de près la fiscalité et les prêts et bourses, on réalise qu'on est tout près de la gratuité scolaire au Québec.

Les étudiants qui font bien leurs déclarations de revenus peuvent effacer une très grande partie de leurs droits de scolarité. Par exemple, un étudiant de 19 ans qui a gagné 10 000$ en travaillant à temps partiel recevra 2258$ du fisc, davantage que ses droits de scolarité qui s'élèvent à 2168$.

Le hic, c'est que cet argent n'est pas accessible sur-le-champ, parce qu'il s'agit de crédits d'impôt «non remboursables». Pour profiter de ces économies d'impôt, les étudiants doivent souvent attendre d'être sur le marché du travail. Or, c'est durant leurs études qu'ils ont le plus besoin de l'argent.

Pour favoriser l'accessibilité aux études, la formule actuelle du crédit d'impôt n'est donc pas optimale. Voilà pourquoi certains parlent d'abolir le crédit provincial pour injecter l'argent directement dans le système d'éducation. On parle de près de 150 millions de dollars par année qui pourraient améliorer le financement des universités ou atténuer la hausse des droits.

Mais en gardant les droits de scolarité le plus bas possible, Québec se tire dans le pied. On se prive des millions d'Ottawa.

Comme le crédit d'impôt fédéral est calculé en fonction du montant des droits de scolarité, les étudiants québécois reçoivent moins d'argent puisque leurs études postsecondaires coûtent moins cher qu'ailleurs au Canada.

Même s'ils représentent 24% des déclarants, les Québécois touchent seulement 19% des crédits réclamés pour les droits de scolarité au Canada, souligne Luc Godbout, professeur de fiscalité à l'Université de Sherbrooke.

En relevant les droits de scolarité vers la moyenne canadienne, les familles québécoises iraient chercher environ 100 millions de plus d'Ottawa. Remarquez que Québec pourrait ensuite compenser la hausse par la bande.

Comment? En augmentant le crédit d'impôt provincial. En outre, on pourrait rendre ce crédit «remboursable» pour que les étudiants ne soient pas obligés d'attendre d'être sur le marché du travail pour en profiter. On pourrait même leur avancer l'argent, en versant le crédit mensuellement, pour que les étudiants n'aient pas à attendre de faire leur déclaration de revenus pour toucher l'argent.

D'ailleurs, Québec a déjà mis en place une formule de ce genre pour aider les parents qui inscrivent leurs enfants dans une garderie non subventionnée à en payer les coûts élevés.

Bien sûr, cette mécanique est un peu plus complexe. Mais de cette façon, les étudiants auraient vraiment le beurre (l'argent d'Ottawa) et l'argent du beurre (pas de hausse des droits de scolarité). Pensons-y...