Àvoir les taux d'intérêt en ce moment, on dirait que les épargnants sont en punition. Avec un taux inférieur à 2% sur 10 ans, le rendement des obligations gouvernementales est carrément négatif, quand on soustrait l'inflation. À ce compte, votre pouvoir d'achat s'érodera sur 10 ans, c'est garanti.

Mais les investisseurs ont eu si peur à la Bourse au cours de la dernière décennie, et je les comprends, qu'ils sont prêts à payer pour mettre leur argent à l'abri. Depuis 2009, les particuliers ont injecté des sommes faramineuses dans les fonds d'obligations, en même temps qu'ils retiraient leurs billes des fonds d'actions.

Sauf que les fonds d'obligations sont moins sûrs qu'on pense. Ils pourraient perdre de 5 à 10% que je ne serais pas surprise. C'est d'ailleurs ce que la majorité des stratèges nous prédit depuis plusieurs années... à tort!

Depuis cinq ans, les obligations canadiennes ont livré un rendement de 6% par année (Dex Univers), tandis que la Bourse de Toronto a fait du surplace avec un rendement de 0,8% (S&P/TSX incluant les dividendes). Pour une fois, le réflexe des petits investisseurs aura été payant.

Mais un jour, les stratèges finiront par avoir raison. Et les épargnants qui n'ont pas fait leurs devoirs auront une fâcheuse surprise.

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Il faut comprendre que la valeur des obligations n'est pas coulée dans le béton. Contrairement aux placements garantis vendus à la banque, les obligations émises par les gouvernements et les sociétés fluctuent dans le temps, même si leur valeur reste garantie à l'échéance.

Quand les taux d'intérêt baissent, la valeur des obligations augmente, et vice versa. Normal: si les taux ont fondu, on sera prêt à payer une prime pour racheter vos anciennes obligations émises à un taux plus élevé.

Avec la dégringolade des taux depuis 25 ans, les détenteurs d'obligations ont donc été bénis des dieux. Les obligations canadiennes ont fait autant que les actions, soit 8% par année, mais avec trois fois moins de volatilité, constate Martin Lefebvre, stratège à la Banque Nationale.

Mais c'est loin d'être la norme. Depuis 140 ans, les actions ont fait deux fois mieux que les obligations, fait ressortir Addenda Capital dans une série d'articles sur les rendements des marchés financiers 1.

Aujourd'hui, les obligations paraissent plus désavantageuses que jamais. Elles ne versent pratiquement rien en intérêts, et comme les taux sont déjà au plancher, leur potentiel de gain est très limité.

Par contre, si les taux d'intérêt remontent à un niveau plus normal, les obligations perdront des plumes, ce que toute une génération d'investisseurs n'a jamais connu. Cela fait presque 20 ans que les obligations n'ont pas subi une véritable année de revers. C'était en 1994. Les obligations du gouvernement canadien avaient perdu près de 5%. Qui s'en souvient?

Alors que le pire de la crise financière est derrière nous et que l'immobilier résidentiel reprend vie aux États-Unis, il n'y a pas de raison pour que les taux d'intérêt restent éternellement bas comme au Japon. «Sur un horizon de cinq ans, on va finir par avoir raison!», lance M. Lefebvre.

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«Est-ce que je risque de me retrouver avec tous mes fonds d'obligations dévalués?», me demande une lectrice. C'est bien possible. Les fonds communs et des fonds négociés en Bourse qui contiennent des obligations ne sont pas garantis. Leur valeur peut baisser. On l'a vu en janvier dernier (-0,7%).

Si vous avez besoin de votre argent à court terme, il vaudrait mieux le transférer dans un compte à intérêts élevés.

Mais autrement, ne lancez pas vos fonds d'obligations par-dessus bord. Il faut des revenus fixes pour assurer une saine diversification dans son portefeuille. En général, on dit que le pourcentage de titres à revenus fixes doit équivaloir à l'âge de l'investisseur. Par exemple, si vous avez 65 ans, vous gardez environ 65% en obligations. Mais on peut varier la dose, selon la conjoncture et le profil de l'investisseur.

Pour contrer la remontée des taux d'intérêt, vous pouvez délaisser les obligations gouvernementales et éviter les titres qui ont une durée plus longue (plus de sept ans), car elles sont plus vulnérables à une remontée des taux.

Optez plutôt pour des obligations de sociétés. Comme elles sont plus risquées (car la société peut faire défaut), elles versent un taux d'intérêt plus élevé (6% pour des titres à rendement élevés américains). Cela vous donne un meilleur coussin si jamais la valeur des obligations baisse.

En outre, les obligations de sociétés devraient bénéficier de l'embellie, car le risque de défaut des sociétés émettrices diminue quand l'économie reprend de la vigueur.

Pour améliorer vos rendements, vous pouvez aussi vous tourner vers des obligations de pays émergents. Depuis deux ans, plusieurs fonds sont apparus dans cette catégorie. Les meilleurs ont rapporté de 16 à 18% l'an dernier (Excel Revenu élevé, Manuvie titres de créances de marchés émergents, iShares JPM EM Bond index, FINB BMO obligations marchés émergents).

Leur étoile pourrait briller encore, estime M. Lefebvre, notamment parce que les pays émergents sont dans une meilleure situation fiscale que les pays développés.

1 : Pour un petit cours d'histoire sur les marchés financiers et les périodes de répression financière comme celle que l'on traverse présentement, je vous conseille la lecture des trois articles d'Addenda Capital que vous trouverez à l'adresse suivante: www.addenda-capital.com/FR/publications.asp