Je plains les jeunes familles qui rêvent d'acheter leur première maison à Montréal pour y élever leurs enfants. Une maison avec un terrain où les petits pourraient jouer dehors. Pas trop loin du travail et de l'école primaire.

Autant les retraités qui vendent leurs maisons se sont considérablement enrichis grâce à l'explosion des prix depuis 10 ans, autant les jeunes familles qui convoitent ces maisons, aujourd'hui, devront se serrer la ceinture pour le restant de leurs jours.

Dans l'île de Montréal, les prix sont fous. Une maison unifamiliale coûte 385 000$. Dans bien des quartiers, il faut payer beaucoup plus. On parle d'un prix médian de 412 000$ à Saint-Léonard, de 421 000$ à Ahuntsic, de 968 000$ à Mont-Royal et de 1,2 million à Outremont. Ça donne le vertige!

Pour dénicher une maison plus abordable, il faut vraiment aller vers les extrémités de l'île. Du côté de Rivière-des-Prairies/Pointe-aux-Trembles, par exemple, le prix médian reste au-dessous de 300 000$. Mais c'est loin d'être l'idéal pour les transports en commun...

Malgré tout, la chambre immobilière du Grand Montréal (CIGM) soutient que les maisons sont plus abordables qu'on le pense. L'effort à fournir pour devenir propriétaire en 2012 ne serait pas plus grand qu'en 1980.

Surprenant, car le prix des maisons a augmenté deux fois plus vite que le revenu des familles. Aujourd'hui, une maison coûte 327 000$ (dans la région de Montréal), soit quatre fois plus que le revenu d'une famille moyenne qui gagne 83 000$. En 1980, le ratio n'était que de deux fois les revenus.

Mais comme les taux d'intérêt ont dégringolé de 15% à 5%, les paiements hypothécaires ne sont pas plus lourds qu'il y a 30 ans, estime Paul Cardinal, directeur de l'analyse du marché à la CIGM.

Peut-être... mais les jeunes familles montréalaises sont quand même prises avec une hypothèque de 300 000$. Avec de pareilles dettes, elles n'ont pas beaucoup de marge de manoeuvre en cas de perte d'emploi, de divorce, de hausse des taux d'intérêt... ou simplement de rénovations surprises parce que le toit coule.

Heureusement, il n'y a pas d'orage en vue, estime Hélène Bégin, économiste principale chez Desjardins. Le marché du travail est en santé. Et les taux d'intérêt ne devraient pas remonter d'ici 2014-2015.

Mais les changements apportés à l'assurance prêt hypothécaire, en juillet dernier, nous ont donné un avant-goût de ce qui pourrait se produire lorsque les taux d'intérêt, qui sont à un creux historique, remonteront.

Pour calmer l'immobilier, Ottawa a réduit de 30 à 25 ans la période d'amortissement maximale des nouveaux prêts hypothécaires. Cette modification équivaut à une hausse de taux d'intérêt de 0,8%, car les propriétaires qui doivent rembourser plus vite se retrouvent avec des mensualités plus élevées.

Après l'entrée en vigueur de cette règle, le marché immobilier a tourné au vinaigre, en particulier à Montréal, où plus du tiers des acheteurs (38%) amortissaient leur hypothèque sur 30 ans, selon un sondage Léger Marketing.

Le sondage démontre que les premiers acheteurs sont devenus plus frileux. Plusieurs devront faire une croix sur le rêve d'acheter une maison unifamiliale à Montréal, de plus en plus inaccessible pour la classe moyenne.

Certaines jeunes familles s'éloignent de la ville. À Sainte-Anne-des-Plaines, par exemple, on peut trouver une maison à moins de 200 000$. Quand tout va bien, il faut 40 minutes pour venir travailler à Montréal. Mais à l'heure de pointe, le trajet peut prendre uneheure quarante. Et pour éviter la congestion, il faut partir avant 5h. C'est un peu tôt pour déposer les enfants à la garderie!

D'autres familles paient plus cher pour rester à Montréal, quitte à sacrifier leur auto. En se passant de voiture, elles peuvent économiser beaucoup d'argent, car les coûts d'utilisation d'un véhicule neuf s'élèvent 10 000$ par année, en comptant l'assurance, l'entretien, le carburant, etc. De plus, l'automobile est un bien qui se déprécie vite, tandis que la maison prend normalement de la valeur avec le temps.

Malgré tout, plusieurs jeunes familles n'ont plus les moyens d'acheter dans l'île. En 2010, la Ville de Montréal a lancé un programme pour faciliter l'accès à la propriété. Mais pour avoir droit à l'aide financière (jusqu'à 12 500$) ainsi qu'au remboursement des droits de mutation, les familles doivent acheter une maison neuve de trois chambres à coucher dont le prix n'excède pas 310 000$.

Même dans les copropriétés, ça ne court pas les rues! Ce n'est pas avec une mesure comme celle-là qu'on empêchera l'exode des familles vers la banlieue.