Les concessionnaires automobiles prennent parfois de drôles de détours pour offrir des promotions à leurs clients.

Prenez Normand Cléroux : il voulait acheter une Mazda 3 Sport. Il s'est laissé convaincre par Élite Mazda, fraîchement installé à Gatineau. Le concessionnaire lui faisait un bon prix... et lui offrait deux billets d'avions gratuits. Wow!

Avant signer, M. Cléroux pose des questions sur cette étonnante promotion : Faut-il payer les taxes? Y a-t-il des restrictions? «Mais il était impossible d'avoir plus de détails», dit-il.

 

Pas plus de renseignement sur le site web d'Élite Mazda, où on peut lire : «Nous vous offrons deux (2) billets d'avions gratuitement pour toute destination de votre choix sur tout achat ou location d'une voiture neuve ou d'occasion.» Pas d'astérisque, pas de conditions en petits caractères.

Lors de la prise de possession de l'auto, M. Cléroux reçoit deux bons de voyage de FreeAirfare.ca. Sitôt à la maison, il consulte le site web. Surprise : pour avoir droit aux billets d'avion, il doit réserver l'hébergement dans un des hôtels désignés sur le site.

FreeAirfare assure que les réservations sont effectuées au prix régulier, qu'aucun profit supplémentaire n'est ajouté. Pour en avoir le coeur net, M. Cléroux décortique une destination précise, soit un séjour de deux semaines en Espagne et au Portugal, comprenant l'hôtel, le petit déjeuner et le souper, ainsi que le transport entre cinq villes.

Le forfait se détaille à partir de 169,50$ par jour, par personne, en occupation double. Pour deux, la facture s'élève à 4 746$. Les séjours ne sont disponibles qu'à certaines dates en octobre, novembre et mai.

Pour comparer les prix, M. Cléroux consulte des agences de voyage internet. Résultat : Il peut réserver les mêmes hôtels pour 1 394$ (pour deux personnes, en incluant seulement les petits déjeuners). Même en ajoutant les soupers et le transport, il est encore loin du prix exigé par FreeAirfare.

En fait, il y a facilement un écart de 2 000$... l'équivalent du coût des billets d'avions! «Ça me reviendrait moins cher d'acheter mes billets d'avions, de payer mon hébergement et de me louer une voiture», estime M. Cléroux.

Désabusé, il contacte le concessionnaire, qui le réfère à une représentante de FreeAirfare. La dame lui répond qu'il peut réserver l'hébergement lui-même, s'il est capable d'obtenir un meilleur prix. Mais pour obtenir les billets gratuits, il doit séjourner dans les mêmes hôtels.

«Tout ce que je voulais, c'est des billets d'avions, sans surprise et rien d'autre» déplore M. Cléroux. Comme cette formule ne lui plait pas, il retourne ses billets au concessionnaire en signe de protestation.

Il n'est pas le seul à se débarrasser de ses bons, également offerts par les magasins de meubles aux clients qui font de gros achats (ex : 3000$). Selon FreeAirfare, plus de la moitié des récipiendaires ne les utilisent pas. Certains tentent de les revendre aux enchères ou sur des sites de petites annonces sur l'internet.

M. Cléroux se demande s'il a été victime d'une publicité trompeuse, une pratique interdite par la Loi sur la protection du consommateur dont l'article 233 stipule qu'aucun commerçant ne peut offrir un cadeau sans en divulguer clairement toutes les conditions et modalités d'obtention.

Élite Mazda avoue que la promotion a peut-être été mal expliquée aux clients, mais affirme qu'il s'agit d'un vrai cadeau.

«Oui, les billets sont gratuits», insiste Misko Simoncic, directeur général d'Élite Mazda. «C'est un cadeau que la majorité des clients sont contents de recevoir. Je réalise que pour lui (M. Cléroux) ce n'est pas nécessairement l'idéal. Mais il y a vraiment une valeur», ajoute-t-il.

Le concessionnaire qui mise sur une atmosphère «cinq étoiles», avec salon de coiffure spa, salle d'entraînement physique et café internet, souhaite que les transactions soient positives, afin que les clients reviennent pour l'entretien de leur véhicule.

Il jure que ses prix de vente de ses autos sont très concurrentiels, avec ou sans billets d'avions. Compte tenu du prix payé par M. Cléroux, le concessionnaire a dégagé une marge bénéficiaire d'environ 600$ (sans compter les frais de transport), évalue George Iny, président de l'Association pour la protection des automobilistes (APA). «C'est un prix très intéressant», confirme-t-il.

Mais alors comment le concessionnaire peut-il offrir deux billets d'avions? Combien valent ces fameux billets?

«Pour les concessionnaires, les coûts de ces promotions excèdent rarement 325$», répond M. Iny. Immanquablement, l'acheteur doit payer une partie du voyage (l'hébergement lorsqu'on offre les billets d'avions, ou l'avion quand il s'agit d'une croisière).

Si ce n'est pas le concessionnaire qui défraie le coût des billets, comment peuvent-ils être gratuits?

FreeAirfare explique qu'elle négocie des prix très bas avec des hôtels, grâce au volume. C'est ce qui lui permet d'offrir les billets d'avion.

«Si le client obtient une soumission pour le même hôtel, à la même date, on applique la politique du meilleur prix. Mais dans certains cas, on est moins cher qu'Expedia... et en plus on offre les billets», assure David Filteau, vice-président de FreeAirfare.

Le commerçant paie toujours le même prix pour le bon. Le voyageur peut choisir n'importe quelle destination dans le monde. Plus il va loin, plus il doit rester longtemps à l'hôtel (ex : 13 nuitées pour l'Europe, versus cinq pour Las Vegas). Voilà comment se paient les billets. Gratuit?

 

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Le produit : Deux billets d'avions gratuits à l'achat d'une Mazda 3

Le hic : Pour obtenir les billets, il faut payer l'hébergement avec FreeAirfare.ca

«Ça me reviendrait moins cher d'acheter mes billets d'avions, de payer mon hébergement et de me louer une voiture» - Normand Cléroux

Au bout du compte : Le concessionnaire ne verse pas plus de 300$ pour la promotion. FreeAirfare affirme qu'elle peut offrir les billets gratuitement, car elle négocie des tarifs hôteliers très bas, grâce au volume.