Tandis que les constitutionnalistes se perdent en conjectures sur l'avenir du gouvernement fédéral, les fiscalistes, eux, peuvent aller de l'avant.

Les mesures fiscales dévoilées dans l'énoncé économique du gouvernement Harper, la semaine dernière, sont déjà en vigueur. Cet énoncé est justement l'étincelle qui a mis le feu aux poudres à Ottawa et qui provoqué la fermeture du Parlement jusqu'au 26 janvier, avant même son adoption.

 

Mais peu importe.

«La tradition veut que les mesures fiscales soient appliquées immédiatement après leur annonce, même si elles n'ont pas encore été adoptées», explique Sébastien Grammond, doyen par intérim de la faculté de droit, section droit civil, de l'Université d'Ottawa.

Quoique inhabituelle, une situation semblable s'est déjà produite à Québec. Au lendemain du budget déposé par la ministre des Finances Monique Jérôme-Forget, en mai 2007, tout indiquait que l'opposition allait voter contre. Néanmoins, les mesures annoncées étaient déjà en vigueur, avait alors confirmé un sous-ministre adjoint.

Il en va de même à Ottawa. Même si le Parlement a été prorogé, la réduction des retraits des Fonds enregistrées de revenus de retraite (FERR) est bel et bien en vigueur.

«La proposition a été incluse dans un avis de motion de voies et moyens déposé à la Chambre des communes, le vendredi 28 novembre 2008», a confirmé à La Presse Affaires un représentant du ministère des Finances, vendredi en fin de journée.

Grâce à cette procédure, l'Agence du revenu du Canada (ARC) permet aux contribuables d'agir en se basant sur l'hypothèse que la législation nécessaire à la mise en oeuvre de la mesures sera adoptée.

L'ARC a avisé les institutions financières qu'elles peuvent d'ores et déjà administrer les changements proposés au FERR.

Toutefois, l'éventuelle adoption de la mesure par le Parlement reste primordiale. Si au bout du compte, le changement n'est pas adopté, le contribuable est «susceptible de demeurer assujetti aux effets de la loi actuelle», a expliqué le ministère des Finances.

Mais dans la mesure ou un contribuable a agi de bonne foi en se basant sur un projet de loi qui, par la suite, n'a pas été adopté, l'ARC ne les pénalisera pas. Il se pourrait cependant que le contribuable ait à agir promptement pour se conformer à la loi, dit le ministère.

Les nouvelles règles

Voici donc les nouvelles du FERR.

Rappelons tout d'abord que les travailleurs qui ont accumulé des épargnes dans un Régime enregistré d'épargne retraite (REER) au cours de leur vie active, doivent le convertir en Fonds enregistré de revenus de retraite (FERR) au plus tard le 31 décembre de l'année où ils atteignent 71 ans.

Dès l'année suivante, ils doivent procéder à un retrait minimal qui s'ajoute à leurs revenus imposables. Le retrait est calculé en pourcentage du montant contenu dans le FERR au début de l'année.

Actuellement, le pourcentage varie de 7,38% à 72 ans jusqu'à 20% à partir de 94 ans.

Ces ponctions sont particulièrement douloureuses cette année, car les retraités ont été écorchés par la dégringolade des Bourses.

Plusieurs réclamaient un moratoire sur les retraits du FERR, question de laisser leur portefeuille se relever un peu.

C'est pourquoi le gouvernement a proposé dans son énoncé économique de réduire de 25% le montant du retrait minimum d'un FERR requis en 2008. Par exemple, un retraité pourrait retirer seulement 6% au lieu de 8%.

«La réduction de 25% vise à atténuer les conséquences de la détérioration exceptionnelle des conditions du marché observée au cours des trois derniers mois sur les portefeuilles de retraite des aînés», explique le ministère des Finances dans un document explicatif disponible sur son site web (www.fin.gc.ca/fin-fra.html).

Les détenteurs qui ont déjà fait leur retrait pour 2008, «pourront verser de nouveau l'excédent dans leur FERR (jusqu'à concurrence du montant de la réduction prévue par cette mesure), au plus tard le 1er mars 2009 ou, s'il est postérieur, le jour qui suit de 30 jours l'adoption de cette proposition.

Les sommes ainsi versées de nouveau seront déductibles pour l'année d'imposition 2008», peut-on lire.

Autrement dit, les retraités pourront dépasser l'habituelle date butoir du 31 janvier, sans conséquence fiscale.