Avec le 31 décembre qui approche, les retraités qui possèdent un fonds enregistré de revenus de retraite (FERR) devront se résoudre à retirer le minimum requis par la loi.

Cette année, l'exercice sera douloureux. Plusieurs seront forcés de liquider des titres à perte, à cause de la sévère correction boursière. En cristallisant leurs pertes, les retraités se privent d'un éventuel rebond qui pourrait remettre leur portefeuille sur les rails.

 

À ce rythme, beaucoup de retraités craignent d'épuiser leurs épargnes trop rapidement. La pression monte pour que le fédéral change les règles.

Dans son énoncé économique du début de novembre, la ministre des Finances du Québec, Monique Jérôme-Forget, a proposé au gouvernement fédéral de repousser l'âge limite de conversion du REER en FERR de 71 à 73 ans, une mesure qui aiderait les retraités à passer à travers la crise financière.

Présentement, tous les travailleurs qui ont cotisé durant leur vie active à leur régime enregistré d'épargne-retraite (REER), doivent le convertir en FERR à 71 ans. Leurs épargnes continuent de fructifier à l'abri de l'impôt dans le FERR, qui est cependant soumis à des retraits annuels minimums sur lequels il faut payer de l'impôt.

La limite d'âge de conversion avait été repoussée de 69 à 71 ans, lors du budget fédéral en 2007. Un autre décalage serait apprécié des jeunes retraités, mais il ne changerait rien pour tous ceux qui ont plus de 73 ans.

La vente à perte

«On ne songe à aucune mesure pour les personnes comme moi qui demeurent obligées de puiser dans leur fonds de retraite, même si cette démarche les oblige à vendre à perte des placements», dénonce Rodrigue Johnson, un retraité de Sherbrooke.

Selon l'homme de 78 ans, le gouvernement fédéral devrait établir un moratoire de deux ans sur les retraits du FERR, le temps que la crise financière s'estompe. À son avis, «c'est une question d'équité sociale.»

Sa demande fait écho à celle de groupes de pression qui militent pour la réduction ou l'abolition du pourcentage de retrait minimal du FERR. Il y a quelques jours, le CARP, un organisme de défense des retraités, a écrit à Ottawa pour réclamer un tel moratoire.

Le CARP souligne que la situation est particulièrement difficile puisque le retrait minimal est établi en pourcentage de la valeur du FERR au début de l'année. La baisse précitée des valeurs boursières durant l'année amplifie donc le pourcentage du retrait, pour ceux qui n'ont pas encore vendu.

«Cela fait en sorte que les épargnes s'épuisent à un rythme alarmant. Les retraités qui regardent leurs épargnes disparaître sous leurs yeux n'en sont que plus anxieux», constate Susan Eng, vice-présidente du CARP, qui a reçu de nombreuses lettres de retraités inquiets ces derniers mois.

De son côté, l'Institut CD Howe fait remarquer que les pourcentages de retrait minimum n'ont pas été revus depuis le début des années 90. Depuis, l'espérance de vie a progressé et les attentes de rendement ont diminué. Avec les règles actuelles, les retraités risquent d'éroder leurs épargnes trop vite, concluait l'Institut dans une étude publiée en juillet dernier. CD Howe prône donc la réduction des retraits minimum, voire leur abolition pure et simple.

Quelques solutions

Mais les groupes de pression ont beau s'activer, cela ne changera rien pour 2008. «La règle du calcul du retrait minimum du FERR est là. Elle est inévitable. On ne peut pas la contourner», insiste Natalie Hotte, fiscaliste à la Financière Banque Nationale.

Rappelons les grandes lignes: Tous les Canadiens qui souffleront 71 bougies d'ici au 31 décembre prochain doivent convertir leur REER en FERR cette année. Dès l'année suivant la conversion en FERR, il doivent faire un retrait annuel minimal. À 71 ans, le minimum à retirer s'établit à 7,38% de l'actif du FEER. Ce pourcentage grimpe graduellement, il dépasse 10% à 85 ans et 20% à 94 ans.

Personne n'échappe à la règle... sauf une exception. Cette année, tous les détenteurs de FERR de 71 ans ont congé! Ils sont visés par les règles transitoires adoptées lorsque l'âge de conversion a été repoussé de 69 à 71 ans. En fait, le fédéral a dispensé de retrait les gens qui avaient déjà été forcés de convertir leur REER en FERR. Les règles transitoires voulaient éviter que ceux-ci reconvertissent massivement leur FERR en REER.

Une autre façon de réduire les retraits est d'utiliser l'âge du conjoint (s'il est plus jeune) pour calculer le pourcentage minimal. Mais il faut faire ce choix au moment de la conversion du REER en FERR. Ensuite, il est trop tard.

Mais, selon Mme Hotte, la meilleure façon de s'assurer de ne pas avoir à vendre des actifs à perte reste de planifier les liquidités à long terme dans son FERR. En gardant assez d'argent pour effecturer des retraits pendant quelques années, les retraités ne seront pas forcés de vendre des actions à perte.

Les investisseurs qui veulent conserver leurs titres pour profiter d'un éventuel rebond boursier peuvent le faire. Ils n'ont qu'à retirer les titres de leur FERR, sans les vendre, pour les déposer dans un compte non enregistré.

Sentant la soupe chaude, le ministre des Finances, Jim Flaherty, a d'ailleurs pris la peine d'écrire aux institutions financières, jeudi dernier, pour exiger qu'elles laissent leurs clients procéder à un transfert d'actif «en nature» sans commission ou autres frais (ce que plusieurs font déjà, soit dit en passant).

Sauf qu'un retrait «en nature» ne modifie en rien l'impact fiscal. Les retraités doivent payer l'impôt sur les actions retirées de leur FERR.

S'ils n'ont pas d'argent à l'extérieur de leur FERR pour payer cet impôt, ils devront vendre plus de titres dans leur FEER pour payer le fisc... et donc cristalliser leur perte.