Frappé par les effets de la crise du crédit, le marché des hypothèques à taux variable a fait un tête-à-queue.

Il y a deux semaines encore, les propriétaires pouvaient obtenir une hypothèque à taux variable, avec un taux 1% en dessous du taux préférentiel des banques. En quelques jours, le marché a viré du tout au tout. Désormais, les banques exigent un taux supérieur à leur taux préférentiel, ce qui est tout à fait hors du commun.

«Aujourd'hui, c'est «0,25%, «0,5% ou «1%», constate Lorraine Trudeau, directrice du centre de prêts pour le courtier hypothécaire Multi-Prêts. En plus de 20 ans de carrière, elle ne se souvient pas avoir déjà vu des taux variables au-dessus du taux préférentiel.

 

Le taux préférentiel, présentement à 4,25%, est le taux que les banques accordent à leurs meilleurs clients. Les paiements d'intérêt sur les hypothèques à taux variables ainsi que sur les marges de crédit, fluctuent en fonction de ce taux.

Les changements récents impliquent que tous ceux qui veulent signer une nouvelle hypothèque à taux variable devront verser jusqu'à 5,25% d'intérêt.

Par contre, les modifications n'affectent pas ceux qui ont déjà une hypothèque à taux variable. Ils continueront de payer un taux inférieur au taux préférentiel, aussi bas que 3,25%, jusqu'à l'échéance de leur contrat. Les chanceux! Trop chanceux aux yeux de certains prêteurs...

Les banques déficitaires

Ces derniers jours, des institutions financières auraient incité leurs clients à abandonner leur taux variable.

«Nous avons appris que plusieurs banques tentent de convaincre des propriétaires qui ont une hypothèque à taux variable de fixer leur taux d'intérêt», écrit sur son site web Don Bayer, président du courtier hypothécaire ontarien Mortgage Monster.

C'est que les prêteurs hypothécaires perdent carrément de l'argent avec les taux variables.

D'ailleurs, c'est une des raisons pour lesquelles les banques n'ont pas toutes suivi la baisse de taux de 50 points centésimaux décrétée par la Banque du Canada, il y a deux semaines.

Sur le coup, les banques ont refilé seulement la moitié de cette baisse aux consommateurs, en abaissant leur taux préférentiel de 4,75% à 4,5%. Dans les jours suivants, la plupart se sont ajustées et ont réduit leur taux à 4,25%. Mais pas toutes: la Banque TD et la Banque CIBC sont encore à 4,35%.

«Il est très rare que les institutions financières n'aient pas toutes le même taux privilégié», note Mme Trudeau. Un autre signe du dérèglement du marché du crédit.

La crise du crédit a fait grimper le coût du capital pour les banques à environ 4,25%. «Notre coût de financement est très près du taux préférentiel», explique Marc-André Chouinard, chef de produit solutions hypothécaires à la Banque Nationale. Et à cela, les banques doivent ajouter leurs autres coûts d'exploitation.

C'est pour cette raison que la Banque Nationale a suivi le reste de l'industrie, et a relevé son taux variable 1% au-dessus du taux préférentiel, la semaine dernière. «On espère que ce soit une situation temporaire. Mais tout dépend des conditions du marché», dit M. Chouinard.

Que faire?

Comment les consommateurs doivent-ils réagir? «Si j'avais une hypothèque avec un taux en dessous du taux préférentiel, je la garderais. C'est très avantageux», affirme sans hésitation Mme Trudeau. Mais avec les taux variables, la question est toujours la même: Êtes-vous capables de vivre avec une hausse potentielle des taux?

Par contre, pour ceux qui magasinent présentement une hypothèque, les taux variables sont soudainement devenus beaucoup moins attrayants. Au mieux, le client obtiendra le taux privilégié, soit 4,25%. Au pire, il devra payer 5,25%.

Rare exception dans le marché: Desjardins offrait toujours la semaine dernière, une hypothèque à taux variable à 1% en dessous du taux préférentiel. «Mais il est probable qu'on s'ajuste au marché d'ici quelques jours», admettait la porte-parole Nathalie Genest. À suivre...

Mais sauf exception, les taux fixes deviennent une option plus avantageuse. En négociant serré, on peut obtenir une hypothèque à taux fixe à 4,39% pour un terme d'un an, et à 5,39% pour cinq ans.

«Moi j'irais vers du court terme, vers une hypothèque d'un an à taux fixe», dit Mme Trudeau. C'est le taux le plus bas (1% de moins que le taux fixe pour cinq ans et presque 1% de moins qu'un taux variable). Et ça donne le temps de voir comment les marchés vont se stabiliser.