P.K. Subban était mon joueur du Canadien préféré. De loin.

Sur la glace, il était puissant, impliqué, spectaculaire. P.K. voulait la rondelle et il l'avait plus que n'importe qui d'autre. Il faisait partie de ces rares surdoués qui peuvent à eux seuls changer l'allure d'un match. Et sa façon de démontrer son enthousiasme galvanisait la foule. P.K. ! P.K ! P.K. ! Il y avait deux raisons d'aller au Centre Bell : les arrêts du 31 et les présences du 76.

Dans la vie, il était flamboyant, drôle, charismatique. P.K. était une star. Comme Kanye West. Il avait une tenue extravagante pour chaque occasion. Et des occasions, il en avait beaucoup. Il était partout. Suivre P.K. sur les réseaux sociaux, c'était plus essoufflant que de le suivre sur la glace. Il s'appelait P.K. Subban, mais il aurait pu s'appeler P.R. Subban. Public Relations. Un maître en la matière. Au sourire sincère. Il a donné dix millions à l'Hôpital pour enfants. Pas un, pas deux, pas trois, dix ! 

Une grande gueule avec un grand coeur. Que peut-on désirer de mieux ? P.K. était le king de la ville.

J'en parle comme s'il était mort, parce que pour un fan du CH, c'est tout comme. Marc Bergevin l'a échangé à Nashville. Bye bye, P.K. !

Pourquoi échanger le joueur le plus utilisé de l'équipe, gagnant du trophée Norris remis au meilleur défenseur en 2013, idole de toute la population et qui a encore les plus belles années de sa carrière devant lui ? Pourquoi échanger ton présent et ton avenir ? Pourquoi décevoir les gens quand le but de ton entreprise, c'est de leur faire plaisir ?

Il y a sûrement une raison. Il faut qu'il y ait une raison. Ne cherchez pas dans les statistiques. Ne présumez pas que c'est parce que Subban est trop jet set, non plus. La vraie raison ne fait pas partie des choses que l'on sait. Elle fait partie des choses qu'on ne sait pas. Mais qu'on devine. Sa relation avec son coach. Sa relation avec ses coéquipiers. Surtout sa relation avec ses coéquipiers. Parce qu'un coach, ça se met facilement dehors. Tandis qu'une équipe, c'est plus difficile.

Sur la planète sportive mondiale, le plus gros événement de la semaine ne fut pas l'échange de P.K. Subban. Ben non. Ce fut la victoire de l'Islande contre l'Angleterre, en huitième de finale de l'Euro 2016. Un pays de 330 000 habitants a battu une nation de 53 millions d'habitants. Un pays qui n'avait jamais participé à un tournoi majeur de soccer a battu la nation qui a inventé le soccer. Comment ? En équipe. Parce que les joueurs de l'Islande ont compris qu'ils ne gagneraient jamais rien, s'ils n'étaient pas unis. Aucune équipe n'est aussi soudée que la leur.

Individuellement, chaque joueur de l'Angleterre a beaucoup plus de talent que chacun des joueurs islandais. Mais un match de soccer, ça ne se gagne pas individuellement, ça se gagne collectivement.

Les sélectionneurs de l'Islande, Lars Lagerbäck et Heimir Hallgrímsson, ont un plan. Et tout le monde a acheté le plan. Et tout le monde exécute le plan. Des joueurs modestes aux joueurs électrisants.

La star de l'Islande, c'est le numéro 10, Gylfi Sigurdsson. C'est leur meneur. Un scoreur créatif. Le gardien Hannes Halldórsson dit de lui : « Gylfi ne se comporte pas différemment des autres. Il fait tout le travail défensif comme les autres, et on ne sent pas que c'est une star. »

Une étoile brille pour éclairer les autres. Pas pour s'éclairer soi-même. Le meilleur joueur d'une équipe doit rendre les autres meilleurs. Sinon, il ne sert à rien. Sinon, il est le meilleur de pas grand-chose.

Cette équipe, venue d'une petite île volcanique du nord de l'Atlantique, moins peuplée que Laval, démontre à la face du monde toute la beauté du jeu d'équipe. Ce que les humains peuvent réaliser quand ils se rassemblent, quand ils s'épaulent, quand ils sont là, les uns pour les autres, quand ils jouent ensemble. Ils peuvent réussir l'impossible. La France mettra peut-être fin au parcours de l'Islande, demain. C'est pas grave. L'Islande aura gagné son Euro.

Toutes les équipes, que ce soit des équipes de soccer, de hockey, de baseball, de basketball ou du sport que vous voulez, cherchent à être aussi fusionnelles que l'équipe islandaise. C'est le secret du succès.

Un athlète de sport d'équipe peut mener une vie de rock star, si ça lui chante. Tant que lorsqu'il entre dans le vestiaire, il laisse la rock star dans le char. C'est pas une question d'être drabe. C'est pas une question de refouler sa personnalité. C'est pas une question d'obéissance. C'est une question de respect. Envers les gars autour de toi. Dans une équipe de sport, il n'y a pas de chandail à paillettes. Tout le monde est vêtu de la même façon. Le projecteur ne suit pas un seul joueur. C'est éclairé partout. Tout le monde est dans la lumière. Parce que tout le monde est important. Également. Ton centre du premier trio aura beau compter un but, si ton sixième défenseur commet deux gaffes, tu perds 2 à 1.

L'important, c'est pas de faire passer l'équipe avant toi, c'est de faire passer l'équipe avec toi. C'est de faire partie du tout. C'est d'être l'équipe. C'est d'être l'Islande.

Si les Predators de Nashville parviennent à inculquer ça à P.K., ce sera le pire échange de l'histoire du CH.

Sinon, on verra...

Oh ! En passant, bienvenue à Montréal, monsieur Weber. Soyez patient, on va finir par s'occuper de vous. Vous êtes quand même un sacré joueur de hockey...