Vous voulez savoir ce que représente le référendum pour un candidat à la direction du Parti québécois ? Allez chercher dans votre collection de Tintin, l'album L'affaire Tournesol.

À la page 45, Tintin, le capitaine Haddock et Milou sont en autobus. Soudain, Haddock se rend compte qu'il a quelque chose sur le nez. C'est un morceau de sparadrap. C'est quoi un sparadrap ? On a tous appris ce mot en lisant Tintin. C'est un ruban adhésif, un collant. Le capitaine se l'arrache du nez, mais il reste collé sur son pouce. Il secoue sa main en criant : mille sabords !

Le sparadrap est projeté dans les airs et tombe sur le chapeau mauve de la passagère du banc d'en avant. Le monsieur à côté d'elle l'informe qu'elle a quelque chose sur son chapeau. Il le lui enlève. Et le morceau de sparadrap reste collé sur sa main. Il la secoue en criant : saperlipopette ! Et le bout de sparadrap tombe sur la casquette du capitaine qui croyait s'en être débarrassé.

Véronique Hivon fut la première à se lancer dans la course à la succession de Pierre Karl Péladeau. Elle l'a annoncé, accompagnée de sa famille, dans un parc de Joliette. Toute belle, épanouie, pleine d'entrain. Soudain, un journaliste lui a demandé : « Y aura-t-il un référendum dans le premier mandat, si vous êtes élue chef du PQ ? »

Le morceau de sparadrap était envoyé dans les airs. Il est tombé sur le beau manteau pâle de Mme Hivon. Elle a essayé de s'en débarrasser en répondant : « Chaque fois qu'on va me parler de référendum, je vais vous répondre en parlant de souveraineté. »

Ce n'est pas le genre de propos qui vous décolle un sparadrap. Au contraire.

Il est resté sur elle durant tout le point de presse. Tous les médias qu'elle a rencontrés par la suite lui ont demandé d'expliquer sa réponse. Elle avait beau tirer dessus, il restait pris dans ses cheveux. Puis, au bout d'une dizaine de formulations différentes, elle a réussi à l'envoyer dans les airs, et il est tombé sur le deuxième candidat à se lancer dans la course, Alexandre Cloutier. En plein sur son nez.

Voilà sûrement pourquoi il a répondu : « Je vais me fier sur mon pif pour savoir s'il faut tenir un référendum. » On n'est plus dans Tintin, on est dans Pif Gadget. Le sparadrap est resté collé sur son nez, plusieurs jours, avant qu'il réussisse à le jeter plus loin.

C'est le troisième candidat à se présenter qui l'a reçu : Jean-François Lisée. Juste sur le bout de l'oreille. Lisée le connaît bien, ce petit bout de sparadrap. Il était prêt : « Pas de référendum au premier mandat. Pas de référendum avant 2022. » Bye-bye le collant ! Pour l'instant. Le sparadrap a plané et il s'est posé sur la quatrième prétendante à la direction : Martine Ouellet. Au bord de son sourcil. Ça ne l'a pas dérangée du tout. Une petite tape et il était parti : « Un référendum dès le premier mandat ! » Quin toé ! Amenez-en des Band-Aid !

Cela dit, les deux candidats qui risquent le plus d'être élus sont ceux sur qui le sparadrap du référendum a le plus d'adhérence. Et lors d'une prochaine campagne électorale, libéraux et caquistes vont se faire un plaisir de les couvrir de sparadraps : « Allez-vous faire un référendum ? Ça va être quand le référendum ? Votez pour vous, c'est voter pour un référendum ! Référendum, référendum, référendum ! » Et même à Lisée, ils diront : « Même si vous dites que vous n'en ferez pas, qu'est-ce qui nous dit qu'au pouvoir, vous n'en ferez pas un ! ? »

On n'en sort pas. Le référendum monopolise tous les débats. Un péquiste a beau essayer de parler d'autre chose, on ne lui parle que de ça. C'est le syndrome Ringo. Quand Ringo accorde une entrevue, on ne lui parle que des Beatles. Pas de sa carrière solo.

Comment se débarrasser du sparadrap du référendum ? J'ai une solution. Pourquoi ne pas instituer le référendum à date fixe ? Comme les élections ou les Jeux olympiques. Tous les 15 ans, on tient un référendum. Ça se fait, on l'a déjà vécu. Il y en a eu un en 1980. Un autre en 1995.

En 2010, il n'y en a pas eu, parce que la mesure n'était pas encore passée. Tant pis pour le Oui. Prochain référendum en 2025. Pis si ça marche pas, ce sera en 2040. Pis après ça, en 2055.

Quand quelqu'un va lui demander : « Quand allez-vous faire un référendum ? » Le péquiste n'aura qu'à lui répondre : « Regarde ton calendrier, c'est écrit ! » Et il pourra changer de sujet. Parler santé, éducation, pauvreté, prospérité, Nordiques.

Le référendum ne sera plus un sparadrap, mais une comète. Tous ses passages seront prévus. Quinze ans, c'est juste assez pour qu'une nouvelle génération ait eu le temps de pousser, juste assez pour qu'une société ait vécu des mutations, et qu'elle ait peut-être changé d'idée.

Ce qu'il y a de bien aussi avec un événement récurrent, c'est qu'on l'attend. On le voit venir. Ça crée du désir. Oh, dans 10 ans, un référendum ! Oh oh, dans 5 ans, un référendum !

C'est sûr que si le PQ n'est pas au pouvoir, au moment où arrive l'échéance du référendum, on oublie ça. Ce ne sont pas les libéraux qui vont tenir un référendum sur l'indépendance. L'événement sera annulé, et on se reprendra 15 ans plus tard. De toute façon, si le PLQ est au pouvoir, c'est signe qu'il aurait fallu en tenir un autre.

Cela veut dire que chaque Québécois, au cours de sa vie, risque de voter lors de cinq référendums. C'est pas si mal. On peut y survivre. On survit à 15 fois plus d'hivers rigoureux.

Maintenant, ne reste plus qu'à savoir quand on fait le référendum pour savoir si on dit oui ou non au référendum à date fixe...