La saison du Canadien a commencé comme un conte de fées. Il était une fois une équipe qui n'arrêtait pas de gagner. 3 à 1 contre Toronto. 4 à 2 contre Boston. 3 à 1 contre Ottawa. 3 à 2 contre Pittsburgh. 3 à 0 contre les Rangers. 4 à 1 contre Detroit. C'était fou. Un octobre sans crise. Un octobre en couleurs. Les feuilles aux arbres étaient bleu-blanc-rouge. Deux petites défaites en 12 matchs. Ils étaient tous des dieux. Price, Subban, Pacioretty, Gallagher, Markov... Nommez-les ! On capotait même sur Fleischmann, Flynn et Smith-Pelly. C'est dire comment ça allait bien.

Puis, novembre est arrivé. Le mois des morts et des blessés au bas du corps. Price est tombé une première fois. Sans trop de dommage. Condon a bien protégé les membres de son équipe. Tout en inspirant plusieurs blagues à double sens douteuses, dont la précédente. Il a battu les Islanders, Boston et Vancouver. Puis, Jesus Price est revenu enchaîner trois victoires d'affilée. Mais il est tombé une deuxième fois lors du gain contre les Rangers. Le match précédent, Brendan Gallagher recevait un tir sur la main, en tentant de le bloquer. Au moins un mois d'absence pour le numéro 11.

Ce fut la descente de décembre. Si, lors de la première absence du roi Carey, l'équipe s'en était, somme toute, bien tirée, cette fois, c'est la débandade. Condon et Tokarski sont pas si pires, mais l'attaque est minable. Si, au début de la saison, on avait 4 trios numéro 1, on se retrouve soudainement avec 4 trios numéro 5. L'absence de Gallagher a fait tomber le jeu de dominos. Onze grosses défaites et trois petites victoires en un mois. Ça laissait présager de gros nuages noirs au-dessus des gilets très blancs du CH pour la Classique hivernale extérieure du 1er janvier. Le match de hockey le plus regardé de l'année aux États-Unis. Mais miracle, Gallagher est de retour plus rapidement que prévu. Et sa présence change la donne. Il compte un but, récolte une passe et reçoit la première étoile du match. Le Canadien surclasse les Bruins dans leur habitat naturel, 5 à 1. Merci, Gally !

Brendan Gallagher est né à Edmonton, en Alberta. Il a 23 ans. Il mesure 5 pi 7 po et pèse 176 lb. Il fut le 147e choix au repêchage de 2011. Ça veut dire que 146 joueurs étaient censés être meilleurs que lui, cette année-là. Il en est seulement à sa quatrième saison avec le CH. Il compte plus ou moins 20 buts par saison. Si on ne regarde que sa fiche, on se dit que c'est un bon joueur. Pas un Gretzky ni un Lemieux. Mais un bon joueur. Comme plusieurs bons joueurs.

Alors, comment se fait-il que sa présence soit si importante pour le Canadien ? C'est à cause d'une donnée qui ne se quantifie dans aucune statistique. Ça s'appelle le coeur. 

Gallagher mesure un pied et deux pouces de moins que Zdeno Chara. Il pèse 74 lb de moins que lui. Mais il fonce dans le tas quand Chara est là. Et lui enlève la rondelle. Parce que Gallagher a un coeur de 10 pi 11 po qui pèse 500 lb.

Depuis son premier essai avec le Canadien, chaque fois que Brendan saute sur la glace, il se défonce. Chaque fois. Parfois il s'enfarge, parfois il rate son coup, mais toujours, toujours, il essaie à fond de train. Gallagher nous rappelle la base de toute réussite. C'est la volonté. C'est le vouloir. Xavier Dolan a beaucoup de talent, mais ce qu'il a de plus que tous les autres réalisateurs qui ont beaucoup de talent, c'est la volonté de réussir. Même chose pour Céline.

Si Gallagher est l'incarnation de la volonté, c'est parce que c'est son principal atout. Guy Lafleur aussi était animé d'une grande volonté, mais c'était un surdoué. Ce qui nous frappait, avant tout, c'était sa vitesse. C'était son lancer. Gallagher n'est pas un surdoué. Il n'est pas le plus rapide de la ligue. Il n'a pas le meilleur lancer de la ligue. Mais il veut plus que tous les autres sur la glace. Et après un deuxième effort, un troisième effort, un dixième effort, il parvient à son but : la mettre dedans.

Un être comme Gallagher remet en question tous les autres autour de lui. Si les Pacioretty, Plekanec, Galchenyuk, Eller voulaient comme Gallagher, le CH serait une équipe championne pas juste en octobre. En juin aussi. L'exemple de Gallagher va au-delà du hockey. Rien ne résiste à l'acharnement. Rien ne résiste au coeur vaillant.

Le problème, c'est qu'on ne devient pas comme Gallagher seulement en le voulant. Faut pas juste vouloir vouloir pour vouloir vraiment. Sa volonté, Gallagher l'a exercée aussi souvent que son lancer. Dans toutes les situations de la vie. Il s'est fait ainsi. C'est comme ça qu'il a pris sa place dans son monde. C'est comme ça qu'il la garde.

Avant de baisser les bras devant nos limites, avant de les accepter, faut les refuser. Faut tout faire pour les repousser. On n'abandonne pas. On recommence. Et on recommence.

Imaginez une société de Gallagher. Que des médecins Gallagher, que des cols bleus Gallagher, que des profs Gallagher, que des politiciens Gallagher. Que des gens qui donnent tout pour la réussite de l'équipe. De l'ensemble. Ça irait bien.

La fougue de Gallagher a été contagieuse, le jour de l'An. Elle ne l'est pas tout le temps, comme on l'a vu au match suivant. Mais sa seule présence parvient quand même à faire du CH une équipe plus désireuse.

Les deux leaders du Canadien sont Price et Gallagher. Leur perte simultanée fut une catastrophe. Gallagher n'est pas le capitaine. Il n'a pas le C sur son chandail. Mais il a le C et quatre lettres de plus, sous son chandail : C-O-E-U-R.

PHOTO MICHAEL DWYER, ARCHIVES ASSOCIATED PRESS

Brendan Gallagher est revenu au jeu le 1er janvier lors de la Classique hivernale opposant le Canadien de Montréal aux Bruins de Boston.