Le gouvernement du Québec a besoin d'argent. Désespérément besoin d'argent. Avant, ce sont les Québécois qui avaient besoin d'argent. Et le gouvernement leur en donnait. C'était l'État providence. On se servait dans les poches du Québec. Maintenant, c'est le Québec qui se sert dans nos poches. C'est le peuple pro-vidé. Chacun son tour.

Le gouvernement cherche des idées pour renflouer ses coffres. Vendre la SAQ? Vendre Hydro-Québec? Vendre le Grand Nord? Monsieur le Ministre Coiteux, j'ai la solution à tous vos maux: la taxe sur les barbus.

La mode est à la barbe. Depuis Woodstock, il n'y a jamais eu autant de barbus dans les champs et dans les rues. Le phénomène rejoint toutes les générations: de Jean-Philippe Wauthier à Joël Le Bigot. L'homme, de plus en plus remis en question par la femme, sent le besoin d'afficher son identité, son caractère mâle. Pour ne pas être perçu comme une sous-femme, l'homme affirme sa différence. Et sa différence, c'est l'abondance du poil.

Fini le temps de la petite barbe de trois jours à la George Michael. Maintenant, place à la barbe de 30 jours à la Ti-Mé Paré. C'est le look bûcheron. L'homme se cache derrière une burqa de poils. C'est son armure. Il n'est plus à vif. Vulnérable. Il retrouve son mystère. Sa protection et sa défense. Qui s'y frotte s'y pique. Fini l'homme rose rasé. Place à l'homme brun poilu.

Très bien. Vous voulez être viril?! Payez-en le prix! C'est le temps, plus que jamais, de ressortir une vieille taxe oubliée; la taxe sur poil. Elle fut créée en 1535 par Henri VIII, roi d'Angleterre. On ne peut accuser Henri VIII de racisme envers les barbus, puisqu'il faisait lui-même partie de la race des barbus. Idem pour Philippe Couillard, d'ailleurs. Comment se révolter contre une mesure quand elle vise aussi son plus haut dirigeant?

Pourquoi Henri VIII a-t-il décidé de taxer ses semblables? Parce qu'il avait besoin de cash, tout simplement! Imaginez, Henri VIII a fait six mariages et de nombreuses guerres. Ça ruine un monarque.

La taxe sur les barbus était progressive, son montant variait selon la longueur de la barbe et le statut social du poilu. Si on applique la même chose ici, ça veut dire que Claude Robinson paierait plus cher son droit à la barbe que Rémi-Pierre Paquin. Ça veut dire aussi que la taxe serait plus élevée pour un joueur du Canadien en séries que pour un squeegee. Juste avec une taxe sur la barbe de P.K. Subban, on peut régler tous les problèmes du ministère de la Santé.

Le roi d'Angleterre ne fut pas le seul à appliquer la TPP (Taxe pour le poil), presque 200 ans plus tard, Pierre le Grand, tsar de Russie, l'imposa aux habitants de son royaume. Ses motivations étaient, toutefois, bien différentes de celle d'Henri VIII. Son intention première était tout simplement d'interdire la barbe. Parce qu'au début du XVIIIe siècle, la barbe était out. Toutes les cours d'Europe regorgeaient de gentilshommes bien rasés, la face lisse comme une fesse. Bien propre, douce et crémée. À la Pierre Bruneau. Pierre le Grand, qui voulait faire entrer sa Russie dans la modernité, désirait qu'il en soit ainsi, dans son pays.

Mais les Russes n'étaient pas du même avis. D'abord, à -50ºC, une barbe, ça réchauffe son homme. Puis la religion russe orthodoxe impose à ses fidèles le port de la barbe pour ressembler au Créateur. Voulant éviter la colère d'intégristes religieux, le tsar décida donc qu'au lieu d'interdire, il allait taxer. C'est un procédé courant chez les gouvernants. Au lieu d'interdire l'alcool, on taxe! Au lieu d'interdire la cigarette, on taxe! Au lieu d'interdire le pot, on taxe! Ça viendra.

Donc le glabre Pierre le Grand imposa aux riches poilus de payer 100 roubles tandis que les paysans barbus devaient payer un demi-kopeck. Le barbu Lénine et le moustachu Staline vengeront cette mesure discriminatoire quelques années plus tard.

Alors, si les Anglais et les Russes l'ont fait, pourquoi ne pas le faire, nous aussi. Profitons de l'épidémie de barbus pour ramasser un maximum d'argent. On pourra constater jusqu'à quel point les hommes sont attachés à cette coquetterie. Certains messieurs risquent de se la couper, c'est certain. On pourra donc dire qu'après avoir fait des coupes dans la santé, l'éducation, la culture et l'environnement, le gouvernement coupe la barbe. Coupe, quand tu nous tiens! Mais on risque d'être surpris du nombre de mâles qui préféreront payer et conserver leur pilosité. Le pouvoir de séduction n'a pas de prix. Et s'il y a tant de gars qui prennent le temps de tailler leur haie faciale avec minutie, c'est pour séduire le sexe qu'ils veulent bien séduire. Le poilu poigne en ce moment. Et il pognera peut-être encore plus quand on saura qu'il est riche en plus, puisqu'il a les moyens d'exposer sa masculinité.

Cette taxe deviendra donc une sorte de Movember à l'année, où tous les hommes voulant ramasser des sous pour améliorer nos hôpitaux, nos écoles et nos routes se laisseront pousser le poil. La barbe sera un symbole national. Les Québécois seront à l'image de leurs saints patrons, Saint-Jean-Baptiste et Ti-Poil.

Gens du pays, c'est votre tour, de vous laisser taxer la barbe!

Le gouvernement nous met à poil!