Nous vivons dans un monde qui manque cruellement de nuances. Tout est noir ou tout est blanc. C'est comme ça qu'on aime ça. Peu importe, le sujet, il faut être pour ou contre. Et de façon tranchée. On méprise les discours nuancés. On les trouve mous. Faut surtout pas douter. Faut être convaincu d'avoir raison. Si l'on est contre les radicaux, il faut l'être de façon radicale. Si l'on est contre les extrémistes, il faut l'être de façon extrême.

Tout est matière à débat, même les sujets les plus graves et les plus complexes. Ça prend quelqu'un qui est totalement pour et quelqu'un qui est totalement contre. Pis engueulez-vous! Donnez un show. C'est la façon 110% de présenter le monde. Sauf qu'au lieu de traiter du jeu de P.K. Subban, on parle du terrorisme, de la pauvreté et de l'environnement. C'est un peu plus complexe, pourtant.

Ça s'obstine partout. À la télé, à la radio, sur les réseaux sociaux. Ça crie. Ça tape ses opinions en majuscules. Ça s'injure. Il y a les bons d'un bord et les cons de l'autre. Et les cons sont toujours du côté où l'on n'est pas.

Est-ce qu'on peut échanger sans débattre? Au lieu d'imposer sa vision, est-ce qu'on peut recevoir celle de son interlocuteur? Pas sûr. L'humain pense en guerrier. Si on n'est pas avec lui, on est contre lui. Tout est bâti de cette façon-là.

Prenez le système parlementaire. C'est un affrontement de bandes rivales. Au lieu de mettre en commun les cerveaux, pour tenter de trouver une solution aux problèmes qui minent notre société, on oppose les cerveaux entre eux. Et pendant que toutes les énergies sont dépensées pour savoir qui gagnera la guerre des mots, qui réussira à rallier l'opinion publique, rien ne change. On continue à souffrir. On continue à mourir.

Quand les démocrates proposent quelque chose, les républicains disent que c'est pourri. On le sait. Et quand les républicains proposent quelque chose, les démocrates disent que c'est pourri. Même chose ici, avec les libéraux, les péquistes, les caquistes et les solidaires. Même chose ailleurs avec la gauche et la droite.

Pourquoi a-t-on fait de nos idées des équipes de hockey? Pourquoi est-ce impossible de les faire avancer, sans faire reculer les autres? On se bat pour avoir raison, au lieu de cesser de se battre, pour trouver la raison.

J'entends déjà les gens opposés à ma réflexion me traiter de rêveur et d'idéaliste. Ce n'est pas être rêveur que de constater que de la façon que l'on fonctionne, ça va toujours mal aller sur cette planète. Au contraire. C'est être réaliste.

Ce n'est pas la violence qui mettra fin à la violence, pas plus qu'ajouter de l'eau met fin à une inondation.

Gueuler pour s'affirmer, d'accord. Mais après, qu'est-ce qu'on fait? C'est ce niveau-là qu'on n'atteint jamais

La vie n'est pas un match de hockey. On ne peut pas gagner, sans que l'autre gagne aussi. Parce que si l'autre perd, il va nous le faire payer, et rien ne sera gagné.

Si on veut changer le monde, faut changer notre façon de voir le monde. De l'aborder. Arrêtez de tout séparer en deux. Arrêtez de diviser pour régner. Il faut apprendre à nuancer. Les 50 nuances de gris, ce n'est pas seulement pour le lit, c'est pour la vie, aussi. Nuancer, c'est se mettre en mode solution, au lieu de rester en mode confrontation.

C'est tenter de désamorcer la bombe, au lieu d'en lancer une plus grosse.

Soyons moins pressés d'arrêter nos idées. Laissons-les évoluer. Construire sa pensée est un chantier qui ne devrait jamais se terminer. Comme le CHUM!

Soyons moins pressés de faire partie d'un clan et d'étiqueter les gens. Commençons par s'appartenir soi-même. Et laissons les autres être complexes. Être multiples, comme nous le sommes.

Ouvrir sa bouche, ça devrait ouvrir son esprit, aussi.

Vivre et laisser vivre. Si chaque humain en faisait sa devise, tout le monde vivrait enfin.

Nuancer son opinion, ce n'est pas mettre de l'eau dans son vin. C'est mettre du vin dans le verre de l'autre. C'est partager sa vision, en laissant de la place pour tout ce que l'on n'a pas vu encore.

Il faut dire ce que l'on pense, mais il ne faut pas dire aux autres quoi penser. C'est en exprimant autant ses convictions que ses doutes que l'on ajoutera sa pierre à l'édifice de la pensée globale. Et, il ne faut pas l'oublier, c'est aussi en écoutant que l'on pense souvent le mieux.

Pas écouter dans le sens d'obéir. Écouter, dans le sens de comprendre. Écouter, c'est la meilleure façon de se libérer du plus grand des tyrans: nos préjugés.

Je vous souhaite une journée tout en nuances.