J'attends toujours le feu vert de ma blonde. Si je me risque à décider moi-même du moment, je vais me faire rabrouer, c'est certain. Elle va me dire: «Qu'est-ce que tu fais là? Ça me tente pas! J'suis pas dans le mood pour ça.» Faut que ça vienne d'elle. Ça peut lui venir n'importe quand, à partir du 1er décembre. Ça lui est venu hier. À l'heure du souper.

Mets donc de la musique de Noël!

C'est parti! Durant les prochains jours, les Jingle Bells vont retentir dans la maison. Et ajouter un filtre sépia à tout ce que nous y vivrons.

La musique de Noël, c'est plus une odeur que de la musique. Ça nous rappelle le passé. Ça sent la dinde qui cuit. Ça sent le feu dans le foyer. Ça sent le parfum des vieilles tantes. La musique de Noël, c'est se projeter un film de famille. On entend la bande sonore. Pas besoin d'écran. Les images défilent directement dans notre tête. On se voit aider maman à décorer le sapin, en plaçant les glaçons, un par un. Mon beau sapin, roi des forêts... On se voit marcher vers l'église, le visage qui gèle au vent. Vive le vent! Vive le vent! Vive le vent d'hiver! On se voit fouiller au fond de son bas de Noël pour découvrir des chocolats. Le feu danse dans la cheminée... On se voit jouer tout seul avec son jeu de hockey sur table, le lendemain matin, pendant que tout le monde dort. Pa-rapa-pam-pam...

Il y a quelques années, j'avais fait une liste de 25 succès de Noël qui jouaient sans interruption dans les haut-parleurs de la demeure. Après la trentième écoute, ça rendait agressif. Maintenant, j'ai une liste de 86 chansons. C'est moins obsessif. Je ne les partagerai pas toutes avec vous, soyez sans crainte, mais laissez-moi vous donner mes musts.

D'abord, les classiques: It's Beginning to Look Like Christmas par Bing Crosby, La promenade en traîneau par Ginette Reno, The Christmas Song par Nat King Cole, J'ai vu maman embrasser le père Noël par Renée Martel, Santa Claus is Coming to Town par Frank Sinatra, Le bonhomme de neige par Fernand Gignac, Petit papa Noël par Tino Rossi, L'enfant au tambour par Marie-Michèle Desrosiers, Sainte nuit par Johnny Reid et Isabelle Boulay.

Composer des nouvelles chansons de Noël est une tâche impossible, parce qu'il n'y a aucun souvenir attaché aux notes. Quelques génies ont réussi à le faire, si bien qu'elles nous donnent autant envie de se rouler en petite boule que les vieilles tounes: Marie-Noël de Charlebois, 23 décembre de Beau Dommage, Happy Xmas (War Is Over) de John Lennon, Jolis sapins de Michel Fugain, Entre Noël et le jour de l'an de Maryse Letarte. Maryse Letarte a même réussi l'exploit de composer un album au complet de nouveaux classiques du temps des Fêtes. Ça s'intitule Des pas dans la neige. Si vous ne l'avez pas, faites-vous ce cadeau.

Il y a aussi des chansons de Noël spéciales. Des chansons tellement naïves que le reste de l'année, elles seraient des risées. Mais à Noël, il est permis d'être pur. J'en ai deux préférées. Une que vous connaissez: Noël au camp de Tex Lecor. Impossible de ne pas être séduit par ce Fred Pellerin sur la Molson! Quand il dit: «C'est un artiste mon père... Y'est capable de dessiner tout c'qu'y voit, excepté ma mère, y dit qu'est trop belle, pis qu'y a jamais voulu essayer... C'est le Petit Prince au chantier!»

L'autre spéciale, vous ne la connaissez pas. On ne l'entend plus. Faut dire qu'on ne l'a pas entendue longtemps, non plus. Elle s'appelle Noël 70 par les Puppys. Les Puppys étaient un groupe d'enfants français qui a eu un bref succès, le temps de muer. Vous trouverez peut-être que c'est la plus kitsch de toutes les chansons de Noël, mais c'est celle qui me fait faire le voyage retour vers l'enfance le plus rapidement. Je l'entends, j'ai 9 ans et je trouve ça beau. Comme on trouve quelque chose de beau à 9 ans. Entièrement. Sans se poser de questions. Sans se demander si on devrait. Si on a le droit. Si ça paraît bien.

Quand vous serez tanné d'entendre chanter, suffit de mettre l'album de Noël d'André Gagnon. Le plus réussi de tous les albums instrumentaux de Noël. Doux comme le silence d'une famille à 3h du matin, quand plus personne ne parle, mais que tout le monde reste ensemble dans le salon, seulement pour être ensemble, encore un peu plus longtemps. Entre chaque note jouée par Gagnon, il y a tout l'amour reçu par le dernier-né d'une famille nombreuse.

Jusqu'à quand joueront les airs de Noël, chez moi? Jusqu'à ce que ma blonde dise: «Pas encore!» Ça survient de plus en plus tôt avec les ans. Avant, ça allait jusqu'aux Rois. Maintenant, c'est à peine si les ritournelles se rendent jusqu'au 31. Et chaque fois qu'elle coupe le son, c'est toujours au bon moment. Moi aussi, j'en avais assez. On a l'esprit des Fêtes synchro.

La musique de Noël est un antibiotique. Faut le prendre à grandes doses, mais pas trop longtemps. Juste assez pour soigner son cynisme et retrouver son émerveillement.

Bonne musique de Noël, tout le monde!