Je n'avais jamais vu San Francisco. J'avais vu New York, Boston, Chicago, Los Angeles, Miami, Phoenix, San Diego, Philadelphie, Honolulu et des dizaines et des dizaines de villes américaines. Mais je n'avais jamais vu San Francisco. Il était temps. San Francisco ne ressemble à aucune autre ville des États-Unis. À aucune autre ville de la planète. C'est une place à part.

On ne vient pas ici pour se faire dorer par le soleil de la Californie. Le soleil de la Californie séjourne rarement à San Francisco. Comme toutes les grandes stars, il préfère se tenir à Hollywood, au cas où un producteur l'engagerait. Il ne fait jamais très chaud à San Francisco. Et quand il fait chaud, ce n'est pas en juillet et en août, comme partout ailleurs, mais en septembre et en octobre. San Francisco aime l'automne.

On la surnomme la Fog City, la Cité du brouillard. La rencontre de l'eau froide de l'océan et de la chaleur intense de la Californie intérieure embrume le ciel. Le brouillard recouvre la ville comme un filtre Instagram et rend le paysage mélancolique. Tout est Valencia. San Francisco est une ville vintage. C'est le décor d'un film des années 50. Il y plein de tramways auxquels les gens s'accrochent pour aller travailler. Ses rues en montagnes russes transforment toute balade en vélo en compétition extrême. Ses maisons victoriennes n'ont pas été remplacées par des condos ultramodernes. Elles sont encore là, peintes en pastel, étroites et dignes.

Quand on déambule dans les quartiers, on ne sent pas le stress de New York, ni le bling-bling de L.A. On sent le calme de l'océan. L'ambiance est pacifique. C'est la ville de la tolérance. C'est ici que les hippies du monde entier se sont donné rendez-vous pour rêver d'un monde meilleur. Il en reste encore des vapeurs. L'émancipation de toutes les minorités a débuté dans la ville donnant sur la baie.

Les gens sont gentils. Ils ne vous bousculent pas. Ils vous sourient. Ils sont accueillants, mais pas trop. Juste assez. Ils vous laissent libres. Comme eux. Les San-Franciscains sont cools. Ce sont même eux qui ont inventé la coolitude. Ils ont beau avoir les deux pieds sur la faille de San Andreas qui les menace d'un terrible tremblement de terre à tout moment, ils n'angoissent pas. Que Sera, Sera. Le San-Franciscain profite du moment présent. Demain, il n'y aura peut-être plus rien.

Pour accéder à Frisco, il y a un pont. Pas n'importe quel pont. Pas un pont drabe et sans vision. Le plus beau de tous les ponts. Une merveille du monde. Le Golden Gate. La porte d'or. Il est orange. Orange international pour être plus précis, si jamais vous voulez peindre votre galerie comme ça. Quand on roule dessus, on a l'impression de rouler sur la tour Eiffel. De faire partie de l'Histoire. Ses deux tours se dressent majestueusement devant vous, on dirait qu'elles soutiennent le firmament, pour vous ouvrir la voie.

Un pont, ce n'est pas un bâtiment quelconque. Un pont, c'est une construction sacrée. Une main tendue vers les autres. Il y a un péage sur le Golden Gate, seulement quand on se dirige vers la ville, mais on n'a pas l'impression de jeter son argent par les fenêtres. L'expérience vaut le tarif. Pourvu qu'il en soit ainsi sur le nouveau pont Champlain.

San Francisco attire les grands esprits comme en témoignent ses environs. Au sud de la baie, on retrouve la fameuse Silicon Valley. C'est là que le monde progresse. Apple, Facebook, Google, Yahoo! , Microsoft, Netflix et les autres y programment le futur. Les hippies ont coupé leurs cheveux, gardé leurs barbes et troqué leurs guitares pour des ordinateurs. Ça leur prenait un endroit relax pour se rassembler. À New York et L.A., un nerd est un nerd. À San Francisco, un nerd pogne. Un nerd peut devenir le roi du monde.

Au nord de la métropole, il y a Napa Valley et Sonoma, les deux régions viticoles les plus réputées de l'Amérique. Vin et virtuel. Raisins et Apple. C'est ça, San Francisco. Une Florence moderne.

J'ai mis trop de temps à venir à San Francisco. Voilà pourquoi j'incite tous ceux qui ne se sont pas décidés encore à ne plus hésiter. La destination doit faire partie de la tournée de votre vie. C'est le carrefour du temps passé et du temps futur. Toute proche, sur une île dans la baie, il y a la prison désaffectée d'Alcatraz, la prison la plus connue du monde. Il y a 50 ans, on aurait tout donné pour s'en évader, aujourd'hui, les touristes paient le gros prix pour y aller. À quelques kilomètres de là, face à l'hôtel de ville, se perche l'oiseau le plus bavard de la planète: Twitter. L'entreprise de microblogage a son siège social à SF. D'Alcatraz à Twitter, de l'isolement au réseautage, San Francisco est la ville de tous les contrastes. Car c'est des contrastes qu'émane la beauté.

La City by the Bay a pris son essor lors de la ruée vers l'or en 1848. Aujourd'hui, la meilleure raison pour s'y ruer, c'est le brillant dans la tête et dans les yeux de ses habitants. De ceux qui l'ont fait et de ceux qui ne cessent de la refaire. Félicitations pour votre ville. Voilà, un bien bel endroit.

Je crois que je vais laisser une partie de mon coeur à San Francisco.