La députée libérale Fatima Houda-Pepin ne partage pas la position de son parti sur la laïcité de l'État. Après des semaines de mutisme, elle a écrit une lettre aux médias pour exprimer son désaccord. Le chef du PLQ, Philippe Couillard a qualifié la sortie médiatique de sa députée de geste de rupture avec le parti. Il a sommé madame Houda-Pepin de s'engager à travailler avec le caucus, sans quoi elle se plaçait en position d'exclusion. Traduction libre, reviens dans le rang sinon dehors.

Il y a deux mois, la députée fédérale Maria Mourani a été expulsée du Bloc québécois, parce qu'elle s'était opposée à la même Charte proposée par le PQ.

Tu ne peux pas être péquiste ou bloquiste et être contre la Charte des valeurs. Tu ne peux pas être libéral et être contre la position des libéraux à propos de la Charte des valeurs. C'est dommage, mais c'est comme ça.

On appelle ça, la ligne de parti. Tous les membres d'un même caucus doivent penser la même affaire. Si la politique est un jeu, ça se comprend. Imaginez au football, si lors d'un caucus, chaque joueur proposait un jeu différent:

«Moi, je pense qu'on devrait courir!

- Moi, je pense qu'on devrait lancer le ballon!

- Moi, je pense qu'on devrait botter!»

Cette équipe-là n'irait nulle part. Pire encore que les Alouettes. Dans un caucus au football, c'est le quart-arrière qui dit ce que l'on fait, les autres écoutent et exécutent.

En politique, c'est le chef qui dit quoi faire, les autres écoutent et exécutent.

La différence, c'est qu'un jeu au football dure environ 10 secondes et n'a d'autre conséquence que de faire gagner ou perdre une gang de gars qui jouent au ballon. Alors qu'en politique, un projet peut durer 4 ans, 10 ans, 20 ans et a comme conséquence de changer la vie commune de millions de gens.

Et si la politique n'était pas un jeu? Et si la politique n'était pas une game visant à faire gagner les Rouges ou les Bleus? Si la politique n'était pas seulement l'obtention du pouvoir. Si la politique était un art. L'art de vivre ensemble. Vivre ensemble, est-ce penser tous de la même façon?

Les partis sont des machines à gagner des élections. Ils devraient être les outils permettant de façonner une meilleure société.

La lumière jaillit du choc des idées, pas de l'aplanissement des idées.

Si tous les députés doivent penser comme leur chef, pourquoi on élit des députés? On va juste élire les chefs. Ça va être beaucoup plus économique. Aucun risque d'être contrarié.

L'idée d'une assemblée, c'est de réunir des gens représentant le peuple, débattant des sujets importants pour son avenir. Si tous ces élus doivent dire précisément la même chose, selon le côté où ils sont assis, quelle est leur utilité?

Pourquoi les chefs ont-ils autant de difficulté à tolérer la dissidence? Si la moitié de ton parti ne partage pas tes vues, je comprends que tu aies un problème. Mais si un député diverge d'opinion avec le consensus ambiant, pourquoi vouloir l'abattre? C'est juste bon d'avoir dans un même rassemblement des gens aux vues différentes. C'est grâce aux moutons noirs que tout le monde ne porte pas des chandails blancs!

Faire preuve d'ouverture et de compréhension envers le confrère ou la consoeur aux opinions différentes, c'est respecter tous les citoyens qui ne pensent pas comme nous.

Car il y en aura toujours. Heureusement.

Autour de nous, il y a des gens qui votent PLQ et qui appuient la Charte, et il y aussi des gens qui votent PQ, et qui la désapprouvent. Les dissidents sont leurs représentants.

La capacité d'établir un dialogue avec eux est le signe d'un leader rassembleur.

Les chefs croient que plus leur troupe est soumise à leurs directives, plus ils sont forts. C'est faux. Les gens soumis ne peuvent vous renforcer, puisqu'ils sont faibles.

Pour être plus fort, ça prend des êtres forts. Des têtes fortes. Car la force d'un groupe ne se mesure pas à la force du leader, mais à la force combinée de ses membres. S'il y avait seulement eu John et trois Ringo dans les Beatles, ça n'aurait pas donné les Beatles. Ça prenait John, Paul et George (et aussi Ringo, quelque part) pour avoir In My Life, Hey Jude et Something.

Les partis doivent être à l'image du monde, et vivre dans un monde sans nuances serait la plus grande des horreurs.

Lâchez-nous avec la ligne de parti. Cessez d'ostraciser le complice qui ne pense pas comme vous. Un parti n'est pas une secte. Une pensée politique n'est pas une religion.

On doit avoir le droit, à l'intérieur d'une formation, d'exprimer des opinions différentes.

L'ouverture envers les autres, ça doit aussi se vivre envers les siens. Ça doit aussi se vivre de l'intérieur.