Dimanche dernier, Régis Labeaume a été réélu maire de Québec avec 74% des voix. De l'autre côté de la 20, Denis Coderre a été élu maire de Montréal avec 31,6% des voix. À eux deux, ils défoncent les 100%! Deux jumeaux politiques séparés à la naissance, deux frères Dalton, deux personnalités fortes, deux allures prospères, deux messieurs gros bons sens trônent donc dans les deux villes phares de notre belle province.

La rivalité Montréal-Québec n'a pas pris de temps à s'installer entre les deux coqs. Dès le lundi matin, c'était fait. Et comme Dale Hunter dans le temps, c'est le joueur de Québec qui a provoqué l'échauffourée. Le maire Labeaume s'est plaint d'avoir tenté de joindre le maire Coderre à huit reprises sans succès:

«Moi, la première ministre m'appelle. Les chefs de parti et le maire de Bordeaux m'appellent et je ne suis pas capable de rejoindre le maire de Montréal. C'est quoi cette affaire-là?»

Denis «Mario Tremblay» Coderre a répliqué: «Call me back!» On ne s'ennuiera pas! Ce qui me surprend le plus dans cette histoire, c'est à quel point Régis tenait à parler à Denis. Appeler huit fois quelqu'un entre le dimanche soir et le lundi matin, c'est de la grande passion! Même Geneviève Sabourin ne devait pas appeler Alec Baldwin aussi souvent en 12 heures. Tu appelles une fois, tu laisses un message: «Bravo Denis! C'est Régis! Rappelle-moi.» Pis t'attends.

Admettons que tu aies vraiment très envie de parler à ton homologue montréalais, que c'est très important de partager avec lui l'instant magique d'une victoire électorale, au moment où ça se passe, tu rappelles une deuxième fois: «Denis, c'est encore Régis, je sais que tu dois être ben occupé, pis que tu prends pas tes messages, mais j'ai vraiment hâte de te féliciter de vive voix. Rappelle-moi, mon homme.» Pis, tu attends qu'il te rappelle, point final. Sinon, qu'est-ce que tu dis la troisième fois? Tu piques une crise de jalousie: «Allô, c'est Régis, je suppose que Monsieur est occupé avec ses amis Facebook et ses abonnés Twitter! Moi, je suis de la génération du téléphone, pis toi aussi! Arrête d'essayer d'avoir l'air d'un yo, pis rappelle-moi, le smatte!»

Après trois messages sans retour d'appel, la majorité des gens lâchent prise. Pas le maire Labeaume. Quand le maire Labeaume veut parler à quelqu'un, c'est tout de suite, pas tantôt. Quatrième message, le ton monte: «Cou donc mon Coderre, je suppose que t'en en train de faire le party avec le maire de Toronto! C'est sûr que du crack, il y en a en masse à Montréal, toutes vos rues sont pleines de craques! Veux-tu me rappeler, avant que je pète ma coche!»

Quatre messages laissés, c'est en masse. Qu'est-ce qui te pousse à rappeler quelqu'un une cinquième fois? Ça ne peut être que l'inquiétude.

«Allô Denis, t'es-tu correct, ça fait quatre messages que je te laisse sans recevoir de tes nouvelles, il t'est peut-être arrivé quelque chose. T'as quand même un léger surplus de poids, peut-être que ton coeur n'a pas supporté autant d'émotions. Surtout que la Joly est passée proche de t'envoyer au Club des ex à RDI. Sois fin, rappelle-moi, juste pour me rassurer.»

La sixième fois, ça commence vraiment à être humiliant. Tu fais ça court avec un petit ton sec: «Denis... Régis.» Pourquoi rappeler une septième fois? Il n'y a qu'une chose que tu peux ajouter aux messages déjà laissés, ce sont des menaces: «Salut, le maire de Corruption Town, c'est le maire de Québec, si tu me rappelles pas dans cinq minutes, c'est la guerre! La vraie guerre! J'envoie mes troupes au Madrid pis on assiège ta ville jusqu'à tant que tu te rendes. Le Québec, ça va être la ville de Québec à la grandeur! Le p'tit Napoléon, y voit grand. Faque rappelle ma Joséphine!»

Après sept messages, quand même les menaces ne fonctionnent pas, si tu rappelles une huitième fois, ça ne peut être que pour envoyer la personne promener: «Allô Denis, c'est Régis, va donc...»

Donc lundi midi, Denis Coderre a huit messages de Régis Labeaume dans sa boîte vocale, et il ne l'a toujours pas rappelé. C'est alors qu'un journaliste demande au maire de Montréal sa position par rapport à la révolution que veut mener le maire de Québec à propos des régimes de retraite. Et Coderre répond: «Régis a besoin de se calmer...» Nilan vient de plaquer Goulet dans la bande. Labeaume rétorque: «Le power trip, ça commence de bonne heure!» Ayoye! Un six-pouces dans les parties! Il faut qu'ils animent une émission de télé, ensemble, ça va être trop bon. Serge Laprade et Michèle Richard, c'est Roméo et Juliette comparés à ce couple.

Finalement le duo dynamite a conversé au téléphone, lundi après-midi. Comme j'aimerais que la NSA, en plus d'espionner les présidents européens, ait ajouté à sa liste d'écoute électronique les maires de Québec et de Montréal. Je donnerais cher pour écouter l'enregistrement de leur premier appel de maire à maire:

«- Allô, Régis, c'est Denis, tu m'as appelé?

- Denis? Denis Lévesque?

- Non, Denis Coderre!

- Denis Coderre... Ah oui, ça me revient, je t'ai appelé.

- J'espère ben que ça te revient! Tu m'as appelé huit fois! C'était quoi l'urgence?

- Ben comme t'as pas d'expérience comme maire, je me suis dit que c'était important que je te donne mes conseils au plus vite, avant que tu fasses une erreur. Allô? Denis? T'es encore là?»