C'est jeudi qu'aura lieu la plus populaire des fêtes païennes: l'Halloween. Contrairement à Noël ou à Pâques, il n'y a pas de messe d'Halloween. Pas de Minuit, Halloweeneux, c'est l'heure solennelle. Pas de message du Pape déguisé en Pokémon. L'Halloween n'est pas pavée de bons sentiments. On ne célèbre pas l'amour et la paix. On fait peur, c'est tout! Beeeuarrk! L'Halloween, c'est une grimace.

Il n'y a pas de familles à recevoir à grands frais. Pas besoin d'inviter l'oncle libidineux ou les beaux-parents envahissants. Les visiteurs sont n'importe qui. Ils sonnent à la porte et on ne les fait même pas entrer. Ils quittent et on ne sait même pas c'est qui. C'était Darth Vader ou c'était une brosse à dents. L'année prochaine, ils seront Charlie Chaplin ou une banane. On ne les reconnaîtra pas plus.

Il n'y a pas de cadeaux à trouver, à emballer, à offrir. Juste des bonbons à dix sous que l'on garroche dans un sac vert. Quin toé! Arrange-toi avec ça! Si ça fait pas ton affaire, va voir à côté.

Il n'y a pas de discussions interminables durant des soirées qui ne finissent pas. Ding! Dong! Trick or treat! Bye Bye! C'est la seule interaction. Quand on est tanné, pas d'excuses à trouver pour se faufiler, on ferme les lumières et on va se coucher. Rien à ramasser, rien à nettoyer. Une fête avec de la visite qui n'entre pas dans la maison, quelle belle invention!

Peut-être est-ce pour toutes ces raisons que l'Halloween gagne d'année en année en popularité. C'est une fête simple. Sans fla-fla. Sans sacrifice. Sans sermon. Ça dure une journée. Pis c'est fini. Qu'on soit croyant ou athée, c'est le même party pour tout le monde. Pas de cloison. Pas de sous-groupe. Pas de signification différente. Pas de dates différentes selon le Dieu invoqué. Y'a pas de Dieu, y'a juste des morts. C'est du déconnage pur. Une mascarade. Les hommes s'habillent en femmes, les femmes s'habillent en hommes. Il n'y a rien de plus égalitaire.

Voilà pourquoi, dans les ajustements à la Charte des valeurs québécoises, on devrait proclamer que l'Halloween est un congé férié, payé pour tous! La première fête de la laïcité. Cela arrangerait bien des parents, pour qui le 31 octobre est un film d'horreur. Comment revenir assez tôt du bureau pour passer l'Halloween avec les marmots avant qu'il ne fasse trop noir? Vous devriez voir le nombre de pères et de mères qui se transforment en loups-garous quand ils sont pris dans un bouchon sur le pont. Finis les problèmes. Vous avez la journée pour coudre le costume du petit, vider la Citrouille et acheter des Oh Henry.

La Charte des valeurs ayant dans ses directives, un code vestimentaire pour fonctionnaires, elle trouve en l'Halloween, fête vestimentaire, s'il en est une, son complément idéal. Pendant 364 jours, pas de signes ostentatoires, sauf le 31 octobre, vous pouvez tous les mettre en même temps. On s'en fout! C'est congé. Les Janettes peuvent porter le foulard. Les musulmanes peuvent s'habiller en Jeanettes. Les pures laines porter le turban et les Kurdes porter la casquette des Expos. L'habit ne fait pas le moine, mais il le cache.

J'entends d'érudits historiens remettre en question l'aspect laïque de l'Halloween en soulignant que le mot Halloween est une contraction de l'expression anglaise All Hallows Eve signifiant la veille de la fête des Saints ou si vous préférez la veillée de la Toussaint. On essaie de s'éloigner de la religion et elle trouve toujours le moyen de nous rattraper. C'est que, comme l'a si bien chanté Michel Rivard, rien n'est tout à fait noir, ni tout à fait blanc. Rien n'est tout à fait laïc, ni tout à fait religieux. Tout est dans tout pour paraphraser, cette fois, Raoul Duguay. Et l'Halloween symbolise bien cette macédoine qu'est la vie. Toutes les fêtes religieuses sont des fêtes païennes, et vice-versa. Signe des temps, peu de gens connaissent la Toussaint, mais tout le monde connaît sa veille païenne.

L'Halloween, c'est la journée où tout le monde s'habille comme il le veut. Mais vraiment comme il le veut. Sans la pression de la profession, du titre et du rang. Un médecin s'habille en microbe. Un policier s'habille en carré rouge. On oublie son habit de secrétaire, de dentiste, de personne conforme et on met les fringues de nos rêves ou de nos fantasmes. On ne craint pas le regard des autres. Au contraire, on l'attaque.

Les vêtements ne devraient jamais être autre chose que le symbole de sa propre liberté. À soi. Juste à soi. Le symbole de son unique créativité.

Joyeuse Halloween! Amusez-vous! Le linge, c'est fait pour ça, qu'on le mette ou qu'on l'enlève!