Il fut un temps où la société foisonnait de figures paternelles. Il y avait d'abord le père que chaque enfant avait. Ils se ressemblaient tous: sérieux, travailleurs, silencieux, durs, droits, honnêtes. Robert Young dans Papa a raison.

Il y avait aussi l'autre homme que l'on appelait père: le curé. Conscience de la paroisse. C'est lui qui donnait les permissions, c'est lui qui écoutait les confessions. Tous les dimanches, il faisait son sermon, nous professait ses conseils de père célibataire et sans enfant.

Il y avait le chef de l'État, le père de la patrie. Roosevelt, Churchill, De Gaulle, Duplessis, Lesage, Pearson, Drapeau, Lévesque, c'était des figures paternelles. Ils représentaient l'autorité. Le peuple était leur enfant. Ils savaient ce qui était bon pour lui. Le père gouvernait, le peuple obéissait.

Les vedettes aussi étaient des représentations du père: Maurice Richard, Jean Béliveau, Cary Grant, James Stewart, Félix. Des hommes mûrs, responsables, des exemples.

Finalement, le dernier et non le moindre, Dieu. C'était le Père tout puissant. The Ultimate Father! Notre Père qui êtes aux cieux... Avec sa grande barbe blanche. Père, grand-père, arrière grand-père... Nous étions tous ses enfants. Alléluia!

Bref, peu importe où nous regardions, il y avait des papas partout pour veiller sur nous. C'était nos leaders, nos meneurs.

Cinquante ans plus tard, où sont les pères? Bien sûr, le père biologique existe toujours. Pas le choix: on a encore besoin de lui pour faire des gamins. Quoique c'est de moins en moins vrai. Avec toutes les familles éclatées, son rôle n'est plus au quotidien. Il a rarement la garde des enfants. Il n'est plus la figure d'autorité incontournable. La plupart du temps, c'est la mère qui a la responsabilité. Le père est devenu un touriste. Il s'occupe parfois des déplacements en voiture, des activités sportives et tente de faire pardonner ses absences avec de beaux cadeaux.

Le curé est en voie d'extinction. Ce n'est plus une figure paternelle, c'est une figure du passé. Les leaders politiques ne sont plus de bons pères de famille. Ce sont davantage des oncles. Pour ne pas dire des mononcles. Des mononcles gentils ou des mononcles croches, des parrains. On ne les écoute pas religieusement comme des papas. On les écoute comme des oncles, quand ça fait notre affaire. La plupart du temps, on les écoute avec condescendance. Pauvre mononcle! On ne sent pas d'amour filial entre les gouvernants et les gouvernés. La relation est très dysfonctionnelle. La seule personne qui incarne un rapport parental avec sa nation est Pauline Marois. Une femme, une mère. Stephen Harper est distant comme un voisin asocial.

Côté vedettes, fini l'époque des chefs de famille. Place aux têtes d'ados: P.K. Subban, Carey Price, Robert Pattinson, Daniel Radcliffe, Justin Bieber. Des kids imprévisibles, doués, gâtés, égocentriques, surtout pas des exemples.

Et Dieu, le Père de la Création, où est-il? De plus en plus de gens mettent en doute sa paternité. Il n'est plus un vieux papa à la barbe blanche, on ne le représente que comme un esprit, une lumière, un magma, un trou noir. Asexué.

Il n'y a plus de figure paternelle dans notre société. L'homme n'est plus un père. L'homme est un mou. Et surtout, que je ne l'entende pas dire que c'est la faute des femmes! C'est faire étalage de sa mollesse.

À l'angoissante question «c'est qui le père», il faut dorénavant ajouter «c'est quoi le père?»

Aujourd'hui, c'est la figure maternelle qui incarne tout: l'amour, la force, la protection, la responsabilité. La mère rayonne autant au travail qu'à la maison. Pendant que le père se cherche.

Le père est devenu le plus vieil enfant de la famille. C'est la mère qui lui dit quoi faire. C'est la mère qui le réprimande quand il fait le con. Dans les pubs, le père est devenu l'idiot de service. Celui qui ne comprend pas comment ça fonctionne, mais qui est ben fin pareil.

En quelque part, son rôle de second violon fait son affaire. Après des siècles et des siècles à être le grand responsable, le chef incontestable, le père se claque un épuisement professionnel et laisse toute la place à la mère.

Ça fait! Le congé est fini. Il est temps de proposer une nouvelle identité paternelle: ICI Papa XXIe siècle.

Qu'est ce que le père peut incarner? Ce qu'il est. Le monde extérieur. La proximité entre la femme et l'enfant est imposée par la nature. Le foetus se développe dans le sein de la mère. Il est relié est à elle par un cordon. Il est son prolongement. Cette osmose mère-enfant laisse souvent le père à l'écart. Pourtant, c'est cette distance qui doit définir le rôle du père. Il est le guide de l'enfant vers le monde. Celui qui doit lui montrer le chemin vers les autres. Le mentor qui prépare l'enfant à son autonomie.

Les parents sont des coachs de vie, et c'est très enrichissant quand chacun a sa spécialité. Un coach de l'intérieur et un coach de l'extérieur. Faire en sorte que l'enfant soit bien en dedans et en dehors. Le père qui est déjà en périphérie a pour mission d'amener l'enfant vers l'inconnu et de le lui faire connaître.

Bref, au lieu de vous isoler, d'aller tout seul au golf, à la Cage aux sports ou à la pêche, amenez donc votre gars ou votre fille.

En attendant, je vous souhaite une belle cravate et une joyeuse fête des Pères!