Tous les événements populaires, que ce soit le spectacle de Paul McCartney, le match du Canadien ou le marathon de Boston, comblent tous le même besoin de l'être humain: celui d'être ensemble.

Si des milliers de personnes se rendent sur les plaines d'Abraham pour le show de McCartney, c'est pas juste pour entendre Hey Jude. C'est pour se voir, tout le monde ensemble, vivre le moment Hey Jude. On enlève enfin les écouteurs de son iPod pour partager la musique avec les autres. Tous les projecteurs ont beau être tournés vers la scène, rien n'est plus impressionnant qu'une mer de monde portée par une chanson.

Si on est si content que le Canadien participe aux séries, c'est parce que ça nous donnera l'occasion de vivre ça à plusieurs. Au Centre Bell, à la Cage ou dans notre salon, on ne sera plus seul à regarder le match avec nos chips. On va être beaucoup. La soirée du hockey deviendra la soirée des amis.

Courir est une activité solitaire. Mais quand des milliers de solitaires se réunissent pour courir au même endroit, au même moment, ça devient un projet collectif. La course n'est plus un exercice, c'est une fête. Et l'effort devient un plaisir.

Chaque fois que les gens se réunissent, les sentiments qui les habitent se multiplient par eux, en eux. Quand tu es au Centre Bell, et que le Canadien marque un but, t'es 20 000 fois plus content. Quand tu es sur les plaines et que McCartney chante Let it be, t'es 100 000 fois plus touché. Quand tu termines ta course au marathon de Boston, t'es un demi-million de fois plus satisfait. Comme si toute la joie des autres se versait dans la tienne.

Tous ces rassemblements publics sont des manifestations d'amour. Trouvez ça cucu si vous voulez, c'est ça quand même. La personne qui va au stade Saputo voir un match de l'Impact, c'est pas juste parce qu'elle aime le soccer, c'est surtout parce qu'elle aime être avec les gens qui aiment le soccer. Les gens qui attendaient au fil d'arrivée du marathon de Boston n'étaient pas seulement là parce qu'ils aiment la course à pied. Si c'était le cas, ils l'auraient regardé à la télé. On voit bien mieux à la télé. S'ils se pressaient au fil d'arrivée, c'est parce qu'ils aiment les gens qui aiment la course à pied. Et qu'ils ont envie d'être avec eux.

Mettre des bombes au fil d'arrivée du marathon de Boston, c'est mettre des bombes en plein milieu du bonheur.

On a tous des éclats de ces deux bombes en nous. Ce sont des morceaux de peur qui ont transpercé notre tête et notre coeur.

On va les sentir longtemps au plus profond de soi. Chaque fois qu'on va se retrouver au milieu d'une grande foule, ça va nous hanter: et si un fou arrivait...

Les fous n'aiment pas quand les gens sont ensemble. C'est leur grand problème, être incapables de se sentir liés aux autres, quels qu'ils soient. Ils terrorisent pour nous rendre semblables à eux. Des gens sans élan vers les étrangers. Des humains sans humanité. Les autres ne comptent pas pour eux, alors ils les soustraient.

Faut surtout pas les laisser gagner. La seule bonne nouvelle de la semaine, c'est quand les autorités ont annoncé qu'il y aura un marathon de Boston, l'an prochain.

Ne pas céder à la terreur. Ne pas donner raison à la haine.

Évidemment, on va resserrer les mesures de sécurité, mais on sait très bien qu'on ne sera jamais totalement à l'abri.

Les habitués du rendez-vous se demanderont s'il n'y pas un traître ou deux parmi eux. Les inconnus ne deviendront pas des complices, par le seul fait d'être là. On va se méfier de son prochain. Ce sera déjà une petite victoire pour ces barbares. Mais il nous faudra apprendre à surmonter notre peur et avoir le courage de s'abandonner à l'ensemble. Encore et malgré tout.

Chaque jour de notre vie, nous sommes des êtres vulnérables.

Les autres sont nos agresseurs. Ils sont aussi nos sauveurs. Il ne faut jamais cesser de vouloir être ensemble.

Réussir à être ensemble est notre mission ici-bas.

Faut continuer d'y croire.

Nous le devons aux victimes de Boston.