Les boys, faut qu'on se parle. J'ai acheté mes billets pour la finale de la Coupe Rogers il y a plusieurs mois. Ma blonde n'est pas une grande fan de sport. Elle préfère la littérature comparée, le théâtre expérimental et la danse contemporaine.

«Chérie, on va au tennis, le 14 août?

- Encore du tennis? On vient d'y aller!

- Ça, c'était l'année dernière. Il y en a une fois par année.

- Ouais, ben je sais pas... Tant qu'à entendre des filles gémir, j'aime autant aller voir La pornographie des âmes, de Dave St-Pierre.

- Cette année, ce sont les gars. Tu vas pouvoir voir de près Rafael Nadal et Roger Federer.»

Je viens de frapper un as et de remporter le match. Soudain, comme par magie, ma blonde a hâte d'aller au tennis.

Car vous savez, chers Rafael et Roger, nul besoin de suivre les tournois de l'ATP pour vous connaître. Il suffit de feuilleter n'importe quel magazine pour vous y voir annoncer des montres ou du parfum pour hommes. Les bras toujours en évidence, la cuisse gaillarde, l'oeil de fauve.

Il ne faut pas se le cacher, vous êtes les deux plus grandes poupounes du monde du sport, les Johnny Depp et Brad Pitt de la balle. Carey Price, Tom Brady et Alexandre Despatie peuvent aller se déshabiller, ils n'arrivent pas à votre mollet.

Il faut dire que votre sport se prête au voyeurisme féminin. L'équipement de gardien n'avantage pas le corps d'athlète de Price. Dans les matchs, Carey a plus l'air de Bonhomme Carnaval que d'un Chippendale. On ne voit pas grand-chose du beau Tom Brady sous son casque de football. Vous me direz qu'Alexandre Despatie peut mettre en valeur tous ses attributs aux compétitions de plongeon. Vrai, mais le saut ne dure que quelques secondes, et le mâle au brushing mouillé s'empresse d'aller se sécher dans les coulisses. Tandis que vous deux, les bêtes de sexe, durant des heures et des heures, vous offrez aux regards votre morphologie de dieux grecs. Et vous savez poser!

Quand vous ramassez la petite balle en sortant les fesses, le geste est gracieux. Pas de craque de plombier - quoique, pour une fois, les femmes ne s'en plaindraient pas. Quand vous faites un service en tendant tous les muscles de votre corps, les gouttes de sueur quittant votre peau comme une semence dorée, vous émettez un son qui n'a rien à voir avec les cris stridents des joueuses russes. Non, c'est le rugissement du lion en rut.

Federer et Nadal, ce n'est pas une carte de tennis, c'est le fantasme de 50% des êtres humains. Et je pense que je peux ajouter 10%.

À vous deux, vous êtes l'homme idéal. À la fois animal comme Nadal et sophistiqué comme Roger. Brutal et doux. Un mélange de Roy Dupuis et de Roch Voisine. Un Starbuck catégorie AAA. La totale.

Vous auriez pu vous forcer! Pour une fois que ma blonde avait hâte de m'accompagner à une manifestation sportive, qu'est-ce que je fais, maintenant?

Rafael, quand tu t'es fait sortir par Dodig, mercredi, cela a donné un coup. Mais au moins, il restait Roger. C'est sûr, le tandem est brisé, mais c'est moins dur pour le cou. Le public féminin n'aurait eu à regarder que d'un seul côté du court, dimanche. Ben non! Roger, il a fallu que tu te fasses sortir par Tsonga, jeudi. Out, l'animal! Out, le sophistiqué!

Qu'est-ce qui vous a pris de faire vos valises si rapidement? Je comprends que la ville de Montréal est en état de décomposition. Vous avez beau ne pas craindre les services puissants de l'un et de l'autre, un bloc de béton qui te tombe dessus, ça pince plus qu'une balle de tennis. Et surtout, ça défait un visage de sex-symbol. Mais vous n'aviez qu'à le dire, que vous étiez bétonophobes. L'organisateur du tournoi, Eugène Lapierre, aurait sûrement accepté de vous véhiculer en char d'assaut pour éviter toute égratignure à vos corps d'Apollon.

À l'heure où j'écris mon désespoir, il reste encore le numéro 1, Djokovic. Mais le numéro 1, on s'en fout, c'est le numéro d'étalons qu'on voulait. Pourquoi le sport n'est-il pas arrangé quand c'est le temps?

Aller voir une finale de tennis sans Nadal et Federer, c'est comme aller voir un spectacle des Stones sans Jagger et Richards.

J'ai une idée. Les beaux gars, pour vous faire pardonner d'avoir été éliminés si rapidement du tournoi, acceptez dimanche d'être les deux préposés aux balles. Vous courez vite. Vous vous penchez bien. C'est pas trop forçant. Et comme ça, ma blonde et les blondes de tous les gars présents pourront vous regarder. Je suis certain qu'Eugène Lapierre peut hausser le prix des billets pour vos cachets sans qu'aucun amateur ne rouspète.

Ça devrait être une clause contractuelle pour toutes vos participations aux tournois de l'ATP: quand vous ne vous rendez pas en finale, vous êtes les ramasseurs de balles du match de la finale.

Quelque chose me dit que vous vous rendriez en finale plus souvent...

À dimanche, les amis!

Je serai facile à reconnaître: je serai avec la fille en train de lire.