Il y a deux ans, Barack Obama est devenu le 44e président des États-Unis. Un moment magique. Pas seulement parce qu'il était noir, mais surtout parce qu'il était brillant. Ouvert, humain, sincère. On a célébré son élection comme on célèbre un championnat sportif, la conquête de la Lune et Noël. Tout ça en même temps. Les citoyens venaient de récrire l'Histoire.

Partout en Amérique, les gens exultaient. C'était la joie et l'allégresse. On était certain que le monde allait changer. Parce que tout le monde voulait changer, croyait-on. L'enthousiasme était si grand, la vague si forte qu'on avait l'impression que tous les Américains étaient fiers d'être contents. Que tous les Américains avaient voté Obama. Yes we can!

On s'était trompé. La réalité, c'était que 53% des Américains avaient voté pour Barack Obama et que 46% avaient voté pour John McCain. D'accord, c'est beaucoup. C'est une victoire très nette, très franche. Mais une victoire fragile malgré tout. Car il suffisait que 4% des Américains changent d'idée pour que tout bascule: 4% de moins pour Obama, 4% de plus pour McCain, et soudain le républicain aurait eu 50% et le démocrate, 49%.

Ce ne sont pas tous les Américains qui voulaient changer le monde, le 4 novembre 2008. Un peu moins de la moitié voulait le garder comme il était et plusieurs, comme il était il y a très longtemps.

Le recul est commencé.

Le 2 novembre 2010, les citoyens n'ont pas récrit l'Histoire, ils ont envoyé une note à l'administration: cessez de dépenser notre cash.

Résultat des courses: deux ans après avoir été le messie, Obama commence son calvaire. Sera-t-il crucifié dans deux ans? Ou ressuscitera-t-il? Il est encore trop tôt pour le dire.

Mais il n'est pas trop tôt pour constater que nous sommes de grands naïfs. Dieu que nous étions certains qu'Obama allait changer le visage de l'Amérique! Aucun homme ne peut changer le visage de l'Amérique. L'Amérique a trop de visages. La politique est un tango. Un pas en avant, deux en arrière. On bouge quand même, mais sans savoir si on avance ou si on recule.

Aussitôt au pouvoir, Obama a dû manoeuvrer pour éviter la débâcle qu'il vient de connaître. Et il devra manoeuvrer encore plus pour éviter d'être évincé dans deux ans. C'est le cercle vicieux de la politique. Pour faire des changements, il faut être au pouvoir, mais pour rester au pouvoir, il ne faut pas faire trop de changements. L'homme a beau rêver de changement, quand il se produit, il a une réaction de rejet. Le changement dérange. Il faut du temps pour l'apprécier. Et 24 mois, ce n'est pas assez.

Obama a déçu ceux qui s'adaptent bien aux changements. Ils trouvent qu'il n'en a pas fait assez. Obama a déplu à ceux qui haïssent les changements. Ils trouvent qu'il en a fait trop.

Je crois toujours aux bonnes intentions de Barack Obama. Je pense juste que le système le rend impuissant. Le yes we can de la campagne à la présidence est devenu yes we can't dans l'appareil gouvernemental. On ne peut pas tenir ses promesses si on veut se faire réélire. Parce que la presque-moitié des gens qui ne voulaient pas de nos promesses va crier tellement fort qu'elle va finir par faire changer de côté assez des gens parmi la moitié de ceux qui nous ont mis au pouvoir, pour nous faire tomber. Ma dernière phrase est lourde et pas très claire? C'est ça, la politique: lourd et pas très clair.

Je me permets de proposer une solution au fonctionnement de nos démocraties. Pourquoi ne pas élire nos dirigeants pour un seul mandat? Un seul mandat de huit ans. Ils ont huit ans pour accomplir ce qu'ils ont promis d'accomplir. Et après, bye-bye! Merci d'avoir servi la nation, on prend un autre appel.

Vous me direz que les hommes ont beau se retirer, les partis vont demeurer et qu'eux voudront que les gestes accomplis durant le mandat leur permettent d'être réélus. C'est le problème de l'esprit de parti. Les républicains ne veulent pas le bien des Américains, ils veulent le bien des républicains. Et vous pouvez remplacer le mot républicains par démocrates, libéraux, conservateurs ou péquistes, l'énoncé sera aussi vrai.

Il faudrait que, une fois au pouvoir, le gouvernement se détache de son parti comme une capsule se détache de sa fusée pour atteindre son but. Et qu'un dauphin remplace le chef et se prépare à la prochaine élection. Laisser le futur candidat faire de la petite politique pendant que le chef élu en fait de la grande.

Bien sûr, il y a sûrement des failles dans ma réforme, mais une chose est certaine: le mur au complet de l'institution gouvernementale est en train de tomber.

Barack Obama était notre espoir. Notre lueur. Celui que l'on citait en exemple à tous les politiciens. La nouvelle référence. Si après seulement deux ans Barack Obama commence à ressembler à Jean Charest, c'est peut-être parce que le pouvoir réduit.

Il faut responsabiliser l'électeur. En ce moment, on sait que peu importe qui l'on porte au pouvoir, on peut le chasser à tout moment, à coup de pressions et de sondages. Un gouvernement qui n'aurait pas à se faire réélire se foutrait des sondages.

On a les gouvernements qu'on mérite. Il serait peut-être temps d'avoir du cran. De voir à long terme. Vive l'État libre! Vive l'État libre d'agir!

Pour joindre notre chroniqueur : slaporte@lapresse.ca