En Amérique, on fête le travail à la fin des vacances. Et ce n'est pas si fou que ça. Au fond, on fête le retour de quelqu'un. Le travail nous quitte, le temps d'un été. Le travail s'en va travailler ailleurs. Loin des plages, des festivals et de la campagne. Il s'en va dans l'autre hémisphère, là où c'est l'hiver. Dans une usine d'Australie ou dans un mine du Chili.

Puis il revient, le premier lundi de septembre. On est bronzé et lui encore tout cerné. On lui donne un petit bec forcé. On fait comme si on ne s'était pas ennuyé de lui. On ne l'invite même pas à s'asseoir. C'est ça, c'est ça, on se verra demain. Et on prend un dernier verre de rosé en trinquant encore à l'été. Le travail est mal fêté.

Lundi, si on changeait la donne? Lundi, si on fêtait vraiment le travail? Il serait plus que temps. Le travail, c'est comme un parent ou un vieil ami, il faut le perdre pour réaliser à quel point on y tenait. Tant qu'il est là, on le tient pour acquis. On le boude. On l'expédie. Pourtant, il ne faut pas attendre d'être remercié pour lui dire merci. C'est trop tard. Bien trop tard.

Les vacances, c'est plaisant, mais le travail, c'est vital. Bien sûr, ça nous permet de gagner notre vie, mais ça permet aussi aux autres de ne pas perdre la leur. C'est assez évident quand on pense au travail des médecins et des infirmières. Mais c'est vrai aussi pour tous les emplois. Tout travail est tourné vers les autres. Tout travail est utile à quelqu'un d'autre que celui qui le fait. Et c'est ce qui rend le travail si honorable. De la serveuse à l'actrice, du plombier au joueur de hockey, de l'enseignant à l'astronaute, chacun travaille pour son profit mais pour le profit des autres aussi.

Sans le travail de nos semblables, on ne pourrait pas manger, se vêtir, se soigner, s'instruire, se loger, s'amuser. On peut arriver, pour notre plus grand malheur, à vivre sans travail. On ne pourrait pas vivre sans le travail des autres.

Le Petit Robert définit le travail comme étant l'ensemble des activités humaines orientées vers un but. C'est ce qui nous permet de vivre ensemble. Pour le bien-être de la communauté, il faut que chacun fasse sa job. Il n'y a pas d'autre façon. Il y en a qui la font mal, qui tournent les coins ronds, qui ne recherchent que leur propre intérêt, et des milliers de personnes écopent. Le travail est une valeur digne. Le problème, c'est que ceux qui le font ne le sont pas toujours. Mais ce n'est pas la faute du travail; le travail fait toujours ce qu'il peut.

Voilà pourquoi lundi, durant le dernier barbecue entre amis de l'été, ce serait bien de porter un toast à notre travail et au travail de tous ceux qui nous entourent.

De saluer l'apport de chaque personne au quotidien de chacun de nous. À commencer par ceux qui ont fabriqué le verre que vous levez, à ceux qui l'ont transporté, à ceux qui l'ont vendu. Nous sommes entourés du fruit du travail de milliers et de milliers de personnes.

Combien de travail et de travailleurs pour ce journal entre vos mains, pour ces fleurs sur la table, pour cette confiture sur vos rôties?

Le travail mérite une belle fête. Et notre amour au grand jour. C'est le fun, les vacances, mais sans le travail des hôteliers, des guides, des gosseux de chaises longues, les vacances n'existeraient pas.

Le plus grand malheur qui arrive à ceux qui gagnent 34 millions de dollars à la loterie, c'est qu'ils n'ont plus besoin de travailler. Une bénédiction, vous direz? Pendant une semaine, un mois, un an, peut-être... Pas durant le reste de sa vie. Soudainement, ils n'ont plus de but. Ils ne collaborent plus à l'ensemble des activités humaines orientées vers un but. Et le temps devient long. Alors ils créent une fondation pour se rebrancher sur les autres. Et revenir dans la ronde.

À la question existentielle «être ou ne pas être?», la réponse est: «être utile.» C'est le souhait de toute existence. Et pour se sentir utile, il n'y a que deux moyens: l'amour et le travail.

Quand on aime et que quelqu'un nous aime, on est utile. À son enfant, sa femme, son homme, sa mère, son père, son frère, sa soeur, son ami. Quand on travaille, on est utile à tous ceux-là et à tous les autres qu'on ne connaît pas.

L'amour, on fête ça le 14 février.

Lundi, c'est la fête du Travail. Prenons le temps de lui dire qu'on l'aime.

Bonne fête du Travail à tous!

Je t'aime, mon travail!