Le ministère des Transports du Québec va remplacer les panneaux routiers actuels par des panneaux routiers plus lisibles. Ah bon? Pourquoi? Est-ce pour répondre à la pression populaire? Y a-t-il eu, devant l'Assemblée nationale, des manifestations de milliers de personnes munies de grandes pancartes scandant: ON VEUT DES PANNEAUX ROUTIERS PLUS GRANDS! ON VEUT DES PANNEAUX ROUTIERS PLUS GRANDS!

Est-ce que cela faisait partie des recommandations de Lise Bissonnette pour encourager la lecture au Québec? Est-ce que Clotaire Rapaille est le nouveau conseiller du ministère des Transports?

Non, rien de tout cela. Si le gouvernement du Québec va dépenser plusieurs millions de dollars pour de nouveaux panneaux couverts d'une pellicule réfléchissante plus performante, c'est à cause du vieillissement de la population. Voilà, c'est aussi simple que ça. Le Québécois ne voit plus clair. Cataractes obligent, le Québécois n'est plus en mesure de distinguer si c'est écrit Val-David ou Val-d'Or. Il y a de quoi être perdu.

On ne peut pas reprocher au gouvernement de vouloir faciliter le long chemin de ses petits vieux.

Mais tant qu'à le faire, il ne faut pas le faire à moitié. Avant de lire les lettres sur le panneau, il faut d'abord se rendre compte qu'il y a un panneau. Et ça, pour de vieux yeux, ce n'est pas évident. Il faut donc, avant tout, attirer l'attention de l'oeil fatigué. Dans toute l'histoire du Québec, le panneau le plus vu fut celui de Marie-Chantal Toupin, qui trônait à la sortie du pont Jacques-Cartier. «Regardez-moi dans les yeux», qu'elle disait. Pas un vieux snoreau qui ne l'ait zyeuté. Alors, il suffit de le multiplier sur toutes les routes du Québec et d'écrire les indications requises sur la camisole de Marie-Chantal. Jeunes et vieux se rendront tous à destination, et avec le sourire.

Si on veut vraiment aider les aïeuls, il ne faut pas seulement remplacer les panneaux existants, il faut aussi ajouter des nouveaux panneaux avec de nouveaux renseignements. Parce que c'est bien connu, il n'y a pas que la vue qui devient floue en vieillissant, la mémoire aussi. Il est très important de rappeler au conducteur où il est: VOUS ÊTES SUR LA 20 EN DIRECTION DE QUÉBEC. 10 kilomètres plus loin: VOUS ÊTES TOUJOURS SUR LA 20 EN DIRECTION DE QUÉBEC. 10 kilomètres plus loin: VOUS ÊTES ENCORE ET TOUJOURS SUR LA 20 EN DIRECTION DE QUÉBEC. Ça rassure et ça évite les crises de panique.

Et pourquoi se limiter aux panneaux? Tant qu'à adapter nos routes en fonction du vieillissement de la population, adaptons! Il faut augmenter le nombre de haltes routières, car il n'y a pas que la mémoire qui est lâche en vieillissant, la prostate aussi. Des toilettes publiques aux 5 km, et pépé aura l'esprit et la culotte en paix.

Il faudrait aussi abaisser la vitesse minimale exigée sur les autoroutes. En ce moment, un automobiliste ne peut rouler à moins de 60km/h. Or, c'est bien connu, l'homme âgé n'est pas pressé d'arriver. Il aime avancer à son rythme. L'idéal serait 30km/h. Ça permet d'admirer le paysage en écoutant Sweet People.

Une fois toutes ces mesures mises en place, il ne faudra pas s'arrêter là. Un vieux, ça ne roule pas que sur les autoroutes, ça roule en ville aussi. Si vous trouvez les panneaux routiers trop petits, ceux qui indiquent le nom des rues le sont encore plus. Sortez vos néons. Il y aussi le son du camion qui recule qui n'est pas assez fort. Bip! bip! bip! Grand-papa risque d'être écrasé en dessous d'un 10-roues avant de réussir à l'entendre. Il faut augmenter le volume. BIP! BIP! BIP! Et le Québécois se tassera à temps.

C'est bien beau, les pistes cyclables, mais c'est très dangereux de s'y aventurer en marchette. Et le trottoir aussi est une zone risquée. On peut à tout moment être renversé par un jeune en planche à roulettes ou un trentenaire distrait en train de jaser au cellulaire. Il faudrait donc des pistes pour les marchettes. Et tant qu'à faire, un service de fauteuils roulants Bixi. Vous prenez votre fauteuil Bixi à une station du Plateau et vous allez jouer à la pétanque au parc La Fontaine.

La vieillesse est un naufrage, a dit le général de Gaulle. Alors, transformons le Québec en île de Gilligan. En paradis pour l'âge d'or. Et distribuons le Viagra gratuitement à tous ceux qui en font la demande. Car à quoi ça sert de pouvoir se déplacer partout si on n'atteint jamais le nirvana?

Maintenant, est-ce que le gouvernement du Québec est prêt à investir autant pour améliorer la qualité de vie de ses aînés? Sûrement pas. C'est une chose de donner un contrat de panneaux à de possibles amis du parti; c'est autre chose de transformer le Québec en une immense Résidence Soleil.

Le vieillissement de la population, ce n'est qu'une excuse, au fond. On s'en doute bien. Personne n'est tombé dans le panneau.