L'humoriste français Didier Porte a invité, sur les ondes de France Inter, l'ex-premier-ministre Dominique de Villepin à enculer le président Nicolas Sarkozy. Il a été congédié.

L'humoriste français Stéphane Guillon a déclaré, sur les ondes de France Inter: «Je sodomise le président. Je sodomise le président. Je sodomise le président.» Il a été congédié.

 

Le joueur de football de l'équipe de France Nicolas Anelka a dit à son sélectionneur, Raymond Domenech, durant un match du Mondial: «Va te faire enculer, sale fils de pute!» Le sélectionneur a été congédié.

Mais que se passe-t-il avec nos cousins? Des gens si bien élevés normalement. Et qui parlent si bien.

Voyons ce que nous révèlent ces trois déclarations à propos de la société française d'aujourd'hui.

Premièrement, au royaume de France, si tu tiens à garder ton emploi, mieux vaut insulter Raymond Domenech plutôt que Nicolas Sarkozy.

Deuxièmement, les Français sont vachement énervés. Ils l'ont toujours été mais, avant, ils savaient se maîtriser. Quand ils prenaient les nerfs, ils étalaient à la face de leurs victimes culture, lettres et noblesse. Ils les mettaient en pièces avec intelligence et condescendance. À la Cyrano de Bergerac, qui pourfendait en alexandrins ceux qui se moquaient de son nez.

Ah! Non! C'est un peu court, jeune homme!

On pouvait dire... Oh! Dieu! ... Bien des choses en somme.

En variant le ton, par exemple, tenez:

Agressif: «Moi, monsieur, si j'avais un tel nez

Il faudrait sur-le-champ que je l'amputasse!»

Amical: «Mais il doit tremper dans votre tasse!

Pour boire, faites-vous fabriquer un hanap!»

Descriptif: «C'est un roc! ... C'est un pic! ... C'est un cap! ...

Que dis-je, c'est un cap? ... C'est une péninsule!»

Aujourd'hui, le Français a le vers solitaire. Oubliez la rime. Oubliez le roc, le pic, le cap.

Quand le Français moderne s'énerve, c'est toujours en mentionnant une région extrêmement sensible du corps humain pour laquelle il recommande un traitement choc dont tout le monde n'est pas fervent. Bref, à côté du langage cru employé par les personnalités publiques de notre mère patrie, Rogatien, le chauffeur de Taxi 0-22, semble s'exprimer comme Mme Bombardier.

Vous me direz que, en tant que Québécois, je suis mal placé pour critiquer le niveau de langage de qui que ce soit. Peut-être. Mais nous donnons quand même rarement publiquement dans Sodome et Gomorrhe. Dernièrement, on a rabroué Jean Charest et Pauline Marois pour leurs excès de langage à l'Assemblée nationale. Pourtant, leurs propos, c'est de la poésie à côté du discours véhiculé dans la presse française. Quand le très prestigieux journal L'Équipe cite à la une les insultes très vertes du joueur des Bleus à l'égard de son sélectionneur, sans rien censurer, sans se servir de points de suspension, c'est que l'escalade du grossier atteint des sommets.

Parlant de sommets, c'est peut-être par là qu'il faut regarder pour expliquer le comportement du citoyen tricolore. Le président de la France ne se gêne pas pour employer publiquement des termes très rudes quand quelque chose ne fait pas son affaire. Avant, quand le politique français s'énervait en public, il s'énervait comme Louis de Funès. Beaucoup de tics, d'onomatopées, de gestes secs, mais peu de gros mots. Aujourd'hui, quand le politique français s'énerve en public, on n'est plus dans Le gendarme de Saint-Tropez, on est dans un film porno de Lova Moore.

Bref, les Français ne sont pas au bord de la crise de nerfs, ils sont en plein dedans.

On pourrait croire, compte tenu de la performance des Bleus en Afrique du Sud, que la France est cuite. Il n'en est rien. La France est crue. Trop crue.

Raymond Domenech est tellement bleu qu'il a refusé de serrer la main au sélectionneur sud-africain qui venait de le battre. Pitié! Ce qui est honteux, dans la vie, ce n'est pas de perdre; c'est de ne pas savoir perdre.

Calmez-vous, les French. Oui, votre économie va mal. Oui, votre club de foot est la risée de la planète. Oui, votre président est tout petit. Oui, l'euro ne cesse de dégringoler. Mais voyez le bon côté des choses: grâce à la chute de votre monnaie, vous serez envahis cet été par vos cousins québécois. Vous savez? Ceux qui parlent si drôlement. Ces bûcherons sympathiques.

Peut-être que, à notre contact, vous apprendrez à vous détendre un peu. Chez nous non plus, ça ne va pas si bien que ça. L'économie, la santé, Halak parti, Charest toujours là... Mais on ne s'énerve pas. On ne sodomise personne. On prend ça cool.

Quand notre équipe ne gagne pas, on l'aime pareil.

Quand notre premier ministre fait ce qu'il veut, on le laisse faire.

Vous avez inventé la révolution. Nous avons inventé la révolution tranquille.

C'est ce qu'on vous souhaite: un peu de tranquillité. La vie n'est pas si terrible que ça. Domenech est déjà parti. Sarko, ça viendra bien.

C'est parce qu'on vous aime bien que ça nous inquiète de vous voir si énervés. Prendriez-vous une petite bière chaude?