Soyez francs. Il y a deux mois, connaissiez-vous Tony Tomassi? Non. Moi, non plus. J'aurais cru que c'était un ancien joueur des Expos. Le numéro 8, jouant au deuxième but, Tony Tomaaaaassi! Aujourd'hui, tout le monde sait que Tony Tomassi est le ministre de la Famille du gouvernement Charest. Ou plutôt: était le ministre de la Famille du gouvernement Charest. Tremper dans un scandale, de nos jours, est la seule façon pour un ministre de parvenir à la célébrité. Les ministres qui sont fouillés, traqués, arrêtés, on les connaît. Les autres, pantoute.

Il y a cinq mois, qui connaissait Helena Guergis? J'aurais parié qu'elle était actrice dans Top Modèles. Ben non! Elle est ministre d'État à la condition féminine. Ou plutôt, elle était ministre d'État à la condition féminine. C'est rendu qu'on connaît plus de ministres démis de leurs fonctions que de ministres toujours à la tête de leur ministère.

 

De tous les ministres qui ont servi sous le gouvernement Harper, quel est le plus connu au Québec? Maxime Bernier.

Savez-vous qui sont Peter Van Loan, Gerry Ritz, Jason Kenney, Gail Shea, Keith Ashfield, Rob Merrifield et Rob Moore? Non, ce ne sont pas des choix du Canadien de Montréal aux dernières séances de repêchage. Ce sont tous des ministres actuels du gouvernement Harper.

Savez-vous qui sont Clément Gignac, Lise Thériault, Pierre Corbeil, Nicole Ménard et Serge Simard? Non, ce ne sont pas les participants cette semaine au jeu-questionnaire Le Cercle de Charles Lafortune. Ce sont tous des ministres actuels du gouvernement Charest. Il faut tout de même avouer qu'il y a plusieurs ministres actuels du gouvernement Charest qui font de plus en plus les manchettes. C'est sûr qu'être l'objet d'une enquête du DGE, ça aide à devenir une vedette.

Une conclusion saute aux yeux: en 2010, un ministre connu est un ministre dans la m...

Avant, ce n'était pas comme ça. Avant les ministres étaient les stars de la vie politique. Et ils avaient une place de choix dans la société en raison de leurs opinions, projets et réalisations. Les Claude Charron, Camille Laurin, Jean-Paul L'Allier, Jean Garon, Jean Cournoyer, Raymond Garneau, Lise Payette et bien d'autres n'ont jamais été chef de leur parti. Pourtant, tous les Québécois savaient qui ils étaient. Ils existaient. Ils avaient de l'importance. Ils avaient un rôle à jouer. Un gouvernement, ce n'était pas une pensée unique, c'était l'addition de plusieurs points de vue, de plusieurs personnalités fortes. Ils ne répétaient pas la ligne du parti. Ils traçaient la leur.

Maintenant, il n'y a qu'une seule personnalité au pouvoir, c'est le chef. Il n'y a qu'un seul premier rôle, c'est le chef.

Avant, quand une course à la succession du chef était déclenchée, il y avait plein de candidats prestigieux qui jouissaient déjà d'un certain statut. Pierre Marc Johnson, Jacques Parizeau, John Turner, Jean Chrétien...

Imaginez si Stephen Harper, après une inspirante rencontre avec le dalaï-lama, décidait de tout planter là et de se faire moine. Qui lui succéderait? Peter MacKay, connu parce que Belinda l'a quitté? James Moore, obscur partisan des Canucks de Vancouver? Maxime Bernier?

Il n'y a plus de relève en politique parce que les ministres sont devenus des secrétaires du premier ministre. Ils sont pris en sandwich entre le PM, qui leur dit ce qu'il veut, et les sous-ministres, qui leur disent ce qu'ils peuvent.

La carrière de ministre n'est plus ce qu'elle était.

Et s'il y a de plus en plus de scandales, c'est peut-être parce qu'il y a de moins en moins de députés inspirés et inspirants, et de plus en plus de petits politicailleux qui vont en politique comme on va en business: pour que ça rapporte. Où sont les hommes et les femmes de principe de ce pays? On a grandement besoin d'eux. En espérant que toute la magouille actuelle sera l'engrais qui fera pousser une nouvelle génération de politiciens dévoués et incorruptibles.