Lucien Bouchard a le droit de dire ce qu'il pense. Il a le droit de dénoncer le projet souverainiste. Il a le droit de prôner un dégel des droits de scolarité. Il aurait même le droit de proposer au Canadien d'échanger Price et de garder Halak. Jacques Parizeau aussi a le droit de dire exactement le contraire de Lucien Bouchard. Et Bernard Landry a le droit de dire le contraire de Bouchard et la même chose que Parizeau, mais en latin.

Ce qui est inquiétant, ce n'est pas que tous ces ex se prononcent. Ce qui est inquiétant, c'est qu'il n'y a que des ex qui se prononcent. Où sont les prochains? Les next? Les chefs de file de la nouvelle génération? Comment se fait-il que les nouvelles idées sont de vieilles idées venues de ceux qui sont déjà passés par là, qui auraient pu les réaliser lorsqu'ils étaient en place mais qui ne l'ont pas fait? Comment se fait-il que le débat de société est animé par des gens dont les années de pouvoir sont derrière eux? Par des gens qui ont encore le souci de proposer des solutions, mais qui n'ont plus la fougue pour les appliquer, les concrétiser?

 

Comment se fait-il que, au Québec, on n'entend que des ex? C'est simple, il n'y a plus de fiancées. Les fiancées ont sacré leur camp. Les fiancées ont cassé. Personne ne veut s'engager. Personne ne veut se marier à la politique. La politique est en train de sécher, au Québec. La politique est un divorcé qui ne pogne plus. Il n'y a que ses ex qui s'intéressent encore à lui. Et ce n'est surtout pas pour reprendre avec lui. C'est juste pour le critiquer, pour chialer davantage. Pour lui redire à quel point il ne fait rien de bon. Pour lui redire qu'il devrait tout faire autrement. Pour lui redire combien elles ont bien fait de le quitter.

Au Québec, tout le monde préfère commenter plutôt que d'accomplir. On est un peuple de gérants d'estrade. Où sont les jeunes loups? Disparus. Durant des années, Mario Dumont était l'incarnation de la nouvelle génération. Un précoce qui un jour deviendrait PM. C'était écrit dans le ciel. Que fait Dumont aujourd'hui? Il commente. Il fait des 360. Il y a quelques années, l'avenir du PQ, c'était André Boisclair. Le nationaliste nouveau. Que fait Boisclair aujourd'hui? Il commente.

Qui a succédé à Mario Dumont? Personne. Qui a succédé à André Boisclair? Pauline Marois. Les seuls prétendants au Québec sont les anciens. Les engagés des années 70 sont encore les engagés des années 2010. Chapeau pour leur vigueur! Chapeau pour leur sens de l'engagement! Mais après eux, ce ne sera pas le déluge, ce sera le désert. Il n'y a pas de relève en politique. Nommez-moi un jeune politicien qui promet. Pas qui fait des promesses, qui promet, qui commence déjà à faire sa marque. En 2004, toute l'Amérique avait déjà repéré Barack Obama.

Le leader de 2014, le leader de 2020, ce sera qui, chez nous? Encore Charest, ça se peut bien... Ou Pauline.

Aux dernières élections municipales, qui représentait le changement, le nouveau Montréal face aux vieux maires, face à Gérald Tremblay? Louise Harel. Une autre battante des années 70. C'est pas normal.

Je n'ai rien contre les politiciens expérimentés. Au contraire, une chance qu'ils sont là: sans leur sens de la nation, le Québec serait un État sous-développé. Mais l'arène politique ressemble à une salle de spectacle de Michel Louvain.

Où sont les jeunes? Et quand je dis jeune, je parle des gens dans la trentaine et même dans la quarantaine. Ils s'occupent de leurs affaires. On a de plus en plus d'exemples de réussite personnelle au Québec, et de moins en moins d'exemples de réussite collective.

Qui succédera à Charest chez les libéraux? Impossible de voir un dauphin. Il n'y a que des brochets. Qui succédera à Marois chez les péquistes? Parizeau?

Si j'étais Lucien Bouchard, c'est ça que je dénoncerais. L'indifférence politique du Québec. Le problème, ce n'est pas de rêver à un pays, c'est de ne plus rêver à rien. Ni au Québec. Ni au Canada. C'est de ne rêver qu'à soi. C'est un constat lucide de notre société. Nous sommes un peuple d'ex. Ce n'est pas avec des ex qu'on prépare son avenir. Avec des ex, on ne fait que réveiller de vieilles chicanes.

Sans relève politique, le Québec deviendra tôt ou tard un ex à son tour.

«Où habites-tu?

- J'habite dans l'ex-Québec...»