On nous l'annonce depuis le printemps. Comme on le fait pour une grosse production cinématographique d'Hollywood. Avec une bande-annonce pour nous mettre l'eau à la bouche. Ou plutôt au nez. La grippe A (H1N1) s'en vient! Tatatatam (musique dramatique). Et on voit des scènes d'urgences bondées. Des gens avec des petits masques partout. Des bouchons de cortèges funèbres au centre-ville. La grippe A (H1N1), coming this fall sur une poignée de porte near you! Ça donne la chair de poule. Ou plutôt la chair de porc.

Elle est censée arriver en octobre. Petit hic, le vaccin va être prêt en novembre. Délai administratif. Et nous, les cons, qu'est-ce qu'on fait durant un mois? On prend un grand respir. Et on tousse dans notre coude. C'est ben beau tousser dans notre coude pour ne pas contaminer autrui en donnant la main, mais dans le métro, ça joue plus du coude que ça se donne la main. Durant un mois, le virus va pouvoir se promener partout sans que rien ne puisse l'arrêter. On n'a rien pour se défendre. Que nos petits anticorps personnels. En passant, un anticorps, ce n'est pas le corps de quelqu'un qui ne s'entraîne pas, ce n'est pas le corps de quelqu'un qui passe son temps au Tim Hortons. Non, c'est une protéine spéciale de défense. Elle est censée nous protéger lorsqu'une substance étrangère s'introduit dans notre organisme. Sauf que nos anticorps sont rendus à boutte. Ils luttent à chaque instant contre des millions de microbes. La grippe A (H1N1), c'est trop pour eux. Ils la laissent passer. Et on est fait. Ça prend le vaccin pour leur donner un regain d'énergie. Mais il n'est pas prêt.

 

La solution: l'hibernation nationale. Une pandémie se propage parce que les êtres humains se côtoient. Dans l'autobus, dans l'ascenseur, au bureau, au centre commercial, au restaurant. Réglons le problème, restons chez nous. Et facebookons. Les seuls virus que peuvent donner nos amis Facebook attaquent notre ordinateur, pas notre santé.

On passe le mois d'octobre en dedans. Enfermés. On a déjà eu la loi des mesures de guerre en octobre qui nous privait de nos libertés. Cette fois, la direction de la santé publique doit promulguer la loi des mesures de grippe qui nous privera de notre liberté de nous déplacer. D'entrer en contact les uns avec les autres. Chacun est cantonné à son domicile durant les 40 prochains jours. Une quarantaine pancanadienne.

Défense de sortir. C'est le maire de Huntingdon qui va être content. Un couvre-feu de 24 heures par jour. Il y aura des horaires de prise d'air pour les fumeurs. Ainsi quatre fois par jour, les résidants d'une même maison auront le droit d'aller sur le balcon. Bien sûr, leurs voisins devront attendre qu'ils soient rentrés pour sortir à leur tour.

Toutes les transactions se feront sur le Net. L'épicerie sera commandée via le web et livrée par des employés en combinaisons. On s'informe sur le Net. On se divertit sur le Net. On communique sur le Net. Bref le Net devient notre respirateur artificiel auquel on est branché nuit et jour. Plusieurs ne verront aucune différence avec leur vie normale.

La séquestration préventive comporte son lot d'avantages. Fini le trafic. Finis les ponts. Finies les contraventions. Finis les accidents. Finies les pertes de temps. On n'est jamais en retard. On est toujours rendu.

Imaginez aussi les bienfaits pour l'écologie qu'entraîne ce programme. C'est le déplacement qui pollue. Il n'y a rien de plus vert que l'immobilisme. Nos gouvernements le savent bien. Ce ne sera pas une journée sans voitures. Ça va être un mois sans voitures, sans autobus, sans avions. Ça va purifier notre environnement.

Économiquement, certains peuvent craindre que l'hibernation entraîne la baisse des marchés. Au contraire! Ce n'est pas le travail qui fait augmenter les profits. C'est la spéculation. Les gens n'auront que ça à faire. Spéculer et transiger sur leurs ordinateurs.

Que tout le monde reste à la maison durant un mois, qu'est-ce que ça va changer? Rien. Le nouveau CHUM ne peut pas être plus en retard. Les gouvernements ne peuvent pas être plus sclérosés. Les finances ne peuvent pas être plus au ralenti.

Ce sont les ours qui ont raison. Il y a un temps pour se frotter aux autres et un temps pour rester dans son trou.

Cette incarcération à domicile sera probablement une période de ressourcement pour l'ensemble des Québécois. Un peu comme le fut le verglas. Ça va nous permettre de nous rapprocher de nos proches et de nous éloigner de nos lointaines connaissances.

En novembre, nous serons mieux armés pour affronter la grippe A (H1N1) et l'hiver. Et Gérald Tremblay, et Louise Harel, et Stephen Harper, et Michael Ignatieff, et Jean Charest, et Pauline Marois. Tous ces gens qui veulent notre bien mais qui n'ont pas commandé le vaccin à temps. Atchoum!