À certains égards, Barack Obama a déjà réussi l'impossible, un an après son entrée triomphale à la Maison-Blanche.

Le 44e président des États-Unis est sur le point d'apposer sa signature au bas de la plus grande réforme des soins de santé en 40 ans. Plus de 30 millions d'Américains qui étaient sans couverture médicale n'auront plus à vivre dans la hantise de la maladie.

Ce président démocrate a aussi changé l'image des États-Unis à l'étranger. Il s'agit d'un revirement majeur après huit années d'une administration républicaine belliqueuse.

 

Bien sûr, l'administration Obama a dû faire des compromis qui ont mécontenté autant ses alliés traditionnels que ses rivaux politiques. Et les résultats ne sont pas toujours tangibles. La main tendue des États-Unis n'a pas rapporté beaucoup de dividendes à Barack Obama sur la scène internationale, si ce n'est un prix Nobel de la paix décerné de façon prématurée.

Mais pour reprendre un vieux dicton, la politique, c'est l'art du possible. Même édulcorées, les premières réformes Obama restent remarquables.

Les Américains ne semblent toutefois pas en tirer une grande fierté. Il faut voir que Barack Obama ne pouvait pas faire autrement que de décevoir. Lorsqu'il a prêté serment à Washington, il y a un an, devant une foule de 1,5 million d'admirateurs qui célébraient son investiture dans le froid et l'allégresse, les attentes à son endroit étaient démesurées.

Aussi, il n'est pas étonnant que les Américains jugent aujourd'hui avec sévérité l'administration Obama. Selon un sondage YouGov Polimetrix mené pour la revue The Economist, 54% des Américains critiquent la façon par laquelle le nouveau président a composé avec la crise économique, alors que seulement 40% d'entre eux approuvent les décisions qu'il a prises.

Nos voisins ont le moral dans les talons. Si la récession est officiellement terminée, la reprise qui s'observe à la Bourse leur échappe encore au quotidien.

Après un sombre mois de décembre au cours duquel 85 000 emplois ont été perdus, le taux de chômage aux États-Unis est resté scotché à 10%. Et ce taux officiel ne donne pas une idée juste de l'ampleur de la crise. Si l'on tient compte de la véritable population active et des personnes qui doivent travailler à temps partiel pour joindre les deux bouts, le taux de chômage s'élève plutôt à 17,3%.

Or, les efforts de l'administration Obama pour atténuer cette crise tombent à plat. Le président s'était par exemple engagé à modifier les prêts hypothécaires de 4 millions d'Américains pour qu'ils puissent éviter une saisie. Mais des 900 000 emprunteurs qui ont entrepris des démarches pour réduire leurs paiements, seulement 7% ont réussi à faire modifier leur contrat hypothécaire.

Près de 200 000 emprunteurs qui ont vu leurs mensualités réduites pour une période d'essai sont encore incapables de payer leur hypothèque. Ces personnes vont vraisemblablement perdre leur résidence, prévoit le ministère américain du Trésor. Ils se joindront aux 13,5% d'emprunteurs américains dont les paiements étaient en souffrance en novembre, un pourcentage record.

La colère des Américains est d'autant plus palpable qu'ils commencent à prendre la mesure des coûts de la relance sur les finances publiques. Dette dont ils auront la charge...

Le déficit budgétaire des États-Unis a atteint 1,4 billion de dollars au cours de l'année financière 2009. La dette totale des États-Unis frise maintenant les 12,3 billions de dollars, ce qui équivaut à près de 85% du produit intérieur brut du pays.

Les injections massives de fonds pour renflouer les institutions financières et les constructeurs de Detroit ont permis de stabiliser une économie en crise. Mais cette idée que l'administration Obama a permis d'éviter le pire reste une abstraction pour ceux qui peinent à payer l'épicerie.

Cependant, les primes consenties aux financiers new-yorkais n'ont rien d'abstrait. Selon les calculs du Wall Street Journal, les plus grandes institutions financières des États-Unis s'apprêtent à verser 145 milliards de dollars en bonus à leur personnel, une hausse de 18% sur les primes versées en 2008. Les chèques de fin d'année seraient même plus généreux que ceux signés avant la crise en 2007!

La communauté financière de Wall Street aurait décidé de se peindre une grande cible sur le dos qu'elle ne s'y serait pas prise autrement. Le président Obama vient de décocher une flèche, avec sa taxe de 0,15% sur le passif des grandes institutions financières. Cette taxe permettrait de récupérer en 10 ans l'essentiel des pertes associées au programme TARP (Troubled Asset Relief Program).

Alors que les constructeurs de Detroit, qui ont profité du même programme, s'en tirent à bon compte, cette mesure populiste pénalise même les institutions financières qui ont déjà remboursé, avec les intérêts, les prêts d'urgence consentis par Washington. Mais en même temps, toutes les firmes ou presque ont profité du sauvetage archicoûteux de l'assureur d'A.I.G. - sans se montrer le moindrement reconnaissantes envers Washington.

L'annonce de cette taxe à la veille d'une élection sénatoriale chaudement disputée au Massachusetts n'est pas fortuite. Mais au-delà de cette «taxe de la vengeance», comme la surnomment les républicains, la nouvelle réglementation du secteur financier, en chantier, se fait encore attendre. Or, avec son autorité sur le Congrès qui semble s'émousser et le sentiment d'urgence qui s'atténue, Barack Obama n'aura peut-être pas assez du reste de son mandat pour prévenir un autre cauchemar financier.